Réalité augmentée : Les lentilles connectées ont-elles vraiment un avenir ?
VUE•Une entreprise américaine a présenté un prototype de lentilles connectées au CES 2020. Cette technologie pourrait-elle être commune dans le futur ?Kesso Diallo
L'essentiel
- Mojo Vision a profité du CES à Las Vegas pour dévoiler son prototype de lentilles connectées.
- D’abord destinées aux personnes malvoyantes, elles devraient ensuite être aussi utiles aux entreprises et au grand public.
- Avec cette technologie, l’entreprise veut remplacer les smartphones.
Pour Mojo Vision, le monde est prêt pour les lentilles connectées. Cette entreprise américaine a présenté son prototype au CES 2020, où plusieurs médias ont pu le tester à l’aide d’un casque de réalité augmentée. Son objectif est de réduire notre dépendance aux écrans. Vous pourriez par exemple regarder le coin de votre œil afin d’activer une interface vous disant pourquoi votre portable a vibré au lieu de le sortir en plein milieu d’une conversation. « Nous voulons créer une technologie qui vous permet d’être vous-même, qui vous permet de vous ressembler. Elle ne change pas votre apparence et ne vous fait pas agir de manière étrange quand vous marchez dans la rue », a déclaré le cofondateur Mark Wiemer au média américain Wired.
L’entreprise veut permettre l’informatique invisible. « Mojo a une vision de l’informatique invisible où vous avez les informations que vous voulez, quand vous le souhaitez sans être bombardés ou distraits par des données lorsque vous ne le voulez pas », a expliqué le PDG Drew Perkins. Appelées Mojo Lens, ces lentilles sont équipées d’un minuscule écran permettant d’afficher des informations textuelles, de détecter des objets, de contrôler une interface ou encore de voir dans l’obscurité. Elles sont d’abord destinées à aider les personnes malvoyantes en affichant des superpositions améliorées du monde, en affinant les détails ou en zoomant pour leur permettre de distinguer les objets.
Le souvenir des Google Glass
Ces lentilles connectées pourront aussi être utiles aux entreprises et au grand public. Elles devraient être prêtes dans deux ans pour les personnes malvoyantes. Les autres devront attendre encore un peu. « Les lentilles, c’est encore plus compliqué que les lunettes connectées, explique Grégory Maubon, consultant indépendant en réalité augmentée. Il faut miniaturiser, résoudre le problème qui est aujourd’hui quasiment insoluble de la batterie, mais aussi trouver la bonne énergie pour ça, la stocker et la produire. Étant donné que c’est extrêmement compliqué, c’est plus facile de restreindre le périmètre d’usage et de d’abord cibler les personnes qui ont un besoin spécifique et qui pourront trouver un bénéfice clair : améliorer la vision. ». Mais le monde sera-t-il prêt à se mettre des lentilles connectées sur les yeux à ce moment-là ?
Les entreprises technologiques sont, depuis plusieurs années déjà, nombreuses à vouloir remplacer le smartphone par des lunettes ou des lentilles connectées. « L’objectif de passer du smartphone aux lunettes connectées, c’est de libérer les mains et de ne pas voir le monde à travers la petite fenêtre du smartphone », explique Grégory Maubon. Cependant, les premières tentatives n’ont pas marché. Les actionnaires de Google se rappellent encore l’échec cuisant de ses Google Glass dans les années 2010. Fonctionnant avec un smartphone, elles permettent d’utiliser des applications qui y sont installées, notamment les services du géant comme Maps ou Agenda. Il est également possible de recevoir des notifications pour les SMS et les mails, de prendre des photos ou de filmer avec la caméra intégrée. Les Google Glass se sont cependant révélées peu pratiques, notamment à cause d’applications trop peu nombreuses, mais aussi inquiétantes par rapport à la vie privée. La caméra pouvait en effet être déclenchée discrètement avec une commande vocale ou même un simple clignement de l’œil. Par ailleurs, avec un prix de 1 500 dollars, elles n’étaient pas accessibles à tous et le design était plutôt laid.
Remplacer le smartphone
Les Google Glass, initialement destinées au grand public, sont aujourd’hui conçues pour les entreprises. Et il y a une raison à cela d’après Grégory Maubon : « Aujourd’hui, chez le grand public, la réalité augmentée s’utilise à 99,9 % avec des téléphones et des tablettes. Or, les tablettes ne sont pas très pratiques et l’écran est petit avec les portables. La réalité augmentée a pour vocation de mettre à disposition des informations plutôt visuelles, mais dans un contexte de réalité. » Un peu comme si on voyait à travers une petite fenêtre en utilisant un téléphone. Aujourd’hui les entreprises comme Google ou Microsoft veulent rendre la réalité augmentée plus naturelle avec un outil que l’on peut oublier. Cela sera encore plus simple avec des lentilles, mais il est possible que cela gêne les personnes en face de vous de ne pas savoir ce que vous regardez.
Actuellement, le monde n’est pas prêt pour cette technologie comme l’explique le conseiller indépendant en réalité augmentée. « Vous mettez quelqu’un dans la rue avec des lunettes de réalité augmentée, il est encore vu comme un extraterrestre, donc vous imaginez avec des lentilles… En revanche, l’acceptation pourrait aller très très vite si le bénéfice est très clairement expliqué ». Il est, autrement dit, nécessaire d’expliquer aux personnes qui ne souffrent pas de déficiences visuelles, ce qu’ils pourraient tirer des lentilles connectées. Bien que ces dernières ne soient pas encore sur le marché, la communication se transforme, nous verrons dans deux ans si elles permettent d’améliorer la vision des personnes malvoyantes et, plus tard, de remplacer les smartphones.