« Le costume de journaliste était trop grand pour moi », confie l’humoriste Thomas VDB, auteur de « Comedian rhapsodie »
INTERVIEW•Thomas VDB, qui raconte sa passion pour la musique et son expérience de journaliste à « Rock Sound » dans un roman autobiographique édité chez Flammarion, a répondu aux questions de « 20 Minutes »Propos recueillis par Fabien Randanne
L'essentiel
- Comedian rhapsodie, le roman autobiographique de Thomas VDB vient de paraître chez Flammarion.
- « Je me suis dit que j’allais raconter chronologiquement l’histoire de ma passion pour la musique, jusqu’à l’obsession, à la névrose presque », explique-t-il à 20 Minutes.
- « Quand j’étais journaliste de musique, je n’étais pas musicien. Aujourd’hui, je suis comédien donc j’ai cet exutoire, que je cultivais quand je faisais du théâtre de rue en parallèle du journalisme », déclare-t-il.
«Ce qui me faisait rêver, c’était d’avoir un petit carnet pour avoir des choses à y écrire. Je rêvais de prises de notes », raconte Thomas Vandenberghe, alias Thomas VDB, dans Comedian rhapsodie, qui paraît ce mercredi chez Flammarion. A 44 ans, l’artiste a eu l’occasion concrétiser son rêve de gosse. Des pages de calepins, il en a noirci par milliers en tant que créateur du fan-club français de Korn, journaliste, humoriste, chroniqueur de Par Jupiter ! sur France Inter et donc, désormais, en tant qu’auteur de roman. Dans ce premier ouvrage autobiographique, Thomas VDB se concentre sur les trois premières décennies de sa vie. Il raconte son admiration pour Queen, ses collections de fiches « Monsieur Cinéma », les groupes de rock où il a donné de la voix, son expérience au sein du magazine Rock Sound dont il fut brièvement le rédacteur en chef et ses premiers pas de comédien… dans les allées d’un supermarché. Avec son ton inimitable (en le lisant, c’est sa voix qu’on entend), il donne un relief hilarant aux anecdotes les plus simples – ses péripéties avec le Club Dial – comme au plus extraordinaires – cela va d’un coup de pression de Moby en interview à la gêne provoquée par Liam Gallagher à un cocktail d’après-concert d’ Oasis. « Ce livre, c’est l’histoire d’une passion pour la musique », explique-t-il à 20 Minutes.
L’idée de ce livre vient de vous ou on est venu vous chercher ?
Elle est de moi. En tant que fan et consommateur de musique depuis très longtemps et mon métier consistant à écrire des blagues depuis une quinzaine d’années, je me suis rendu compte que plein de trucs me font rire dans la musique. Au début, je voulais faire de ce livre une somme de réflexions sur la musique depuis que j’en écoute, mais le problème, c’est que je n’avais pas noté tout ça, donc je me suis dit que j’allais raconter chronologiquement l’histoire de ma passion, jusqu’à l’obsession, à la névrose presque. Je parle de la manière dont cette passion a été atteinte lorsque je suis devenu journaliste. J’avais enfilé un costume qui était trop grand pour moi parce que, en réalité, moi, j’aimais la musique mais je n’avais pas envie d’être journaliste. Le livre s’arrête au moment où je trouve ma vocation de comédien et où je décide d’arrêter de devoir avoir un avis sur tout. Je recevais des centaines de disques, mais j’étais contraint d’avoir très vite un avis à leur sujet. C’est ce qui était très pesant pour moi. Cela allait trop vite, je n’avais pas le temps d’apprécier la musique. Il m’a fallu prendre beaucoup de recul pour digérer cette histoire et en faire quelque chose de marrant, avec de l’autodérision.
Ce qui est frappant dans votre livre, c’est que votre parcours est plein d’heureux hasards. Les opportunités se sont présentées à vous sans que vous cherchiez à les provoquer, sans que vous ayez eu envie de quoi que ce soit. Cela s’est vraiment passé comme ça ou les choses sont enjolivées pour le storytelling ?
Ça s’est vraiment passé comme ça (rires). Peut-être que cette impression vient de ma façon de raconter les choses mais je n’ai pas le souvenir d’avoir gonflé quoi que ce soit. J’ai toujours fonctionné à l’instinct. Quand, enfant, je disais « J’aimerais bien travailler dans la musique », mes parents répondaient « Passe ton bac d’abord ! » Finalement, j’ai réussi sans faire d’études. J’ai eu beaucoup de chance. Ce livre, c’est l’histoire d’une passion pour la musique physique avant que l’avènement du digital rende tout disponible. Je raconte beaucoup mes tribulations avec mes compilations, mes cassettes copiées quand j’étais ado, mes collections de disques qui sont encombrantes en vrai dans ma vie. Les deux ou trois premières années de journalisme, j’ai adoré faire ça. Après, c’est avec les responsabilités que le ciel m’est tombé sur la tête. Mon livre raconte aussi que, quand on a réalisé son rêve, le moment est peut-être venu d’en accomplir un autre. Je n’avais pas prévu que ça arrive si vite.
Vous n’avez pas de nostalgie du journalisme ?
J’ai fait partie d’un groupe de presse qui vendait très bien des magazines musicaux sur le rock, le rap, la techno. Mais il était hyper maqué avec tous les labels. Je n’avais jamais mis les pieds aux Etats-Unis et là, on me disait : « Tu pars une semaine à Los Angeles pour interviewer un groupe que t’adore. » Moi, j’avais l’impression de gagner à un concours mais, en fait, c’était mon travail. J’étais très conscient de ma chance. Mais quand je me suis rendu compte que je n’étais pas autre chose qu’un pion de l’industrie musicale, j’ai arrêté. Si je ne pouvais pas mettre en couverture le groupe dont je rêvais pour la Une en pensant à nos lecteurs parce que, au-dessus de moi, un directeur de pub me mettait la pression en me disant qu’un autre groupe avait acheté cinq pages de pubs dans le magazine… C’est le moment où ça m’a démotivé. En parallèle, alors que j’étais rédacteur en chef en semaine, le week-end, j’allais faire des spectacles de rue. Je pense que ce n’est pas un truc très universel. C’est cela qui a ouvert la brèche et m’a donné envie de m’accomplir dans la comédie.
Votre goût pour la comédie est-il toujours intact ?
J’adore aller voir les spectacles des potes humoristes, mais je ne me marre pas forcément parce que je regarde comment c’est construit, ce qui n’enlève rien à leur talent. Cela n’a pas pour autant érodé ma passion. Quand j’étais journaliste de musique, je n’étais pas musicien. Aujourd’hui, je suis comédien donc j’ai cet exutoire, que je cultivais quand je faisais du théâtre de rue en parallèle du journalisme. Je me lassais d’entendre des musiciens me parler de leurs albums. J’avais moi aussi envie de faire des trucs, pas de poser des questions à des gens sur ce qu’ils font. Quand tu interviewes énormément de groupes de metal qui ont vingt ans, ils n’ont pas forcément des choses très intéressantes à te raconter. Je me sentais plus artiste que journaliste.
Faire de l’humour aujourd’hui n’est pas de tout repos. Des humoristes peuvent être cloués au pilori pour avoir fait certaines blagues. Ce sont les « risques du métier » ?
Aujourd’hui, une blague qui ne passe pas peut engendrer énormément de rancœur et de menaces, même. A la base, je n’avais pas prévu que ça fasse partie des risques du métier. Quand on pense comédie, on ne pense pas menaces. Il m’arrive de me poser la question « Est-ce que dans six mois ou dans un an ce sera aussi facile de faire des blagues qu’on fait là ? » J’espère que oui, mais tout ne va pas en s’allégeant.
Vous avez récemment apporté votre soutien, dans une chronique sur France Inter, à Charline Vanhoenecker qui avait été la cible de critiques virulentes pour avoir dessiné une moustache « à la Hitler » sur une affiche d’Eric Zemmour. Vous argumentiez par l’absurde. L’époque est absurde ?
On est tellement antagonisés sur tous les sujets qu’il est difficile d’avoir une grille de lecture de tout qui soit cohérente. On peut très vite être pris en flagrant délit d’incohérence et j’ai l’impression que les gens y voient une gravité énorme alors qu’on n’est pas tous des blocs de cohérence. Pour moi, les mauvaises blagues, les mauvais sketches [des humoristes], ça passe – parfois ça passe pas bien – mais ça ne mérite certainement pas des menaces physiques. Les gens ne sont pas capables de se dire « Ce n’est que de l’humour ».