MUSIQUEJamala, la star de l’Eurovision devenue porte-voix de l’Ukraine en guerre

Guerre en Ukraine : Jamala, la star de l’Eurovision devenue réfugiée et porte-voix de la tragédie de son pays

MUSIQUEEn 2016, la chanteuse ukrainienne remportait l’Eurovision. Six ans plus tard, elle est réfugiée en Turquie depuis l’invasion de son pays par la Russie
Fabien Randanne, avec AFP

Fabien Randanne, avec AFP

L'essentiel

  • Jamala a remporté l’Eurovision 2016 pour l’Ukraine avec la chanson 1944, deux ans après l’annexion de la Crimée d’où sa famille est originaire, par la Russie.
  • Quelques jours après l’invasion russe en Ukraine, Jamala s’est réfugiée avec ses deux jeunes fils chez sa sœur en Turquie pendant que son mari est resté à Kiev pour rejoindre les volontaires aidant à évacuer la population vers des lieux sûrs.
  • Ces derniers jours, Jamala a pris la parole dans plusieurs médias européens, mettant sa notoriété et sa tribune au service du soutien à l’Ukraine.

Il y a six ans, elle triomphait sur la scène de l'Eurovision. Aujourd’hui, elle est réfugiée avec ses enfants en Turquie, loin de son pays en guerre, l’Ukraine. La chanteuse Jamala, 38 ans, est à la fois un symbole et une porte-parole officieuse à l’international de sa terre natale bousculée par la tragédie.

Samedi, elle est apparue sur France 2. Dans une courte vidéo diffusée durant la sélection française pour l'Eurovision, elle déclarait : « Je suis très reconnaissante envers vous pour toute l’aide que vous nous avez apportée. Elle est incroyablement importante pour nous en ce moment. Merci également aux bénévoles que vous nous avez envoyés. Je souhaiterais que toute la communauté Eurovision puisse soutenir l’Ukraine car c’est aussi déterminant pour nous. Je souhaiterais que vous entendiez l’Ukraine. »

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La veille, c’est en Allemagne, sur le plateau de Germany 12 Points, qu’elle s’est produite. Dès son entrée sur la scène, drapeau bleu et jaune en main, l’émotion s’est abattue sur la salle. Elle a interprété 1944, la chanson avec laquelle elle a remporté l’ Eurovision en 2016, offrant à l’Ukraine sa deuxième victoire au concours.

« Je ne suis personne, mais si je peux faire quelque chose, je le ferai »

« Honnêtement, je ne sais même pas comment j’ai réussi à chanter… Je suis une petite personne dans ce vaste monde, je ne suis personne, mais si je peux faire quelque chose, je le ferai », a-t-elle confié par la suite à l’AFP. Samedi soir, elle était aussi l’invitée de la sélection roumaine pour l’Eurovision, qui souhaitait rendre hommage à l’Ukraine.

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1944 n’est pas n'importe quelle chanson. Elle évoque la répression contre les Tatars de Crimée, cette année-là, sur ordre de Staline. Cette communauté turcophone majoritairement musulmane installée depuis le XIIIe siècle sur les bords de la mer Noire, a été déportée par milliers vers l’Asie centrale, accusés de collaborer avec les nazis. Jamala expliquait alors qu’il s’agissait de l’histoire de sa grand-mère.

Cependant, à l’Eurovision, deux ans après l’annexion de la Crimée par la Russie, le texte résonnait doublement. « Quand les étrangers arrivent, ils viennent dans vos maisons. Ils vous tuent tous et disent : "Nous ne sommes pas coupables" », affirment les paroles. Que l’Ukraine s’impose dans la compétition juste devant la Russie avait été vécu comme une offense du côté du Kremlin​.

« En état de choc »

Depuis le début de l’offensive russe, fin février, la chanson prend encore une nouvelle dimension. « On revit ça aujourd’hui. Je pensais que c’était du passé », a déploré Jamala à l’AFP. Sur Instagram, elle a documenté, quasiment en direct, l’évolution de la situation depuis ce 24 février où son mari l’a réveillée dans leur appartement de Kiev en lui disant : « La guerre a commencé, la Russie a attaqué l’Ukraine ». Elle était, dit-elle, « en état de choc », se demandant quoi faire. Partir ? Par où commencer.

L’artiste a ce jour-là rejoint un abri avec ses deux fils et son époux. Ils se sont ensuite rendus à Ternopil, à 400 kilomètres à l’ouest de la capitale ukrainienne. Un voyage en voiture de deux jours. A peine arrivés, ils devaient déjà repartir, direction la frontière roumaine, la situation étant trop dangereuse.

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Dans sa story Instagram, elle s’est filmée, le visage défait, harassé par la fatigue et l’angoisse, en train de franchir la frontière à pied, avec ses deux enfants. Son mari ne les a pas suivis. Il a fait demi-tour vers Kiev, pour rejoindre les volontaires aidant à évacuer femmes et enfants vers des régions plus sûres. Le périple de Jamala et de ses fils s’est poursuivi jusqu’en Turquie. Ils vivent désormais tous les trois à Istanbul chez la sœur de la chanteuse.

« Je sais seulement qu’on doit gagner »

Depuis, la trentenaire vit la peur au ventre, inquiète pour son mari. « Mon ingénieur du son m’a écrit hier qu’il n’avait pas d’eau… Il ne peut pas sortir, c’est dangereux », a-t-elle relaté à l’AFP. « C’est une guerre très cruelle au cœur de l’Europe. Elle anéantit les valeurs de l’Europe que nous avons bâties depuis la Seconde Guerre mondiale. »

Jamala multiplie les entretiens auprès des médias du monde entier, profitant de la tribune qui lui est offerte. A la télévision israélienne la semaine passée, elle a commenté l’exclusion de la Russie de l’Eurovision. « Je crois que c’est la bonne décision. En général, toute forme de protestation est bonne à prendre. Dans ce cas, l’Eurovision est une compétition internationale majeure », a-t-elle déclaré, remerciant les organisateurs pour cette décision.

A l’AFP, elle clame : « L’Ukraine est un grand pays, avec sa langue, sa propre culture, son histoire. Il n’a rien de commun avec la Russie. Je ne sais pas ce qu’on peut faire… Je sais seulement qu’on doit gagner. » Et là, ce n’est pas du concours de chansons dont elle parle.