Marseille : La mémoire du confinement collectée au Mucem grâce aux dons d'objets d'un quotidien enfermé
OBJETS DU CONFINEMENT•La collecte lancée au printemps 2020 par le Mucem à Marseille a permis de récolter une centaine d'objets dans toute la France, illustrant le quotidien de Français enfermés. Un projet destiné à conserver et analyser ce moment de notre histoireFrançois Maliet
L'essentiel
- Le Mucem a lancé en avril 2020, en plein confinement, une collecte d’objets du quotidien, illustrant le quotidien de Français enfermés.
- Ce projet est destiné à conserver et analyser ce moment de notre histoire collective.
- 20 Minutes s’est rendu au Mucem pour parcourir ces objets provenant de la France entière.
Derrière elle, sur ces étagères, se trouvent donc divers objets du quotidien. Ce qui les réunit ? Le premier confinement, celui imposé du 17 mars au 11 mai 2020 dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus. Explication : le 20 avril dernier, le Mucem lançait une grande opération participative consacrée à la collecte d’objets témoins de cette période très particulière. « Il s’agit de construire ensemble un patrimoine et une mémoire du quotidien », poursuit la responsable. A la suite de cet appel, le musée a reçu 616 propositions de dons émanant de l’ensemble du territoire français.
« Après une première analyse, nous avons demandé l’acheminement physique de 171 pièces, poursuit la responsable. En suivant des critères très précis : capacité de conservation, représentativité du thème, lien direct avec le confinement… » On ne trouvera donc pas de farine – alors que la cuisine a été des plus importantes à cette période – ni de tapis de yoga…
Pancartes de soutien, masques, billets de spectacles
Par contre, ont été récoltées des pancartes de soutien aux soignants que certains accrochaient sur leur balcon. Bien sûr, des masques sont aussi conservés, rappelant les atermoiements gouvernementaux à propos de leur efficacité pour éluder leur indisponibilité. Certains, basiques, sont faits maison. D’autres sont plus élaborés, comme celui découpé et plié dans du papier, façon origami. Et puis, il y a le masque de luxe, commercialisé dans sa belle pochette.
La fermeture des lieux culturels ? Elle apparaît à travers la collection de billets de spectacles annulés fournie par une retraitée férue de danse et de cirque contemporain. Quant à l’absence de convivialité en terrasse des cafés et restaurants, on la retrouve à travers cette planche à découper pyrogravée, transformée en jeu de backgammon où les pions sont faits à partir de capsules de bière et de bouchons de liège. Terminée, la bamboche…
« On trouve aussi différentes façons de ritualiser le temps, comme cette dame qui épinglait sur sa porte ses autorisations de sortie faites quotidiennement à la main, poursuit Aude Fanlo. Ou encore ce calendrier barré, où chaque case accueille a posteriori les activités familiales de la journée. » Comme un calendrier de l’Avent, mais élaboré avant de connaître la date de fin…
Une analyse de la matière récoltée
Et puis, il y a ces cartes où un cercle tracé au compas défini le périmètre de sortie autorisé… Ou encore cette photo d’une madeleine anthropomorphe appuyée à une fenêtre, et qui semble désespérée de ne pouvoir se rendre à l’extérieur… Pour terminer cette liste non exhaustive, remarquons que certains ont cherché à muséographier leur intérieur, comme Arsène, 11 ans, qui a créé son propre musée sous la forme d’une maquette en carton.
Cette récolte permet donc d’obtenir « une photographie non scientifique, un échantillon qui témoigne du rapport au corps, au travail, à ses proches, à l’espace public et privé pendant cette période », conclut la chercheuse. Cette dernière a conscience que cet appel aux dons induit un biais sociologique, les personnes férues de culture répondant plus facilement. « Nous en avons pris acte et avons recruté un chercheur en post-doc pour faire une analyse précise de la matière récoltée, aller au-delà des dons par des entretiens et, surtout, élargir l’éventail des populations touchées en procédant à des collectes auprès de publics défavorisés. » Cela prendra encore deux ans, au moins. En espérant que d’ici là, confinements et autres couvre-feux ne soient plus qu’un lointain souvenir.