Mangaga (3/4)Avec « Spirale » de Junji Ito, l’horreur universelle vient du Japon

« Spirale » de Junji Ito : L’horreur universelle vient du Japon

Mangaga (3/4)L’adaptation d’une des œuvres les plus connues de ce mangaka met en lumière le succès de son travail captivant sur la peur
Junji Ito met régulièrement en scène la déformation physique dans ses créations.
Junji Ito met régulièrement en scène la déformation physique dans ses créations. - Max
Quentin Meunier

Quentin Meunier

L'essentiel

  • A l’occasion du salon Paris Manga, les 5 et 6 octobre 2024 à Paris Nord Villepinte, 20 Minutes explore l’actualité de la culture manga.
  • Livres, animés, jeux vidéo et mode… Le genre manga est désormais si implanté en France qu’il fait partie de nos vies.
  • Aujourd’hui, 20 Minutes revient sur la sortie de la série d’horreur Spirale, inspirée de l’œuvre du mangaka Junji Ito, qui repousse les barrières culturelles de la peur.

Les habitants d’une ville sombrent dans la folie et sont torturés par une simple forme. C’est le pitch de Spirale, le manga Junji Ito, tout récemment adapté en série animée - le premier épisode est sorti dimanche dernier sur HBO Max. Avec quatre trois autres épisodes tel un compte à rebours avant Halloween, cette adaptation va continuer de faire découvrir l’univers de son auteur, génie de l’horreur.

Depuis Tomie, tout d’abord publié en 1987 au Japon, Junji Ito a multiplié les œuvres, parfois sous forme de séries en plusieurs tomes, d’autres fois sous forme de nouvelles. Avec toujours pour point commun un style et des thématiques récurrentes : l’horreur cosmique qui surgit dans la vie quotidienne et la déformation du corps. Allergiques aux insectes, à l’infiniment grand et aux humains qui finissent écrasés s’abstenir.

« On touche au grand chef-d’œuvre »

Et malgré le format du manga, son travail ne convoque pas tant de codes de la culture japonaise. Pas de monstres folkloriques ou d’adaptations de légendes urbaines à l’horizon. « Junji Ito tire à l’universel, son œuvre est relativement intemporelle, assure Anaïs Koechlin, cofondatrice de Black Studio, qui traduit les travaux du mangaka en français. On touche au grand chef-d’œuvre. C’est unique en son genre, mais pas particulièrement japonais. »

Visuellement aussi, Junji Ito utilise « une ligne qui n’est pas caractéristique du manga : des traits fins, peu de trames, beaucoup de détails dans les arrière-plans ». Ce dessin parfois très réaliste instaure une ambiance pesante et intensifier les mutilations grotesques et terrifiantes des victimes de ses histoires. Ce langage de la peur se traduit-il facilement à l’écran ? L’adaptation animée de Spirale prend elle aussi un parti pris esthétique. Plutôt que la colorisation numérique de la plupart des animes grand public, Studio Drive a ici fait le choix du noir et blanc, rappelant manga. L’animation a un rendu proche de la rotoscopie (décalque de prises de vues réelles), qui installe un malaise subtil lors des scènes calmes, et explose dans les moments d’horreur.

Sur un plan très littéral, traduire Junji Ito comprend quelques difficultés. « Il se passionne parfois pour des thèmes très complexes comme la physique quantique, donc ça demande un peu de recherche, glisse Anaïs Koechlin. Et puis, il faut rendre l’horreur sans tomber dans le ridicule. Il y a un côté très burlesque à conserver sans être comiques. » Son collègue lettreur, Martin Berberian, apporte par exemple un soin particulier aux onomatopées, très présentes dans le manga, et qui doivent traduire des sons parfois gore sans être loufoques et parasiter le dessin.

Succès planétaire

Cette traduction technique rencontre un succès qui confirme l’universalité de l’œuvre originale. « Ça dépasse tout ce qu’on avait imaginé, confirme la traductrice. Mangetsu vendait 5.000 à 10.000 exemplaires d’une sortie il y a quelques années, ça a été multiplié par dix depuis. » L’auteur est aussi populaire aux Etats-Unis, avec 1,5 million de tomes vendus dans le pays entre 2020 et 2022, selon l’organisation Circana Bookscan. Du jeu vidéo avec World of Horror à la mode par des collaborations avec des marques comme Sanrio ou Hot Topic, son influence est désormais incontournable, au même titre que Lovecraft.

Réciproquement, « Ito ouvre la porte à l’horreur japonaise en manga », résume Anaïs Koechlin. Son succès a aussi conduit à un intérêt renouvelé pour d’autres mangakas, dont Kazuo Umezu, que Junji Ito lui-même cite comme une inspiration. Dernière preuve de son statut de superstar s’il en faut : il était invité du festival d’Angoulême en 2023, et sera présent à la Japan Expo 2025.