Quais du Polar : Avec « Traverser la Nuit », Hervé Le Corre s’adjuge le prix des lecteurs « 20 minutes »
LITTERATURE•Le dix-huitième prix Quais du Polar- 20 Minutes est décerné ce vendredi à Hervé Le Corre pour son roman Traverser la NuitCaroline Girardon
L'essentiel
- Le Bordelais Hervé Le Corre remporte ce vendredi le prix des lecteurs Quais du Polar-20 Minutes pour son crépusculaire Traverser la Nuit (édition Rivages. noir).
- Il s’agit de son treizième roman.
- Déjà multirécompensé, l’écrivain confirme ainsi qu’il est actuellement l’un des plus grands auteurs de polars français.
Bordeaux noyé sous la pluie. 6h22. Le jour n’est pas encore levé. Le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle, pour emprunter ces quelques mots à Baudelaire. Le froid et l’humidité giflent les visages tandis qu’au loin, les gyrophares des voitures de police déchirent l’obscurité pour aveugler les rares passants. Le décor est planté, le lecteur est prévenu. Le titre du livre en dit long : Traverser la nuit (édition Rivages/noir). En signant un roman crépusculaire, le Bordelais Hervé Le Corre s’adjuge cette année le prix des lecteurs Quais du Polar-20 Minutes.
Multirécompensé, l’auteur n’a pas choisi la facilité en prenant le risque de construire son treizième roman autour d’une ossature bien classique de la littérature policière : mettre en scène trois personnages, dont les destins vont se croiser au fil des pages. Trois trajectoires irrémédiablement liées. Chacun « traverse sa nuit », vous l’aurez deviné. A chacun ses démons.
Peindre avec finesse des âmes torturées
Il y a Jourdan, le flic à la dérive, traumatisé, hanté par les morts croisés tout au long de sa longue carrière. Cassé en morceaux, fatigué. Incapable de s’ancrer dans la vie réelle. Emmuré dans le silence et la colère, il voit sa famille se déliter sans être en capacité de réagir. Louise élève seule son petit garçon. Harcelée par son ex-compagnon, violentée, elle reste toujours sur ses gardes, ne voyant aucune issue possible. Et puis, ce tueur en série, élevé par une mère toxique, qui diverse sa haine sur les femmes, principalement les prostituées et qui n’est peut-être pas celui que l’on croit.
Si le schéma semble vu et revu, Hervé Le Corre réussit brillamment à dépasser les stéréotypes du genre pour décrire les souffrances, pour analyser les blessures profondément ancrées et peindre avec finesse et subtilité ces âmes tourmentées. L’enquête policière, qui ravira les amateurs du genre, passerait presque au second plan car l’essentiel n’est pas là.
Plongé dans la tête des protagonistes, enfermé dans une ambiance sombre et pesante qui n’est pas sans rappeler celle du film Seven, le lecteur guette la lumière. Une possible lueur d’espoir. L’écriture est ciselée, envoûtante, le roman un régal. Hervé Le Corre confirme une fois de plus qu’il est actuellement l’un des plus grands auteurs de polar français. L’un des plus primés aussi.