REPORTAGEAu Musée du fromage, un traumatisé de la raclette plonge dans le cauchemar

Musée du fromage : Micro-agressions, exclusion… Un hater de fromage affronte ses traumas

REPORTAGELe premier musée du fromage a ouvert ses portes à Paris. L’occasion d’aller le visiter avec Quentin, qui déteste le fromage
Paris : On a testé le musée vivant du fromage situé sur l'île Saint-Louis
Laure Beaudonnet avec Quentin Meunier

Laure Beaudonnet avec Quentin Meunier

L'essentiel

  • Le Musée vivant du fromage s’est installé sur l’île Saint-Louis à Paris.
  • L’occasion de plonger dans l’histoire et la culture de ce produit typiquement français avec un anti-fromage pure souche.
  • Quentin, journaliste pour 20 Minutes, connu pour son aversion pour le fromage, joue le jeu de la dégustation proposée par le Musée et raconte, entre deux bouchées, ses traumas du passé.

«Mes potes organisaient des soirées raclettes où je n’étais, d’office, pas invité. C’est un peu vexant au début, puis tu relativises en sachant qu’il s’agissait d’une soirée raclette », raconte Quentin, journaliste chez 20 Minutes qui a la particularité de détester le fromage. « Ah bon ? TOUS LES FROMAGES ? ». Oui, oui. On a vérifié son niveau de dégoût pour cet aliment au premier musée du fromage qui a ouvert en juin sur l’île Saint-Louis à Paris et on a plongé dans ses traumatismes de l’enfance ravivés par les odeurs de brie, de mâconnais et de maroilles.

Installé sur une surface de 300m2, le musée ouvre sur une vitrine de fromages à faire saliver les adeptes de pâte dure, pâte molle et croûte fleurie. « Quand on ouvre la porte, on sent directement les odeurs. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’elles m’agressent, mais c’est limite, admet Quentin qui a arrêté de manger du fromage très jeune. « Il paraît que j’en mangeais beaucoup entre zéro et quatre ans, mais je n’ai pas le souvenir d’un élément déclencheur précis », poursuit-il. A part le comté, l’emmental et le brie de Meaux – la ville où il a passé une partie de sa vie –, il admet ne pas y connaître grand-chose.

Un bon Français ?

La visite du musée se découpe en quatre parties : la culture du fromage, son histoire, sa fabrication et sa dégustation. Quentin sait qu’il ne pourra pas se défiler devant le plateau présenté par Pierre Brisson, fondateur du Musée vivant du fromage. On sent une goutte de peur perler à son front, mais il tient bon. Il reste encore une quarantaine de minutes avant le grand saut. Dans la première salle où des écrans multimédias et des installations d’objets historiques (bidon à lait, moule à beurre, machine à fabriquer le saint-nectaire..) nous immergent dans l’histoire et la culture fromagère, Quentin se souvient de ses premières difficultés à avaler ce produit des terroirs.

« A la cantine, on me forçait à manger du fromage à la fin des repas, on ne me laissait pas sortir de table, se remémore-t-il. Encore aujourd’hui, à chaque fois que j’explique mon aversion pour les fromages, cuits ou crus, on essaye de me faire goûter, et ça entraîne des tas de questions. Il y a pire dans la vie, mais toujours devoir s’expliquer et se justifier, c’est fatigant… »

Derrière ces inlassables interrogatoires, une pointe de critique émerge. « On se sent jugé. Tu n’es pas un bon Français si tu n’aimes pas le vin et le fromage », souligne-t-il avant de souffler timidement une dernière confession. [Notes aux âmes sensibles : ne lisez pas la suite ou connectez-vous sur une application de cohérence cardiaque]. Quentin n’apprécie pas non plus le vin rouge (à consommer avec modération). Les discussions à table peuvent rapidement devenir cauchemardesques en compagnie de défenseurs extrémistes du combo vin rouge-fromage.

Un fort sentiment d’exclusion

« Les gens qui aiment le fromage ne se rendent pas compte à quel point cet aliment est omniprésent. Au restaurant, tu es obligé de demander de l’enlever dans le moindre burger ou de réclamer la liste des ingrédients de chaque sauce », observe-t-il. Et même en prenant toutes les précautions du monde, il se retrouve régulièrement avec un plat au fromage sous le nez, contraint de le renvoyer en cuisine (et passer pour un relou) ou d’accepter de manger à contrecœur son assiette.

Après une plongée dans l’histoire où on découvre que la première mention du fromage date de L’Odyssée d’Homère et que la fabrication de ce met si cher aux Français daterait de la Préhistoire, Quentin s’attable dans la cave du musée où un plateau de fromages l’attend.

« Vous allez commencer par un fromage de chèvre au lait cru qui vient de Provence, et poursuivre avec un fromage au lait de vache, du laguiole Grand Aubrac, c’est un laguiole d’alpage, explique Pierre Brisson. On continue avec un Bleu d’Ecosse fermier au lait cru, c’est une sorte de Roquefort mais de vache. Le dernier, c’est un brie de Meaux bien affiné à cœur. C’est le dernier à déguster car il est le plus puissant ». Entre deux bouchées -plus ou moins bien supportées- arrosées d’eau, notre goûteur revient sur le fort sentiment d’exclusion dont il peine à se défaire.

« J’avais l’impression de passer après le fromage »

« A l’occasion d’une énième soirée raclette avec des amis, j’en avais tellement marre de venir et de ne rien manger ou d’esquiver la soirée que je suis venu avec mon tupperware, se souvient Quentin. Pour mes potes, c’était non négociable, j’avais l’impression de passer après le fromage. Et je me suis imposé avec ma propre bouffe, ce qui était aussi l’occasion de me vanner ».

Historiquement, le fromage était servi à la fin du repas parce qu’il était « exotique », il devait laisser la dernière impression du dîner. Après la Révolution française, seuls les Bourgeois ont les moyens de servir des fromages provenant d’autres régions, souvent difficiles à conserver et à transporter. Et cela n’a pas beaucoup changé. En refusant de partager un bon claquos entre amis, Quentin se retrouve presque déclassé socialement. « On se sent exclu d’un truc collectif », conclut-il.

Mais il reste de l’espoir. A la fin de l’expérience, Quentin n’a pas vomi. Certes, ll ne s’est pas non plus précipité au comptoir pour acheter une part de mimolette pour son plateau-repas devant les JO de Paris 2024, mais il quitte le musée moins écœuré que prévu. « J’ai moins détesté que ce que j’imaginais. Aucun fromage ne m’a donné envie de recracher immédiatement, pointe-t-il. On partait de loin, c’est un bon signe ». S’il a réussi à avaler le brie sans s’évanouir, les plats chauds à base de fromage fondu restent, pour lui, rédhibitoires. On va attendre encore un peu avant de l’inviter déguster une quatre fromages chez l’Italien.