BANDE DE FILLESLa parole de huit rappeuses de huit pays différents raconte notre monde

« Girlhood » : Huit rappeuses à travers le monde racontent leurs identités et leurs engagements

BANDE DE FILLESElles vivent à Berlin, Rabat, Paris ou près du Cap et s’épanouissent toutes à travers le rap
Clio Weickert

Clio Weickert

L'essentiel

  • A partir de ce mercredi, Arte met en ligne une nouvelle série documentaire de Jean-François Tatin et Flora Desprats sur Arte.tv et YouTube.
  • « Girlhood » met en lumière huit rappeuses dans différents pays, en France, en Allemagne, en Afrique du Sud et au Maroc.
  • « J’ai voulu partir à la rencontre de filles pour lesquelles le rap est un moyen d’expression, d’affirmation de leurs identités et de leurs cultures », explique le réalisateur à « 20 Minutes ».

A Khayelitsha, l’un des plus grands townships du Cap en Afrique du Sud, la jeune Dee Koala glisse dans ses textes ses combats pour l’émancipation des femmes et dénonce les violences qu’elles subissent. A des milliers de kilomètres de là à Rabat, la rappeuse Khtek assume un rap « hardcore, brut, honnête et dark », se bat contre les discriminations et tente de trouver sa place dans un milieu encore très masculin. Toutes deux sont au cœur de Girlhood, une mini-série documentaire de Jean-François Tatin et Flora Desprats.

Disponibles depuis ce mercredi sur Arte.tv et sur YouTube, les quatre épisodes de douze minutes mettent en lumière huit jeunes rappeuses de France, d’Allemagne, d’Afrique du Sud et du Maroc. Qu’elles s’expriment en français, en anglais, en créole, en arabe ou encore en isixhosa, une langue sud-africaine, toutes ont pour point commun le rap, qu’elles manient chacune à leur manière.

« Un moyen d’affirmation de leurs identités et de leurs cultures »

« J’ai voulu partir à la rencontre de filles pour lesquelles le rap est un moyen d’expression, d’affirmation de leurs identités et de leurs cultures », explique le réalisateur Jean-François Tatin, auteur précédemment du documentaire French game sur l’histoire du rap français. L’idée est moins de retracer le parcours de ces rappeuses que de comprendre comment la musique se fait l’écho de leur quotidien et de leur place dans la société. Dans l’épisode berlinois, Layla Boe et Yetunde essayent d’imposer leurs styles radicalement différents dans cette mégalopole fourmillante. « Comment est-ce que je peux percer ici alors que tout le monde est incroyablement talentueux et créatif ? », s’interroge Yetunde. Toutes deux métisses, les jeunes femmes explorent leurs multiples origines et s’amusent à marier les langues pour créer un flow unique.

En France, ce sont Meryl et Lean Chihiro qui sont mises à l’honneur. D’un côté une rappeuse martiniquaise aux textes ancrés dans le quotidien et aux influences musicales caribéennes. De l’autre une artiste parisienne qui évolue entre le Marais et la Porte de Saint-Ouen et voyage dans un univers numérique empreint de culture japonaise. Hormis une courte voix off introductive au début de chaque épisode, seules les rappeuses racontent leurs histoires à travers leurs témoignages, leurs musiques et leurs images. Avec toujours au cœur du propos, leurs lieux de vie et « comment à travers leur parcours elles racontent leur territoire », précise le réalisateur.

« Un outil d’émancipation et de revendication »

En creux se trouve aussi la question de la place de ces femmes dans le monde du rap, sans pour autant plonger dans le cliché du « rap féminin » qui comme le répète Meryl dans son épisode, « n’existe pas et ne veut rien dire ». Au contraire, au fil de la série émergent différentes musicalités, visions de la musique et positionnements. Pour Khtek et Krtas Nssa, rapper est résolument un acte politique et engagé. Que ce soit dans le milieu underground de Rabat pour la première ou à Bruxelles pour la seconde, le rap s’inscrit dans une démarche de liberté d’expression et d’égalité hommes-femmes. « Le fait de partir du Maroc n’était pas un choix car je ne l’avais pas, c’est ça le problème. Je me suis trouvée dans un pays qui n’accepte pas une femme rebelle qui peut dire non et qui a du caractère. Pour nous une femme qui fait du rap c’est la honte », déplore Krtas Nssa.

« Ce qui m’a frappé avec les filles dans le rap, c’est comment le rap qui était plutôt un truc de mecs, plutôt misogyne, était devenu un outil d’émancipation et de revendication pour des femmes dans différents pays », estime Jean-François Tatin. Girlhood permet aussi d’ouvrir les horizons du rap et de découvrir des artistes talentueuses aux quatre coins de la planète, des musiques et des voix qui méritent vraiment d’être entendues.