INTERVIEWL’exposition Invader « place Marseille comme ville d’art »

L'exposition Invader « place Marseille comme ville d’art »

INTERVIEWAprès Tokyo ou Los Angeles, le street artist français Invader a décidé de disséminer ses célèbres mosaïques dans Marseille, en collaboration avec le Mamo
Mathilde Ceilles

Propos recueillis par Mathilde Ceilles

L'essentiel

  • Les mosaïques du street artist Invader ont envahi Marseille en un temps record cet été.
  • Cette exposition a été réalisée en partenariat avec le Mamo, le centre d’art contemporain sur le toit de la Cité radieuse

Vous êtes peut-être tombé par hasard face à l’une de ces fresques qui ont poussé comme des champignons dans tout Marseille, des Baumettes au Vieux-Port en passant par la plage de la Pointe-Rouge. Le célèbre street artist Invader a décidé de poser ses valises, ou plutôt ses célèbres mosaïques cubiques, dans la deuxième ville de France. Une exposition à ciel ouvert organisée par le Mamo, le centre d’art moderne installé sur le toit de la Cité radieuse. Son directeur, Ora-ïto, explique à 20 Minutes la genèse et le but de ce projet.

Ora-Ito est un designer marseillais
Ora-Ito est un designer marseillais - STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Quel est le point de départ de cette exposition ?

Avec Invader, on avait envie de faire quelque chose ensemble depuis très longtemps. On en avait déjà parlé il y a six ou sept ans, quand j’ai ouvert le Mamo. Ça représentait un travail assez énorme, que ce soit pour lui comme pour moi. Et on n’a pas trouvé le temps de programmer cette exposition. Or, ces derniers mois, on a eu beaucoup de temps, avec le confinement et le Covid… On s’est parlé et je me suis dit que c’était les conditions optimales. C’est l’exposition parfaite en temps de Covid.

Pourquoi ?

Je me suis dit qu’il fallait penser une exposition à ciel ouvert qui respecte les distanciations sociales. Or, c’était le seul artiste qui pouvait répondre d’une manière aussi parfaite aux conditions actuelles de culture. On ne vient pas s’agglutiner à un endroit mais c’est la culture qui vient en expansion dans toute une ville. Après, ça paraissait comme un pari impossible, car il s’agit de la plus grosse invasion depuis Paris. La production des pièces s’est faite un peu au Mamo, un peu à Paris. Et finalement, ça prouve que quand on a des bonnes idées, il faut aussi s’adapter à l’époque ou au contexte.

Comment se passe une invasion, très concrètement ?

Une fois le lieu repéré, on vient l’arpenter, comme une proie. Il y a quelque chose de très serial killer, quelque part. On opère de nuit, masqué, comme si vous deviez prendre un territoire qui ne vous appartient de manière illégale. Car c’est illégal, fait sans autorisation, même si on voit ça comme la restauration utile d’une façade. Ensuite, en fonction de la taille de l’œuvre, il part avec un petit van, un vélo ou un scooter, et l’installe avec une antenne télescopique ou une échelle télescopique.

Comment s’est fait le choix des lieux ?

Il a été choisi soit dans des axes stratégiques qu’on ne peut pas louper, soit des endroits cachés. Je l’ai aidé à trouver les endroits, car il ne pouvait pas avoir en si peu de temps une connaissance aussi pointu de la ville. Je lui ai servi un peu de guide, mais c’est lui qui disait si le lieu l’inspirait ou pas. C’est un peu comme dans un Guide Michelin, à lui de voir si ça méritait des étoiles ! Ensuite, les œuvres ont été pensées par rapport au lieu, rien n’est anodin. Si on voit une bouteille de pastis sur un mur, c’est sûrement qu’il y a un bar pas très loin… Idem aux Baumettes, Invader a mis des petits Daltons ! Et s’il y a un Fernandel quelque part, c’est parce que Fernandel a habité pas loin. Tout est symbolique.

Et cela donne une sorte de chasse aux trésors ?

Il existe en effet une application qui recense les œuvres sur une carte. Et cette application, comme dans un jeu vidéo, éveille les gens à l’art. Cette exposition est un cadeau à la ville de Marseille, à ses habitants, mais aussi à ses touristes, puisqu’on sait que plus de 1.200 sont venus voir l’exposition à travers l’application.

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Avec cette exposition, Marseille rejoint Londres ou Los Angeles dans le cercle fermé des villes où Invader est passé…

Oui, et ça place Marseille comme ville d’art. Je suis persuadée que Marseille peut suivre le modèle de Berlin, qui a ressuscité d’un état catastrophique grâce à l’art et à la créativité en général. Cette exposition peut permettre de remettre Marseille en avant !