« Crash Bandicoot 4 – It’s About Time » : Le héros qui s’est rêvé en nouveau Mario (presque)
JEU VIDEO•Crash Bandicoot, créé par le studio Naughty Dog dans l’espoir d’en faire la mascotte de la première PlayStation, est de retour dans un nouveau jeu, sur PS4… et Xbox OneVincent Jule
Alors que Super Mario fête ses 35 ans (le Super Mario Bros. à 35 joueurs est d’ailleurs disponible depuis jeudi), un autre héros incontournable du jeu vidéo fait son retour. Presque une mascotte. Ah Sonic ? Non. Rayman ? Les Lapins crétins ? Non plus. Lara Croft bien sûr. Toujours pas. Il s’agit de Crash Bandicoot, bien connu des gamers aguerris, moins du grand public. Après les remakes N. Sane Trilogy et Crash Team Racing Nitro-Fueled pour ses 20 ans, le péramèle à long nez de l’Est (ou bandicoot, voilà) s’offre une nouvelle aventure inédite avec Crash Bandicoot 4 : It's About Time, sur PS4 et Xbox One. Il est loin le temps où Crash voulait s’imposer comme le nouveau Mario ou Sonic, comme la mascotte de la nouvelle PlayStation. Enfin, ses créateurs, le studio Naughty Dog.
Allez, faisons la mascotte de Sony
« A ses débuts, Naughty Dog, c’est deux gars d’à peine 20 ans, Andy Gavin et Jason Rubin, raconte Gaëtan Boulanger, auteur de L’Histoire de Naughty Dog, bientôt publié aux Editions Pix’n Love. Début des années 1990, ils viennent de sortir Way of the Warrior, leur version, un quasi clone, de Mortal Kombat sur 3DO, qui s’impose comme le jeu de la machine. Après ce succès, leur éditeur Universal Interactive les fait signer pour trois jeux, qui deviendront les trois premiers Crash Bandicoot. »
Or, la nouvelle PlayStation vient de sortir, et n’a pas de mascotte comme Nintendo avec Mario et Sega avec Sonic. Le duo se dit donc modestement qu’ils vont créer la killer app de la PlayStation, et pourquoi pas la mascotte de Sony. Sauf que le constructeur n’est pas (encore) au courant, et ne veut pas forcément de mascotte. Andy Gavin et Jason Rubin s’inspirent bien sûr de Mario, et ce sera donc un jeu de plate-forme, mais en 3D.
Les fesses de Sonic
« C’est l’époque de la bascule 3D avec également Tomb Raider, Resident Evil ou Super Mario 64 », détaille Gaëtan Boulanger. Et c’est là qu’interviennent les fesses de Sonic. Hein ? « C’est une blague, mais puisque le jeu est en 3D et non plus en side-scrolling 2D, le joueur verra le personnage de dos et donc ses fesses. Crash Bandicoot a ainsi été surnommé Sonic’s Ass pendant un temps du développement. Il fallait donc mettre le paquet graphiquement, même si au final on voit plutôt ses épaules, plus en hauteur. »
Vu que le plombier et le hérisson sont pris, Naughty Dog cherche l’inspiration pour leur héros du côté du cartoon. « Ils étaient fans de cartoons à la Bugs Bunny et des Looney Tunes, ils voulaient un jeu dans cet esprit un peu fou, que l’on ne retrouve pas dans les jeux japonais, plus sages, explique le spécialiste du studio. Crash rappelle d’ailleurs beaucoup Taz, le célèbre Diable de Tasmanie des dessins animés. Il sera ainsi d’abord un wombat ou un potorus, s’appellera Willie, avant de devenir Crash Bandicoot, création du savant fou Doctor Neo Cortex dont il tente de stopper les projets de domination du monde.
Du rififi en coulisses
Pour les aider à concevoir le personnage et son univers d’îles australiennes et de jungle tropicale, Andy Gavin et Jason Rubin font appel aux artistes Joe Pearson et Charles Zembillas, qui revendiquent, avec le producteur David Siller, d’être les vrais créateurs de Crash et accusent Naughty Dog d’avoir voulu discréditer leur travail et réécrire l’histoire. Une histoire racontée en détail et témoignages dans un long format du site Polygon pour les 20 ans du jeu.
En termes de jeu vidéo et de gameplay, le premier Crash Bandicoot, sorti en 1996 sur PS, reste classique, à part le passage de la 2D à la 3D. « La critique et la communauté de l’époque le trouvent d’ailleurs moins innovant que son concurrent, ce bon vieux Mario avec Super Mario 64, sa caméra ouverte, son gameplay enrichi », précise Gaëtan Boulanger. Le titre n’en reste pas moins une réussite, Sony en fait son gros jeu de l’année 1996, et devient même son éditeur avec Universal Interactive. Devient-il pour autant sa mascotte ? « Il aurait pu l’être, si Sony avait eu les droits d’exploitation, mais ils sont restés chez Universal. »
Une mascotte officieuse
Crash Bandicoot n’en reste pas moins leur tête de gondole, et un personnage de jeu incontournable, jusqu’au Japon, pays de Mario et Sonic. Un succès des ventes, et une mascotte officieuse ? Le temps d’une génération de console. Car en 2001, Universal Interactive est racheté par Vivendi, qui met fin à l’exclusivité PlayStation. Crash BandiCoot devient multiplateformes, et n’est plus développé par Naughty Dog, racheté, lui, par Sony. Le studio s’envolera vers d’autres aventures avec Jak and Daxter (puis Uncharted et The Last of Us), tandis que plusieurs studios se relaieront sur les futurs jeux Crash Bandicoot, sans la même aura. Le dernier Crash Bandicoot, à la fois bonne surprise et bel hommage, ne pouvait mieux porter son titre : il était temps.