« Les plus grands champions Pokémon savent rester concentrés pendant neuf heures de jeu »
dressés comme jamais (1/6)•Lors des Championnats du monde Pokémon, à Yokohama, au Japon, les « Professeurs Pokémon » font office d’arbitres de la compétition. Rencontre avec Stéphane Ruffe, l’un des Professeurs Pokémon françaisBenjamin Chapon
L'essentiel
- Les Championnats du monde de Pokémon (oui, oui, ça existe) se tiennent jusqu’au 13 août à Yokohama, au Japon.
- C’est la première fois que le pays natal des Pokémon accueille l’événement qui voit s’affronter des joueuses et joueurs du jeu vidéo, du jeu de cartes, mais aussi de Pokémon Go et Pokémon Unite.
- 20 Minutes suit la compétition et vous raconte tout, chaque jour. Aujourd’hui, le professeur Pokémon français Stéphane Ruffe nous explique tout ce qu’il y a à savoir sur l’arbitrage des compétitions Pokémon.
«J’ai déjà dû disqualifier quelqu’un qui avait essayé de tricher… » Sous ses airs débonnaires, prof tout court à la ville, professeur Pokémon quand viennent les compétitions, Stéphane Ruffe va enfiler la blouse blanche pour les Championnats du monde Pokémon de Yokohama, du 11 au 13 août 2023. Et ça ne rigole pas… Il est un des juges arbitres de la compétition de jeu de cartes à collectionner (JCC). Les « Pokémon Worlds » accueillent aussi des compétitions du jeu vidéo Pokémon, de Pokémon Go et de Pokémon Unite (version par équipes du jeu vidéo)…
Si le titre de professeur Pokémon peut sembler ronflant, il s’agit surtout de distinguer les joueurs habilités à arbitrer et organiser des compétitions. A Yokohama, même si le gagnant repartira avec plus de 25.000 euros de récompense, les autres joueurs viennent surtout pour vivre leur passion pour ces premiers « mondiaux » organisés au Japon.
La compétition débute vendredi mais vous êtes arrivés au Japon depuis deux semaines. Pourquoi ?
Je suis arrivé bien avant les Mondiaux. Je profite de mes vacances d’été pour visiter le Japon. Et ça me permet aussi de m’acclimater. Le japon, on n’y va pas tous les jours, c’est un événement ! Je fais en sorte de satisfaire à la fois mes envies de touriste et mon devoir de juge arbitre. Pour les gens comme moi, qui font de la compétition Pokémon, c’est l’événement de l’année, ou même de la décennie…
Vous vous devez d’être en forme ?
Oui, les journées seront très intenses, il faut savoir rester concentré. Si en plus on souffre du décalage horaire, on ne tient pas.
C’est intense pour les joueurs ou pour les arbitres ?
Les deux. En tant qu’arbitres, nous devons surveiller la compétition, vérifier que personne ne triche, bien sûr, mais surtout ça demande une rigueur un peu différente. Les arbitres qui sont autour des joueurs, dans la salle, doivent répondre au plus vite dès qu’il y a un appel. Il faut apporter une réponse rapide pour ne pas fausser la compétition. C’est la principale difficulté : répondre à la situation pour ne pas retarder l’événement.
Quels genres de questions vous pose-t-on en tant qu’arbitre lors des parties ?
Principalement des questions sur les interactions entre les cartes. Il faut toutes les connaître.
Mais il y en a des milliers…
Et oui. Mais bon, avec un esprit logique et une bonne connaissance du jeu, ça va. Les joueurs qui demandent un arbitrage le font souvent par dépit de la défaite, mais en réalité, ils savent déjà la réponse… Il faut répondre vite pour éviter les disputes et garder une bonne ambiance. C’est un peu comme pour un match de tennis, on est là surtout pour trancher les points litigieux. S’il y a une erreur de jugement, il faut la réparer le plus vite possible pour qu’il n’y ait pas d’impact grave. C’est pour ça que les matchs les plus importants se font sous surveillance totale, alors que sur les autres matchs, il y a un arbitre pour plusieurs tables à la fois.
Les arbitres Pokémon sont-ils d’anciens joueurs ratés comme dans d’autres sports ?
(rires) Je ne crois pas… On est surtout des passionnés du jeu, on ne fait ça ni pour l’argent ni pour la gloire, car on ne récolte ni l’un ni l’autre… Moi j’étais joueur, ça fait 20 ans que je suis dans le jeu et j’ai fait beaucoup de compétitions. Et j’en ai gagné, j’ai été champion de France en 2016. Aujourd’hui je ne fais quasiment plus que de l’arbitrage. Je fais énormément de choses au niveau local, chez moi, à Toulouse. J’organise des petites compétitions locales dans une boutique spécialisée, des sessions de rencontre et d’entraînement. Je fais de la transmission en somme. Bon, j’essaye quand même de conserver mon niveau de jeu…
Il y a sans cesse de nouvelles cartes et extensions. Vous arrivez à suivre ?
Ha ben oui, quand même, il faut savoir rester dans le coup. Mais ce n’est pas si difficile. Oui il y a beaucoup de cartes mais le jeu n’est pas devenu complexe contrairement à d’autres jeux de cartes à collectionner. Il n’y a pas 100 façons de jouer différentes à Pokémon JCC. Je dirai qu’il y en 10 à 15, avec de petites subtilités. Si on a raté une extension, en une ou deux journées d’entraînement, on a rattrapé son retard. D’autres jeux de cartes ont une plus grande profondeur tactique, et je trouve ça très bien. Mais grâce à sa simplicité, est assez facile de rentrer dans la compétition Pokémon.
Y a-t-il des favoris pour les Championnats du monde ? Des joueurs imbattables ?
Il y a des grands joueurs mais pas de favoris. Cet aspect-là n’est pas très présent dans la communauté. Les grands noms japonais ne sont pas connus par exemple, on connaît quelques noms américains, mais pas ce n’est pas d’une importance capitale. Les grands joueurs ne gagnent pas toutes les compétitions. Là par exemple, personne ne sait qui va gagner à Yokohama. On ne peut pas faire de pronostics ou des paris parce qu’il y a une dimension de chance aussi.
De chance ?
Oui, mais les plus gros joueurs ont une maîtrise totale pour en minimiser l’impact au maximum. A ce niveau-là, la moindre erreur est fatale et peut faire basculer la partie. Les plus grands champions Pokémon sont ceux qui savent rester concentrés pendant neuf heures de jeux, sans faire d’erreur.
Seuls les meilleurs joueurs du monde seront présents à Yokohama ?
Non. La particularité de ce jeu de cartes c’est de ne pas être un championnat fermé, comme Dragon Ball par exemple, ou les Mondiaux voient s’affronter dix joueurs. Le but des Championnats Pokémon est de faire une grande réunion de célébration des jeux. C’est ce qui est très attrayant dans ce jeu : on peut se qualifier en étant « casu » mais impliqué.
« Casu » ?
Joueur « casual », joueur lambda en somme. Plein de gens se sont qualifiés pour Yokohama de justesse, parce qu’ils voulaient participer à la fête au Japon, et pas parce qu’ils sont des joueurs pro.
Quelle est l’ambiance sur ces Championnats Pokémon ? Feutrée comme au golf, ou plus explosif ?
L’ambiance est bonne, il n’y a pas de tensions, même si chacun supporte les joueurs de son pays ; Surtout les Français…
Les Français sont plus nationalistes ?
Plus solidaires en tout cas.
Et a-t-on une chance de victoire française ?
Oh oui, on a beaucoup d’espoir. Surtout chez les Juniors, parce qu’on a beaucoup de jeunes joueurs compétitifs chez nous. La France est dans le top 10 des meilleures nations aux jeux Pokémon.
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