INTERVIEWDans « Spamalot », Pef rit des influenceurs qu’il trouve « dangereux »

« Dans Spamalot, je ris des influenceurs, mais en tant que père, je les trouve dangereux », confie Pef

INTERVIEWPierre-François Martin-Laval joue le roi Arthur dans la nouvelle adaptation qu’il a signée de la comédie musicale inspirée de « Sacré Graal ». L’ex-Robin des Bois explique à « 20 Minutes » comment il a réactualisé le texte à l’humour absurde
Fabien Randanne

Propos recueillis par Fabien Randanne

L'essentiel

  • Depuis samedi et jusqu’à début janvier, le spectacle musical Spamalot est à l’affiche du Théâtre de Paris dans le 9e arrondissement.
  • Il s’agit de la version française de la comédie musicale Spamalot inspirée de Sacré Graal !, film culte des Monty Pythons. L’adaptation, très libre, est signée Pierre-François Martin-Laval, alias Pef.
  • Pef, qui joue le rôle du roi Arthur dans le spectacle, avait déjà signé une adaptation du show en 2010. Il a entièrement revu le texte. « La société a changé : ce qu’il se passe avec les réseaux sociaux, c’est dingue. #MeToo, les gilets jaunes, la pandémie sont passés par là, je devais aussi en tenir compte », explique-t-il à 20 Minutes.

Sur scène, il y a les chevaliers qui disent « ni », le petit lapin blanc tueur et les galops rythmés par des noix de cocos entrechoquées. Dans la nouvelle version de Spamalot, adaptation du cultissime Sacré Graal des Monthy Python, jouée depuis samedi au Théâtre de Paris, il y a aussi des influenceurs d'« Instagraal », des gilets jaunes et des bigoudènes déchaînées. Et au final, c’est l’humour absurde qui triomphe. Treize ans après avoir livré une première relecture de l’œuvre, Pierre-François Martin-Laval, alias PEF, s’est remis au travail pour réactualiser le texte. Le résultat est bouillonnant de créativité et de folie.

20 Minutes a rencontré l’auteur et comédien, qui incarne à nouveau le roi Arthur dans cette quête du Graal sans queue ni tête.

A l’issue de la première, samedi, vous avez déclaré que cela n’était pas une évidence pour vous de vous relancer dans une aventure « Spamalot ». Pourquoi ?

Je ne me sentais pas de m’absenter de Marseille, où je vis avec ma famille, aussi longtemps. Quand je suis sur un tournage, je reviens tous les vendredis et je ne pars jamais plus de huit semaines. Au théâtre, le but, c’est de jouer toute l’année. Je me disais que ce n’était pas possible, qu’il fallait que j’emmène mes filles à l’école, que je m’occupe d’elles. Mon épouse m’a rappelé qu’elles n’ont jamais pu assister à un de mes spectacles et qu’il fallait qu’elles voient leur papa là où il est le plus heureux, sur scène. Alors, on s’est organisés pour qu’elles arrivent le vendredi soir à Paris, que je reparte le dimanche avec elles, qu’elles soient là pendant les vacances scolaires…

Vous avez considérablement revu le texte par rapport à votre version précédente…

Je ne devais pas m’endormir sur mes lauriers. Cela avait triomphé à Bobino, mais il s’est passé dix ans depuis. Rien n’était gagné d’avance. La société a changé : ce qu’il se passe avec les réseaux sociaux, c’est dingue. Maintenant, les vraies stars, ce sont les influenceurs, l’outil promotionnel, c’est le smartphone, les gens doivent raconter leurs vies… #MeToo, les gilets jaunes, la pandémie sont passés par là, je devais aussi en tenir compte. J’ai cherché à intégrer cela naturellement. Arnaud Ducret, à l’époque, faisait une parodie d’Olivier Besancenot, qui était facteur. Maintenant, cette référence ne parle plus à personne. Le personnage est devenu un gilet jaune. On se demande ce qui parle aux gens, on essaye des trucs. Hier soir [dimanche], on a tenté une référence à Aya Nakamura

C’est facile de convaincre les ayants droit, notamment le Monty Pyhton Eric Idle, auteur du livret original, de procéder à de tels changements ?

Il y a treize ans, ce n’était pas facile, parce qu’on ne se connaissait pas. Depuis, il a vu le spectacle et a été élogieux. Avec Eric Idle, on a commencé par échanger par agent ou avocat interposés et, aujourd’hui, je suis invité chez lui, on fait des sketches en vidéo ensemble… Il m’a appelé samedi soir parce qu’il avait une amie dans la salle pour la première. Il me fait confiance et je l’écoute.

Vous vous moquez des influenceurs…

Je fais une satire de certains influenceurs, ceux qui partent à Dubaï, se font opérer et se filment en direct. (Sur un ton très serieux) Je trouve ça dingue, ça me révolte. Eux, je m’en fiche, ce qui m’indigne, c’est ce qu’ils font subir à nos enfants qui vont aller se massacrer le corps à cause de ces gens assoiffés d’argent qui décrètent qu’un beau cul ça ressembla à ça et pas à autre chose… Le soir, je préfère en rire, mais en tant que père de famille, je trouve ça dangereux.

Lors de l’écriture de votre précédente adaptation, la loi « mariage pour tous » n’était pas encore votée en France. Désormais, l’union entre deux personnages masculins dans le spectacle est légale.

A l’époque où Spamalot a été créée à Broadway (New York) en 2004, c’était assez courageux de montrer ce mariage entre homosexuels au Moyen Age. L’un des personnages disait : « Tu te rends compte que dans mille ans, ce sera encore sujet à controverse ? » Sauf que, maintenant, ces mariages sont légaux. Je trouve ça hyperbeau. Je suis en coulisses quand cette réplique est prononcée, je me retiens de pleurer. Je trouve ça hyperbeau. Cela prend une autre dimension. Je me suis permis de transformer le personnage de prince. Depuis quelque temps, on entend de plus en plus les enfants qui disent : « Arrêtez de me considérer comme un garçon, je suis peut-être une fille, peut être un garçon, ce n’est pas à vous de le décider. » Je l’ai mis dans le spectacle et ça marche bien. Je me suis dit que c’était plus intéressant que de faire comme à l’époque où ça ressemblait à La Cage aux folles.

D’ailleurs, on ne rit pas de ces personnages, ils ne sont pas l’objet de la blague…

Non, parce que l’acteur que j’ai choisi [Vincent Escure] est très touchant et ne se moque pas de son personnage. C’était hors de question. Il était clair que celui qui a tort est le père qui est intolérant et violent. Ce n’est pas « Chacun pense ce qu’il veut ».

Une partie de la troupe de « Spamalot », sur la scène du Théâtre de Paris, en septembre 2023.
Une partie de la troupe de « Spamalot », sur la scène du Théâtre de Paris, en septembre 2023. - Thomas Nicolon

Le casting a été facile à faire ?

Non. Cela a été un moment très fort. On a reçu 650 candidatures et j’ai rencontré 150 personnes. Aujourd’hui, grâce à The Voice, à [la société de production] Stage, au stage de comédie musical du cours Florent… il y a des tas de gens qui savent chanter et des tas d’acteurs qui savent chanter et danser. Tous les gens qui jouent dans l’ensemble doivent être capables au pied levé de remplacer l’un des rôles principaux, y compris pendant un acte. Donc ils devaient tous me faire rire autant les uns que les autres. Je voulais des gens qui aient du caractère, une grande gueule et, surtout, de belles âmes. Ça paraît con de dire ça mais, comme je quitte ma famille du mardi au dimanche, je n’ai pas envie d’être avec des casse-couilles, des gens méchants ou qui tirent la couverture à eux. Je veux une troupe où on s’entraide.

Dans le spectacle, il y a des références aux Robins des Bois. Le public continue de vous parler de vos sketches de l’époque ?

Oui, souvent. Surtout grâce à RRRrrrr ! qui commence à plaire depuis dix ans, il y a des enfants qui découvrent le film. C’est aussi une des premières questions qui tombent chez les journalistes : est-ce que l’on pourrait se reformer ? Ça me touche. J’ai toujours dit que ça m’éclaterait de rejouer avec les Robins. Plutôt sur scène - je n’aimerais pas retourner à la télé. J’imagine un plateau tournant, pour changer les décors rapidement et nous permettre de nous déguiser vite…

Vous êtes toujours en contact régulier avec vos anciens acolytes ?

Bien sûr ! On a notre groupe WhatsApp, on dit beaucoup de bêtises et tous les ans je dis « Alors, quand est-ce qu’on se refait ça ? » Maurice [Barthélémy] a tout de suite une idée…

Quelque chose à ajouter ?

Je voudrais dire que c’est un spectacle tout public, à voir avec ses enfants à partir de 10 ans. J’aimerais que les spectateurs oublient leurs problèmes le temps d’un soir. Je veux qu’ils s’amusent dès leur arrivée. Dès 19h40, il se passe des choses dans la hall et dans la salle. Je dirais donc au public de venir à l’heure. A Paris, il y a une méchante habitude d’arriver un peu à la bourre. En province, l’heure, c’est l’heure.

Envisagez-vous de jouer le spectacle en tournée ou en résidence dans une ville ? A Marseille, par exemple ?

La production travaille dessus, je n’ai pas la réponse encore, mais je pense que c’est trop lourd. Il y a deux semi-remorques de décors, deux cents costumes… On est tellement nombreux à travailler sur scène et en coulisse que ça coûterait plus cher de jouer que ce que ça rapporterait.