L'essentiel

  • L’Eurovision 2024 se déroule à Malmö (Suède). Les demi-finales seront les 7 et 9 mai et la finale le 11.
  • Comme chaque année, avant d’arriver sur le lieu de la compétition, les artistes en lice et leurs délégations ont accès à la vidéo de la « stand in reheasal », une répétition, avec une doublure, leur permettant de voir si la production a compris les consignes qui lui ont été envoyées.
  • 20 Minutes fait un gros plan sur cet aspect méconnu du concours, avec les témoignages de la cheffe de la délégation française Alexandra Redde-Amiel, de Julia Adriana, doublure de Barbara Pravi en 2021, et de Kaleen qui, après avoir été plusieurs fois doublure de répétition, représente l’Autriche cette année.

De notre envoyé spécial à Malmö (Suède)

Coup de chaud dans la délégation italienne. Mercredi soir, à la veille de la première répétition de la candidate transalpine Angelina Mango sur la scène de l’Eurovision à la Malmö Arena, la vidéo de la « stand in rehearsal », c’est-à-dire la répétition avec doublure, a fuité sur les réseaux sociaux, révélant la mise en scène et la réalisation qui devaient être tenues secrètes encore quelques jours.

Lors d’une conférence de presse, jeudi, la RAI a indiqué avoir alerté l’Union européenne de radiotélévision (UER) qui organise le concours et demandé aux journalistes accrédités de ne pas partager ces images confidentielles. Le diffuseur italien ne s’explique pas comment cette vidéo, qui n’avait été adressée qu’à huit personnes, s’est retrouvée en ligne.

« Il faut que 90 % du rendu final soit dans la vidéo »

Cette mésaventure rappelle à quel point ces « stand in rehearsals » sont stratégiques. « C’est très important pour nous, parce que cela permet de voir les fondamentaux de ce qu’on a essayé d’imaginer, nous explique Alexandra Redde-Amiel, cheffe de délégation française. En gros, c’est le passage de la théorie à la pratique. Cela permet de confirmer qu’on a bien fait ou qu’il faut un peu revenir en arrière parce que ce à quoi on a pensé ne fonctionne pas. »

Concrètement, les délégations n’ont que peu de temps – deux sessions de vingt minutes – pour répéter sur la scène de l’Eurovision en amont de la semaine du concours et procéder aux éventuelles modifications nécessaires. « Il faut donc que 90 % du rendu final soit dans la vidéo stand in », souligne auprès de 20 Minutes Kaleen, qui représente l’Autriche cette année et qui a tenu le rôle de doublure lors de l’édition 2018, sur les tableaux de Chypre et de la Finlande.

« Tous les pays doivent rendre à l’organisation, début mars, un dossier complet avec ce qu’ils veulent comme scénographie, la chorégraphie envisagée et les plans de caméras souhaités, énumère-t-elle. L’équipe de production constitue ensuite un groupe de personnes capables de faire sur scène ce qui est indiqué dans le cahier des charges. »

Et de poursuivre : « il y a six ans, on avait eu un mois de préparation, en incluant le temps qu’on a passé pour tourner la vidéo ensuite envoyée aux délégations. Vous êtes dans un studio de danse, vous apprenez les déplacements, les chorégraphies. Vous chantez en live. C’est amusant mais c’est surtout important puisque très utile aux artistes qui participeront à l’Eurovision ».

« Depuis ma première fois en tant que cheffe de délégation en 2021, je ne me projette plus, parce que, la première année, on est toujours un peu catastrophé, confie Alexandra Redde-Amiel. On se dit : "Oh la la mais je ne voulais pas ça et ça non plus". Il faut avoir en tête que la stand in rehearsal est une vision à un instant T de ce qu’on a pensé sur le papier. »

« Voilà appris phonétiquement »

Cette année-là, la France était représentée par Barbara Pravi. La doublure de la chanteuse était Julia Adriana. A l’époque, elle avait 21 ans et avait été recrutée en tant qu’élève au conservatoire de Rotterdam (Pays-Bas), ville hôte du concours. « J’ai aussi été la doublure de la bassiste du groupe italien et la choriste des chansons russe et néerlandaise », précise la jeune femme à 20 Minutes.

N’étant pas francophone, apprendre la chanson Voilà a été une gageure. « La mère de ma colocataire était française alors je me suis entraînée avec elle. D’abord, on a analysé en profondeur les paroles et je les ai apprises phonétiquement. C’était un défi, notamment parce qu’il était crucial pour moi de transmettre le message du morceau de la manière la plus pertinente possible, se remémore-t-elle. L’apprentissage de la chorégraphie a été assez naturel parce que les mouvements sont connectés au message de la chanson. Cependant, j’ai du m’y reprendre à plusieurs fois pour trouver le bon timing par rapport aux caméras. »

« Inoubliable »

Si Julia Adriana n’a jamais échangé avec Barbara Pravi, l’an passé, elle a posté une reprise en anglais de Voilà sur TikTok qui lui a valu les félicitations d’Igit, coauteur de la chanson. Elle garde de son expérience de doublure un souvenir « inoubliable ». « J’ai appris tellement de choses sur l’organisation d’une production aussi énorme, ajoute-t-elle. Un de mes rêves d’enfants est de me produire un jour sur une telle scène avec ma propre musique ».

Peut-être aura-t-elle un destin similaire à Kaleen qui s’est retrouvée doublure en 2018 « par hasard ». « Il y avait une dernière place à prendre. Les organisateurs m’ont appelée et demandé si je voulais le faire, j’ai bien sûr accepté, parce que c’est une opportunité énorme, assure-t-elle. C’est là où je me suis dit que c’était trop fun et que je voulais vraiment faire l’Eurovision un jour ». Mardi, l’Autrichienne accomplira son rêve : elle sera en lice dans la première demi-finale avec la chanson We Will Rave. Pleinement dans la lumière.