TELEVISIONPourquoi la diffusion de « Shoah » à la télé est toujours un événement

« Shoah » sur France 2 : Réaction à l’actualité et devoir de mémoire, la diffusion du documentaire n’est jamais anodine

TELEVISIONFrance 2 diffuse ce mardi, dès 21h10, l’intégralité des neuf heures trente du documentaire de Claude Lanzmann sur l’extermination des juifs dans les camps. « Une façon d’interpeller notre mémoire commune », avance la direction de France Télévisions
Fabien Randanne

Fabien Randanne

L'essentiel

  • France 2 diffuse ce 30 janvier l’intégralité des 9h30 de Shoah, le documentaire de Claude Lanzmann sur l’extermination des juifs dans les camps.
  • « Il y a urgence à afficher l’impensable aux yeux du plus grand nombre car, sondage après sondage, débat après débat, nous voyons les faits et les dates s’évaporer, laissant place au négationnisme », déplore la direction de France Télévisions dans les colonnes de La Tribune dimanche.
  • Shoah est une œuvre à part dans l’audiovisuel français. Sa diffusion à la télévision a quasi systématiquement coïncidé avec des résurgences historiques ou mémorielles dans l’actualité.

France 2 diffuse ce mardi, dès 21h10, Shoah de Claude Lanzmann en intégralité. Soit 9h30 de témoignages sur l’extermination des juifs dans les camps. « Plus qu’un événement, [c’est] une façon d’interpeller notre mémoire commune », avance la direction de France Télévisions dans La Tribune dimanche.

« Il y a urgence à afficher l’impensable aux yeux du plus grand nombre car, sondage après sondage, débat après débat, nous voyons les faits et les dates s’évaporer, laissant place au négationnisme, qui sert une idéologie bien connue dont l’ignorance et le doute sont le terreau », déclarent d’une même voix Delphine Ernotte-Cunci, Stéphane Sitbon-Gomez et Alexandre Kara, respectivement présidente, directeurs des antennes et des programmes et directeur de l’information du service public.

« Le poison du relativisme »

Si la diffusion du documentaire fleuve coïncide peu ou prou avec le 27 janvier, date anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau et Journée internationale d’hommage à la mémoire des victimes de la Shoah, elle s’inscrit dans un contexte particulier. Depuis les attaques du Hamas contre Israël le 7 octobre et la riposte de l’Etat hébreu dont la population palestinienne à Gaza subit les conséquences tragiques, les actes antisémites en France ont bondi. Sur l’ensemble de l’année 2023, le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) en a recensé 1.676 - contre 436 en 2022.

« Depuis des semaines, nous voyons surgir, là où naissent les querelles, le poison du relativisme », soulignent les têtes de France Télévisions dans l’hebdomadaire dominical, déplorant ainsi que le « devoir de mémoire » semble de moins en moins aller de soi. « Notre refus de l’antisémitisme repose sur un universalisme à défendre : aucune haine ne peut être justifiée, toutes les vies humaines doivent être préservées », poursuivent-elles.

Shoah, inscrit au registre de la Mémoire du monde de l’Unesco depuis le printemps dernier, confirme son statut d’œuvre à part dans l’audiovisuel français. Sa diffusion à la télévision a quasi systématiquement coïncidé avec des résurgences historiques ou mémorielles dans l’actualité.

Des diffusions et des procès

Sorti en 1985, il a été montré pour la première fois à la télévision française au début de l’été 1987. TF1, qui venait d’être privatisée, a étalé sa diffusion sur quatre jours, en deuxième partie de soirée. Ce fut un succès avec 5 millions de téléspectateurs au rendez-vous alors qu’au même moment se déroulait le procès de Klaus Barbie à Lyon.

France 2 l’a à son tour diffusé en 1993, lors du procès Touvier et Arte en 1998, en plein procès Papon. Mais il a fallu attendre le 24 janvier 2005 pour qu’une chaîne, en l’occurrence France 3, s’aventure à le programmer en intégralité sur une seule soirée et toute la nuit. 3.7 millions de téléspectateurs étaient devant leurs téléviseurs entre 20h50 et 23h30. Avec une part d’audience de 18 % il a été le deuxième programme le plus suivi ce soir-là. A noter qu’il a réalisé de bons scores sur la cible des 15 à 24 ans (15.2 % de part d’audience) et des 25-34 ans (13.6 %).

Arte l’a par la suite proposé, en deux parties retransmises à une semaine d’intervalle en janvier 2010, pour la commémoration du 65e anniversaire de la libération d’Auschwitz. Et en un seul tenant, le 7 juillet 2018, en hommage à Claude Lanzmann décédé quelques jours plus tôt. Seuls 235.000 téléspectateurs ont répondu présent pour la première partie de soirée. C’était un samedi, le documentaire a été largement devancé par Fort Boyard et Le Sang de la vigne sur France 2 et France 3 et, surtout, par le quart de finale de Coupe du monde opposant la Russie à la Croatie regardé par 7.4 millions de personnes sur TF1.