Guerre en Ukraine : Chanter, l’acte de résistance d’artistes ukrainiens qui entament une tournée en Europe
TOURNEE•Plusieurs artistes ukrainiens ont pu quitter leur pays pour donner une série de concerts en Europe afin de remercier ceux qui leur viennent en aide et porter la parole de l’UkraineBéatrice Colin
L'essentiel
- Une trentaine de musiciens ukrainiens ont pu sortir de leur pays pour donner une série de concerts caritatifs en Europe, en débutant ce jeudi à Toulouse, au Métronum.
- Ce « Thank You Music Tour » est un moyen de remercier toutes les personnes ayant aidé le peuple ukrainien.
- Tous chanteront en ukrainien, un symbole fort de revendication de leur identité alors que de nombreuses chansons dans leurs pays sont encore écrites en russe.
Après deux jours de bus, ils sont arrivés ce mercredi, au petit matin à Toulouse, première étape de leur tournée européenne. C’est là, que ce jeudi, ces musiciens ukrainiens se produiront sur la scène du Métronum pour un grand concert caritatif.
Ils ont laissé derrière eux leurs familles, leurs amis, parfois l’un des membres de leur groupe engagé dans la défense de leur pays. Alors qu’ils traversaient les pays d’Europe, ils ont appris que les bombes tombaient sur Lliv et les dernières offensives de l’armée de Poutine.
« C’est un stress très dur à gérer, se dire que durant notre absence, la ville peut être occupée, que des personnes peuvent être déportées et pire que ça. Mais d’un autre côté, je ne pouvais pas admettre l’idée de ne pas faire ce concert », raconte Khrystyna Soloviy. Cette jeune chanteuse, connue dans son pays pour ses mélodies indie-pop, a décidé de combattre à sa manière : en maniant les mots. Début mars, sur l’air des partisans italiens Bella Ciao, elle a écrit La fureur ukrainienne où elle évoque les héros de son peuple se levant contre l’agresseur russe. Une chanson de résistance, en langue ukrainienne. Un point important et commun à tous ceux qui l’accompagnent dans cette tournée qui passera par Bruxelles, Nantes ou encore Prague.
Chanter en ukrainien
Car ces dernières années, la majorité des groupes pop de leur pays ont continué à utiliser le russe plutôt que l’ukrainien dans leurs textes, l’influence du Kremlin sur la culture restant encore forte. « Nous avons toujours chanté en ukrainien, c’est la langue de notre passé. C’est important car nous sommes tous les descendants de quelqu’un, or on a voulu nous faire effacer cette histoire », rappelle Nazar, membre du groupe Patsyki z Franeka.
C’est en discutant avec une de ses amies d’enfance qui travaille au sein du Parlement européen, et qui est investie dans l’association Ukraine Connect, qu’il a eu l’idée d’une tournée. Il fallait réunir des artistes engagés, il a donc immédiatement pensé à Khrystyna et à Oleg Skypka du groupe rock-punk-folklorique Vopli Vidopliassova, connu pour ses positions militantes. Tous se sont alors lancés dans cette aventure, celle d’une tournée pour dire « merci » à l’ensemble des Européens qui se mobilisent pour soutenir le peuple ukrainien, comme les bénévoles de l’association Ukraine Libre Toulouse qui a mobilisé ses troupes pour les accueillir.
Dire « merci » aux Européens
Jusqu’au dernier moment, cela aurait pu capoter, les hommes ayant besoin d’une autorisation spéciale pour sortir du pays. Mais ils ont pu finalement embarquer et poser un pied en France. Une seconde patrie pour Oleg Skypka qui dans les années 1990 a vécu à Paris.
« Il y a trois jours, je jouais dans un hôpital militaire et aujourd’hui on envoie du matériel médical pour les blessés depuis la France. Nous voulons dire «merci» aux Européens et au peuple Français, sans leur aide cela aurait été impossible d’avoir une telle résistance », assure le chanteur qui a pu continuer à faire des concerts auprès des combattants au cours de ces dernières semaines. Dès le 24 février, il a reçu des appels de ses copains de l’Hexagone, lui demandant ce dont il avait besoin. Des artistes qui ont signé des chèques pour donner de l’argent à l’armée et qui n’en reviennent toujours pas de l’avoir.
Avec cette tournée en France, en République tchèque ou en Belgique, tous ces artistes veulent « porter la parole ukrainienne ». « Je crois que le peuple français comprend que l’Ukraine, avec son sang et les vies qu’elle perd, protège l’Europe et le monde comme un bouclier », assure Khrystyna Soloviy qui veut continuer à éveiller les consciences grâce à sa musique.