IMPERIUM« Warhammer » part à la conquête de l’univers et des écrans

« Warhammer 40.000 : Space Marine 2 » : Le jeu de plateau culte se lance à la conquête de l’univers et des écrans

IMPERIUML’univers de science-fiction, né dans le jeu de plateau Warhammer, cherche à s’étendre à d’autres médias
Le succès de « Warhammer 40.000 : Space Marine 2 » continue d'alimenter la popularité de la saga.
Le succès de « Warhammer 40.000 : Space Marine 2 » continue d'alimenter la popularité de la saga. - Focus Entertainment
Quentin Meunier

Quentin Meunier

L'essentiel

  • Space Marine 2 a été un succès inespéré pour la franchise « Warhammer ».
  • En plus du jeu de figurines original, la saga investit de nouveaux terrains. Une série Amazon est par exemple en préparation.
  • Certains doutent cependant que le grand public puisse adhérer à cet univers sombre et cynique, où la satire de l’impérialisme et du fascisme pourrait être mal interprétée.

Armures colossales, énormes fusils, guerres contre des races extraterrestres : bienvenue dans l’Imperium, l’empire à la conquête du monde au cœur de la saga « Warhammer 40.000 ». Cet univers de science-fiction, né en 1987 d’un jeu de figurines, revient dans le jeu Space Marine 2, paru le 9 septembre. Et le succès inespéré de ce titre pourrait continuer de propulser la franchise Warhammer sur le devant de la scène.

« Je crois que Space Marine 2 est le jeu sur lequel nous avons travaillé qui s’est vendu le plus rapidement », s’est félicité sur X Tim Willits, directeur artistique chez Saber Interactive. Focus Entertainment, distributeur du jeu, avait annoncé environ deux millions de joueurs au lancement. Le jeu de tir connaît un succès critique auprès de la presse et des fans.

Un univers en expansion

« Pendant longtemps, la croissance de Warhammer s’est faite par soubresaut, par à-coups, se souvient Thibaut Claudel, fan depuis vingt ans et auteur de Dans les méandres de Warhammer 40.000 chez Third Editions. Le jeu Dawn of War a fait exploser la popularité de l’univers. Au début, les adaptations, comme les romans de la Black Library, étaient quelque chose pour initiés. Maintenant, les partenaires extérieurs qui éditent ces produits dérivés sont de très gros acteurs. Les engrenages interagissent et la machine est en train de se lancer. »

Julien Kirszenbaum, animateur de la chaîne YouTube French Wargame Studio et « passionné le plus fou de France » auto-proclamé le confirme. Sa chaîne YouTube s’adresse à 80.000 abonnés, sa chaîne Twitch rassemble 5.000 spectateurs pour les championnats du monde du wargame, le jeu de figurines original, le nombre d’adhérents à la fédération compétitive a explosé. Naturellement, il ne tarit pas d’éloge sur cette passion partagée par des milliers de fans, chacun pour leurs propres raisons. « Il y a les personnes qui aiment le modélisme, celles qui aiment peindre, celles qui aiment la stratégie, détaille-t-il. Il y a aussi une dimension physique : tu vas partager quatre ou cinq heures avec quelqu’un qui a des atomes crochus avec toi. C’est un vrai exutoire sain. Pour beaucoup Warhammer c’est une madeleine de Proust. »

Une figurine du jeu "Warhammer 40.000".
Une figurine du jeu "Warhammer 40.000". - Story Picture Agency / Sipa

Pour Julien Kirszenbaum, « Warhammer », c’est une passion d’ado, redécouverte dans les 2010 une fois qu’il avait plus de pouvoir d’achat. Pour Thibaut Claudel, c’était « un truc qu’on se passait sous le manteau au collège ». Pour Jean-François, un autre fan, c’était un prétexte pour « la sortie du samedi avec les amis de lycée ». Lui aussi observe : « Il y a eu un changement dans les dix dernières années pour que le hobby parle à un maximum de personnes. »

Trajectoire à la « Fallout »

Ainsi, depuis un changement de président en 2015, Games Workshop s’affaire de plus en plus à faire de « Warhammer » une license transmédia. Des discussions sont même en cours avec Amazon pour une série, produite par Henry Cavill, lui-même fan et caution « geek ». « Les possesseurs de la licence font tout pour qu’elle réussisse, analyse Gabriel, un autre amateur de " Warhammer ". Aujourd’hui, les adolescents ont du pouvoir d’achat, mais ils ont aussi la parole sur les réseaux sociaux ou les services de vidéo en ligne. N’importe quelle grosse actu dessus pourra être discutée par des relais d’opinion et percer dans des strates que la licence n’aurait pas atteintes dans les années 2000. »

La trajectoire rappelle un peu « Fallout ». La licence a commencé par des jeux vidéo de rôle pour fans du genre, pour s’ouvrir à un plus grand public, et même sortir une série en 2024. « "Warhammer", c’est "Fallout" puissance 40.000, plaisante Thibaut Claudel. Il y a un gros potentiel d’univers étendu, et le public a un appétit pour les univers encyclopédiques de ce type. »

« C’est un vrai champ de mines »

Toutefois, l’esthétique de « Warhammer », à mi-chemin entre dark fantasy et science-fiction pulp, avec une touche d’impérialisme et une satire de la xénophobie conservatrice, n’est pas pour tout le monde. « C’est un peu un délire à la Starship Troopers », défend Julien Kirszenbaum. « Les vendeurs de figurines de Games Workshop rendent leurs fascistes de l’espace extrêmement cools pour qu’on en achète », résume cyniquement Gabriel.

Le public pourra-t-il saisir la parodie et adhérer à une histoire sombre où, de l’aveu des créateurs, « il n’y a pas de gentils » ? « Ça demande un bagout et une finesse qu’il n’y a pas dans toutes les adaptations, juge Thibaut Claudel. D’un point de vue extérieur, Warhammer paraît ultra-macho, raciste, impérialiste. C’est un vrai champ de mine, surtout en 2024. Je ne vois pas des millions de gens s’initier à cet univers cynique. » « Cet univers doit-il se travestir ou rester ce qu’il est ? Il montre les travers de l’humanité, reconnaît Julien Kirszenbaum. Mais il met aussi en avant des notions de bravoure, de chevalerie. »

Dernier défi : cet univers multimédia naissant pourra-t-il aussi convertir des gens au wargame ? « Je ne mise pas sur une grosse conversion, ce sont des hobbys assez différents », juge Jean-François. « "Warhammer 40.000" n’est pas une bonne porte d’entrée, car il encourage à jouer énormément de figurines », complète Gabriel. Comptez au moins 500 euros pour une armée bien complète, qui pourra certes tenir deux ou trois ans de jeux. Games Workshop multiplie malgré tous les spin-off et les formats plus accessibles. Et surtout, ce n’est plus uniquement un passe-temps de geek. « Le côté tangible et créatif du loisir est plutôt bien vu », estime Thibaut Claudel. C’est le meilleur moment de commencer, pour pouvoir dire que vous connaissiez avant que ce soit cool.