« Glassforms », l’hommage de Max Cooper et Bruce Brubaker à Philip Glass qui mélange piano et électro
ECLATS DE LUMIERE•Construisant autour d’un terreau déjà fertile, Max Cooper et Bruce Brubaker ont créé une magnifique interprétation pleinement vivante de l’œuvre de Philip Glass, l’album « Glassforms »Aude Lorriaux
Prenez sept minutes, seulement sept petites minutes de votre temps, pour (ré)écouter Métamorphose Two de Philip Glass. Puis quand vous serez remis de ce moment de grâce, de pure dentelle sonore, ouvrez la version recréée par le producteur de musique électronique Max Cooper et le pianiste Bruce Brubaker, dans l’album Glassforms, sorti ce 5 juin en version numérique. Appréciez les recoins ombrageux, les scintillements de glace et de lumière, les échos galactiques composés comme un écrin ouvert et respirant autour de l’œuvre de Glass. Sentez ce souffle qui gonfle ou souligne chaque note, et cette myriade de reflets qui soudainement jaillit au détour d’une trace sonore.
Construisant de fines membranes organiques autour d’un terreau déjà fertile, Max Cooper et Bruce Brubaker ont créé une magnifique interprétation pleinement vivante de l’œuvre de Glass, au sens le plus noble du mot interprétation. Un paradis de formes extatiques d’abord né en live, suite à une commande de la Philharmonie de Paris.
Vibrant de l’intérieur
« Glass a été l’un des premiers musiciens avec lequel je me suis connecté quand j’étais enfant. Et je ne le savais pas encore, mais ce que j’aimais chez lui c’était les structures rythmiques, les syncopes, les répétitions, et tout un tas d’ingrédients que l’on retrouve dans la musique électronique », raconte par téléphone Max Cooper. Le minimalisme américain est de longue date une source d’inspiration pour les musiques électroniques.
Mais ici le génie est qu’il ne s’agit pas seulement d’ajouter une touche de son autour d’une œuvre préexistante, mais bien de la faire vibrer de l’intérieur, grâce à un outil créé spécialement par le développeur Alexander Randon. Le piano de Bruce Brubaker est directement branché sur le synthétiseur de Max Cooper, qui module la matière produite. « Je ne voulais pas juste ajouter de la musique électronique par-dessus, je voulais l’intégrer à la partition de Glass, c’était un vrai défi technique », explique Max Cooper, pour lequel « chaque note devient une pièce électronique ». Les deux musiciens jouent ainsi véritablement ensemble la même matière.
Un artiste qui crée des ponts
Le producteur d’électro, qui crée aussi éblouissantes œuvres visuelles, nous explique avoir été marqué par le documentaire Koyaanisqatsi, sorti en 1982, dont la bande-son est l’œuvre de Glass « Ce fut l’un des premiers films à me montrer ce que l’on peut faire avec cette sorte de visualisation abstraite et de répétition hypnotique, et qu’on pouvait créer une narration puissante et pleine d’émotion avec un film de 90 minutes sans personnages, explique-t-il. Philip Glass a eu une grande importance dans mon développement pas seulement d’artiste, mais aussi d’artiste visuel ».
Artiste créant des ponts, comme tous les grands artistes, Max Cooper, ancien biologiste, aime à faire dialoguer les mondes : science et musique, dans son album Human, musique et architecture, sur le projet Aether, et aujourd’hui musique classique et musique électronique. Il nous raconte ce directeur d’opéra, qui un jour lui lâcha : « Je n’avais jamais pensé que la musique électronique pouvait être belle. » « Beaucoup de gens quand ils pensent à la musique électronique s’imaginent des jeunes qui font des raves. lls ne sont jamais exposés à ce que la musique électronique peut aussi être : quelque chose de beau et de reflexif ».
Le voilà prenant un grand plaisir à déconstruire les clichés, à tisser des liens entre ces deux mondes séparés, qui se regardent parfois en chiens de faïence. Et de conclure : « J’essaie souvent de me projeter dans de nouveaux univers musicaux. Prendre des idées de différentes sphères, c’est la définition même de la créativité. »
- Glassforms (InFiné) est disponible sur les plateformes numériques dès ce 5 juin, et en CD et LP à partir du 24 juillet.