Les discriminations sont-elles plus nombreuses aujourd’hui qu’auparavant ?
MOTS POUR MAUX•Deux fois par mois, « 20 Minutes » vous aide à y voir plus clair dans les mots des discriminations, et on commence précisément aujourd’hui avec le mot… « discrimination » !Aude Lorriaux
Pour ce premier numéro de #MotsPourMaux, le programme vidéo qui décrypte le lexique des discriminations, 20 Minutes a choisi de vous parler… du mot « discrimination » !
La discrimination c’est selon la loi un traitement défavorable, dans une situation précise : par exemple au travail, ou dans l’accès à un service ou à un logement. Il y a 25 critères de discrimination dans la loi française : l’origine, le sexe, les mœurs, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’âge, la situation de famille, la grossesse, les caractéristiques génétiques, l’ethnie, la « race » supposée, la nation et encore d’autres que vous pouvez consulter ici.
Le nombre de ces critères est l’objet de débats. Pour certains chercheurs et chercheuses, ils sont trop nombreux, et noient les discriminations jugées les plus importantes. Il y a d’autres pays où il y a beaucoup moins de critères de discriminations. Aux Etats-Unis, on en trouve par exemple seulement six : race, sexe, couleur, religion, origine, handicap.
L’invention de la notion de « discrimination »
Est-ce qu’on a toujours pensé en termes de « discriminations » ? Non. Les premières mesures contre les discriminations apparaissent en France dans les années 1970, avec la loi Pleven contre le racisme et avec la ratification de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, et son article 14 sur l’interdiction des discriminations. Mais la notion de discrimination s’impose vraiment dans le débat public à la fin des années 1990, dans la foulée de la Marche pour l’égalité et contre le racisme, en 1983, comme l’a expliqué Didier Fassin, dans L’invention française de la discrimination. C’est le début des politiques de lutte contre les discriminations.
On va alors créer la Halde, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité. Elle deviendra plus tard le Défenseur des droits – en l’occurence maintenant c’est LA DéfenseuRE des droits
Les discriminations augmentent-elles ?
On peut se demander : pourquoi est-ce qu’il y a plus d’attention sur les discriminations ces dernières années ? Est-ce parce que leur nombre augmente ? Pas forcément : Oui le nombre de plaintes à la Halde et auprès du Défenseur des droits n’a pas cessé d’augmenter, mais cela ne veut pas dire qu’il y a « plus » de discriminations qu’il y a 30 ans. C’est sans doute qu’une partie de l’opinion est devenue plus sensible à ce sujet.
C’est ce que montre l’indice de la tolérance de la CNCDH, la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme, qui confirme cette tendance à plus de tolérance depuis les années 1990 :
Et c’est ce qu’explique aussi le sociologue François Dubet, dans son livre Pourquoi moi ? L’expérience des discriminations : « Si nous parlons tant des discriminations, ce n’est pas parce qu’elles seraient plus importantes aujourd’hui qu’hier, c’est parce que le cadre social et normatif dans lequel elles émergent comme un scandale et un problème public polymorphe s’est profondément transformé. (…) Paradoxalement, les discriminations deviennent un problème social et un problème politique quand l’égalité et la liberté progressent et quand reculent les ségrégations légitimées par la culture et souvent par le droit. »
C’est ce qu’on appelle le « paradoxe de l’insatisfaction croissante » ou « paradoxe de Tocqueville », du nom du philosophe Alexis de Tocqueville : plus une société devient égalitaire, plus les inégalités sont perçues comme intolérables. Voilà qui donne de l’espoir pour un monde sans discriminations !