Bas-Rhin : Volé dans une église, un tableau jugé « pornographique » réapparaît
Miracle•Un couple qui s’enlace amoureusement en position allongée : voilà l’image qui a déplu à certains visiteurs et fidèles d’une abbatiale alsacienne. Au point que le tableau a été dégradé, décroché, volé… avant de réapparaîtreThibaut Gagnepain
L'essentiel
- Exposé dans une église alsacienne, un tableau a subi des dégradations, a été volé… avant de réapparaître.
- L’œuvre en question ? Une gravure représentant un couple enlacé.
- « C’est scandaleux… Le tableau n’est pas du tout dans la provocation, on parle d’amour. Il faut dénoncer ce genre de comportements intégristes, c’est grave ! », dénonce l’artiste.
Eric Ball est encore « déçu et en colère ». Il faut le comprendre : le graveur dessinateur installé à Barr (Bas-Rhin) a vécu une dernière exposition pour le moins agité. Il a en effet vu l’un de ses tableaux être dans l’ordre critiqué, dégradé, décroché, remis en place, volé et enfin rendu ! Le tout en trois mois et demi, à l’occasion de la 25e édition des « Chemins d’art sacré en Alsace », organisée par le diocèse de Strasbourg, de début juin à mi-octobre.
Le but de la manifestation ? « Réaliser des expositions d’art contemporain dans certaines églises remarquables du Haut et du Bas-Rhin avec des artistes qui créent pour le lieu comme prétextes supplémentaires à visiter nos églises », écrit l’organisateur sur son site. « Mes œuvres avaient été validées, j’avais l’approbation », reprend l’ancien élève des Arts décoratifs de Strasbourg, qui ne s’attendait donc pas à pareil accueil à l’abbatiale de Saint-Arbogast, à Surbourg.
« Le curé en était responsable, il me l’a avoué »
Parmi les douze proposées, une a très vite suscité des réactions, « Le Cantique des cantiques ». « C’est une gravure inspirée d’un poème éponyme dans la Bible. Je l’ai illustré avec un couple enlacé ». Dans une position trop suggestive ? C’est ce que certains ont pensé, à commencer par l’abbé de la paroisse. « Il m’a dit que ça le dérangeait et je sais qu’il le répétait à certains fidèles », assure le quinquagénaire, qui a aussi lu quelques mots virulents sur le livre d’or laissé. « Il est notamment noté qu’il n’y a pas d’art sacré en dessinant une œuvre pareille et que c’est pornographique, ou qu’il faudrait le brûler ».
Puis, en juillet, Eric Ball a retrouvé sa fameuse œuvre dégradée. « Il y avait comme des morceaux de papiers collés, avec des mots écrits dessus, comme le terme ''pornographique''. J’avais porté plainte pour dégradations. » Une deuxième suivra, lorsque la gravure aura cette fois totalement disparu, volée. « Mais avant, elle avait été décrochée et c’était le curé qui en était responsable. Il me l’avait avoué », retrace encore l’artiste, qui a donc finalement retrouvé son œuvre le jour de la fin de l’exposition, le 15 octobre.
Un précédent en 2006… sans la moindre polémique
Miracle ! Pas vraiment. Eric Ball reste amer après tous ces rebondissements. « C’est scandaleux… Le tableau n’est pas du tout dans la provocation, on parle d’amour. Il faut dénoncer ce genre de comportements intégristes, c’est grave ! » « Le Cantique des cantiques » a retrouvé son atelier, avant une prochaine sortie. « Oui, je l’exposerai à nouveau. Ça ne change rien, j’ai confiance en moi. »
En 2006, la même œuvre avait été exposée dans une autre église d’Alsace, à Lauterbach. Sans la moindre polémique.