Vingt ans après, Frédéric Paulin raconte l’horreur du contre-sommet du G8 à Gênes
LITTERATURE•L’écrivain rennais revient dans son dernier roman sur la répression policière qui s’est abattue sur les militants antimondialistes en juillet 2001 en ItalieJérôme Gicquel
L'essentiel
- L’auteur rennais Frédéric Paulin revient dans son nouveau roman sur les violences qui avaient éclaté lors du contre-sommet du G8 à Gênes en 2001.
- La foule de manifestants altermondialistes avait été violemment réprimée par la police et un jeune militant italien avait été abattu d’une balle dans la tête.
- Témoin des violences, l’écrivain a pendant longtemps été hanté par ses souvenirs.
Qui se souvient encore de Carlo Giuliani ? Sa mort remonte à plus de 20 ans maintenant. Comme près de 400.000 manifestants, ce jeune militant italien de 23 ans avait rejoint Gênes dans le courant du mois de juillet 2001 pour protester contre la tenue du G8 dans la ville portuaire. L’ambiance de ce contre-sommet se voulait festive avec un concert de Manu Chao pour lancer ces quatre jours de contestation des altermondialistes. Mais la fête avait vite basculé dans l’horreur, les policiers réprimant violemment le mouvement. Alors que la ville était plongée dans le chaos, Carlo Giuliani avait trouvé la mort le 20 juillet, abattu d’une balle en pleine tête par un carabinier alors qu’il s’apprêtait à jeter un extincteur contre une jeep de la police.
Après s’être penché sur les origines du djihadisme en France dans une trilogie saluée par la critique, l’auteur rennais Frédéric Paulin revient dans son nouveau roman La nuit tombée sur nos âmes, sorti le mois dernier chez Agullo, sur ces quatre jours d’émeutes et de répression qui ont secoué Gênes. « Pour raviver les mémoires et pour rendre aussi hommage à Carlo Giuliani et à toutes les personnes qui ont subi ces violences », indique l’auteur, qui sera en dédicace dans la capitale bretonne ce vendredi (lire encadré).
La fête qui se transforme en carnage
Avec sa plume incisive, Frédéric Paulin déroule au fil des pages le récit des événements avec force et précision. « Cela reste un roman mais tout est vérifiable », assure-t-il. L’auteur sait de quoi il parle car il a lui-même vécu ce contre-sommet de Gênes. Âgé de 28 ans, il était alors en doctorat de sciences politiques à Rennes et planchait sur les mouvements d’extrême-gauche. « Cela avait donc un sens d’y être, d’abord en tant qu’observateur mais aussi en tant que citoyen », raconte-t-il.
Avec d’autres camarades de lutte, anarchistes ou trotskistes, il a donc quitté la Bretagne en plein milieu de l’été 2001 pour rejoindre Gênes en bus. « Quand j’ai débarqué, c’était une grande fête, raconte-t-il. Il y avait des fanfares partout dans les rues, c’était vraiment bon enfant. On avait vraiment l’impression de pouvoir peser sur cette mondialisation naissante ». Des espoirs qui se sont vite envolés car la répression policière n’a pas tardé à s’abattre sur les cortèges plus ou moins pacifistes. « Il y a bien sûr eu des dégradations commises par le Black Bloc, souligne l’auteur. Mais on a tout de suite senti que les policiers étaient là pour casser violemment ce mouvement altermondialiste qui commençait à prendre de l’ampleur ».
Le besoin de coucher sur papier sur ses souvenirs
S’il n’a pas pris un seul coup, Frédéric Paulin a été témoin de la répression policière qui a été d’une brutalité inédite. « J’ai vu des choses terribles, des gamins qui avaient le visage en sang et se faisaient fracasser », raconte-t-il. Aux violences se sont ajoutées les tortures commises sur les militants interpellés au sein de l’enceinte de la caserne de Bolzaneto, des événements décrits comme « la plus grave violation des droits démocratiques dans un pays occidental depuis le Seconde Guerre mondiale », selon Amnesty International.
Revenu brisé de Gênes, Frédéric Paulin a pendant longtemps été hanté par « ces journées de barbarie ». « J’ai été très angoissé pendant deux ans, je bouffais des anxiolytiques », souligne l’auteur. Très personnel, son roman s’apparente donc un peu à de la catharsis. « L’écriture a fait remonter en moi des choses douloureuses mais je suis soulagé maintenant d’avoir fait ressortir tout ce qui était enfoui ».