INTERVIEW«Créativité et envies plus que la rentabilité», les Chinese Man ont 15 ans

Marseille : « Des choix basés sur la créativité et les envies, plutôt que la rentabilité », les Chinese Man fêtent leurs 15 ans avec un album

INTERVIEWLe groupe Chinese Man revient avec un nouvel album «The Groove Sessions vol.5», qui met à l’honneur les groupes du label éponyme, qui fête ses 15 ans, avant une tournée de concert
Adrien Max

Adrien Max

L'essentiel

  • Pour fêter leurs 15 ans, le groupe Chinese Man sort un nouvel album, The Groove Sessions vol.5.
  • Cet album met à l’honneur les différents groupes du label Chinese Man Records.
  • Une tournée débute le 12 mars prochain à Marseille.

Une quinzième bougie soufflée entre amis. Les membres de Chinese Man fêtent leurs 15 ans avec la sortie d’un nouvel album, The Groove Sessions vol.5, réalisé en collaboration avec d’autres groupes et MC du label Chinese Man Records : Baja Frequencia et Scratch Bandits Crew. Une tournée en France est aussi prévue, elle commencera le 12 mars au Moulin à Marseille, où 20 Minutes a rencontré Fred, directeur de Chinese Man Records, Sly, de Chinese Man et Azuleski de Baja Frequencia.

Vous êtes arrivés dans la musique à un moment de mutation, avec l’apparition du numérique. Comment percevez-vous l’évolution de cette industrie ?

Fred : Le label s’est créé à un moment où le disque n’était plus au centre du « game ». A la base ce n’était pas pour vendre, mais pour diffuser du son. Le collectif a été créé par les trois membres de Chinese Man qui réunissait des musiciens, mais aussi des graphistes, des scénaristes, des vidéastes. Ils ont mis la première pierre, un premier EP, avec la volonté de sortir uniquement un vinyle. Très clairement, pour pouvoir le jouer en soirée parce que c’était des DJ, et pour le jouer en soirée, il fallait avoir ton vinyle. Après, ça a suivi gentiment le mouvement, le son a plu à des gens, son qu’on diffusait sur My Space à l’époque, la première plateforme où ça a vraiment marché. Il y avait une idée de jouer, de diffuser la musique pour après aller jouer et tourner.

Sly : On s’est retrouvé au bon endroit. Ça nous a donné le temps en parallèle de s’adapter à l’explosion du numérique. On a pu suivre et évoluer en même temps que les médias numériques. A la base ce n’était pas prévu de sortir des CDs, mais quand Chinese man a commencé à toucher un milieu un peu plus large, on a eu des demandes des gens pour écouter la musique autrement. Aujourd’hui, ce serait suicidaire de ne pas sortir notre musique en numérique. Dès la base, en gratuit, on mettait nos morceaux sur Emule. On avait avant tous envie de se faire connaître et de toucher un maximum de gens. Pas forcément avec l’envie qu’ils achètent des disques parce qu’ils étaient difficiles à trouver, mais plus leur donner envie de venir à nos concerts.

La place du live dans votre groupe est importante ?

Fred : Nos sons ne sont pas les mêmes selon les groupes. Il y a des bases communes et des interprétations mais il y a une envie commune, c’est de faire danser. Il y a toujours cette volonté de partager, comme pour le vinyle. C’est un peu la même démarche aujourd’hui.

Sly : C’est même plus intégré aujourd’hui, quand on compose un EP ou un maxi on a souvent déjà en tête ce que pourrait devenir le morceau en live, le live a pris de plus en plus d’importance. Plus on a fait de date et plus on a pris de plaisir, appris à apprécier. Maintenant ça fait partie intégrante de la composition.

Azuleski : On vient du DJing, on fait une musique électronique très dansante. Le live est un peu une finalité dans tous les projets musicaux. C’est un label un peu à part où on n’est pas spécialisé dans un seul style de musique, mais par contre on est sur des artistes qui ont une logique de développer leur musique sur scène donc tu y penses forcément. Comment amener cette musique sans que ce soit chiant sur scène. Voir un mec tourner des boutons, ce n’est pas très excitant. Donc, il y a ce défi de rendre le spectacle intéressant à voir. Il faut une valeur ajoutée.

Votre indépendance vous a permis de naviguer dans les différentes phases de mutation de la musique ?

Sly : Je pense qu’effectivement qu’être un label indépendant te donne forcément une souplesse dans tout ce que tu fais. Tu choisis les timings, tu choisis de t’adapter aux nouvelles technologies ou pas. On ne connaît pas les pressions des maisons de disques. Nous sommes libres du choix de notre artwork jusqu’à notre musique en live.

Fred : Et libre financièrement. Chinese Man a été un peu précurseur dans le spectacle, autant dans le visuel que dans la musique. Ça a été un pari, qui aurait été plus difficile à faire ailleurs, ça a d’ailleurs été repris par pas mal de monde. Le côté de l’indépendance il est là, faire des choix qui sont basés sur la créativité et les envies plutôt que la rentabilité. On a la chance que parfois les envies soient rentables.

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Beaucoup de gens connaissent le groupe Chinese Man mais peu vous connaissent individuellement, c’est aussi ça votre force ? D’être un groupe ?

Sly : C’est sûrement une force, mais c’est avant tout une volonté. On n’avait pas envie de mettre les personnalités de chacun en avant. Comme c’est un collectif, n’importe qui peut faire partie de Chinese Man Records. On a gardé cette idée de ne pas se mettre en avant et c’est pour ça qu’on a créé ce personnage de Chinese Man, pour se cacher un peu derrière cet être mystérieux.

Fred : Il y a d’ailleurs des gens qui ne savent pas qu’il y a trois personnes derrière. Le propos c’est la musique et le projet.

Sly : C’est assez confortable, on peut se promener à Marseille. Et même les gens qui nous reconnaissent, ce qui est rare, ça reste un rapport très simple. Les gens ont adhéré à l’aventure plutôt qu’aux gens, à une personnalité.

Vous vous êtes rencontrés à Aix, mais vous vivez à Marseille ?

Fred : Ouais, on a créé un petit monde près de la Plaine. 80 % d’entre nous vivent dans ce quartier. Ceux qui vivent à Marseille sont les uns à côté des autres, et on se voit tous les jours. Il y a un côté assez familial dans la façon dont fonctionne le projet. Et ça transparaît sûrement.

Sly : Marseille nous correspond plus. Comme beaucoup dans la région, tu fais tes études à Aix et après tu choisis. Ce n’est pas du tout le même univers, le projet était plus lié à une mixité comme Marseille. C’est sympa de passer à Aix, mais le projet n’aurait pas été le même.

Sur cet album il y a beaucoup des membres du label, la fidélité, l’esprit de famille sont importants chez vous ?

Fred : L’idée était de faire un projet collectif avec les gens qui sont dans le label ou gravitent autour depuis quelques années. C’est l’ADN du truc.

Sly : C’est dû au fonctionnement du label. On n’a pas des moyens énormes donc quand un artiste vient avec son projet, il sait que ce sera plus long que dans une maison de disques. Les artistes s’imprègnent de l’esprit du label, et ça crée une fidélité par la force des choses. Tu ne viens pas sur Chinese man pour faire un album et partir.

Fred : C’est un album commun fait à trois groupes. Il y avait la volonté de garder ça avec des artistes qu’on connaît vraiment. L’album a été créé de façon très spontanée et c’est ce qu’on a voulu garder. Si on avait demandé des fetauring avec des gens à distance qu’on ne connaît pas trop, ça aurait compliqué de garder la spontanéité qu’on a misée dans les beats.

Dans cinq ans, on fête les 20 ans de Chinese Man ?

Fred : Tu es venu avec des questions qui font réfléchir (rires).

Sly : En général on sait à peu près ce qu’on va faire dans les 2-3 ans.

Fred : On se repose peu sur l’existant, on essaye toujours de faire un truc nouveau. Dans le label, c’est pareil. On essaye d’envisager collectivement, de confronter les idées, chercher des nouvelles dynamiques et évoluer pour ne pas rester dans ce qu’on sait faire. Oui dans 5 ans il y aura quelque chose, a priori une aventure toujours commune avec la majorité des gens. Et sûrement dans une façon un peu différente. Ça fait 2 ans qu’on est dans cette démarche de recherche du futur. Notamment parce qu’on change de lieu, de bureau. L’idée c’est de réunir ce qu’on a jamais eu pour l’instant, des studios, un espace de repet, des bureaux, inviter des gens, créer des nouvelles synergies. On est indépendant mais on ne veut pas se refermer sur nous-mêmes.

Azuleski : On a toujours des nouvelles idées, des fois ça s’ouvre plus sur le cinéma. Si un artiste fait toujours la même chose ça va être chiant, pour lui aussi. Avec Baja Frequencia, on a sorti un EP et un album, on réfléchit déjà à ce qu’on peut faire de nouveau.

Comment s’annonce votre tournée ?

Fred : On va faire la tournée des Smac, les gens ont payé pour voir ton spectacle donc c’est cool, ils sont curieux. On va pousser le truc de jouer à plusieurs groupes sur scène vu que l’album réunit trois groupes.

Sly : C’est un spectacle commun, qu’on avait commencé à faire sur la tournée des 10 ans et qu’on va pousser encore plus loin. Ce projet a permis de plus exploser les groupes, c’est quelque chose de nouveau.