« A la sortie de l’album, j’ai été récompensée par les gens et j’ai compris que j’avais ma place », confie Angèle
MUSIQUE•A l'occasion de la sortie ce vendredi de la réédition de son album « Brol » et à quelques jours de la reprise de sa tournée, la chanteuse s’est confiée auprès de « 20 Minutes » sur cette année 2019 couronnée de succèsPropos recueillis par Clio Weickert
L'essentiel
- Ce vendredi, Angèle présente l’album « Brol, la suite », la réédition de son premier album.
- Dans quelques jours, la chanteuse reprendra sa tournée, notamment dans de nombreux Zéniths de France.
- Disque de diamant, Victoires de la musique, nominations… Angèle s’est confiée auprès de « 20 Minutes » sur cette année 2019 couronnée de succès.
Que de chemin parcouru depuis le succès de la Loi de Murphy en 2017, et depuis que nous l'avions rencontré la même année à Bruxelles, aux balbutiements de sa carrière. Désormais, Angèle s’est fait un nom, hors de sa Belgique natale, et s’est émancipée de l’étiquette « la sœur de Roméo Elvis ». L’an dernier, elle a sorti un premier album, Brol, qui en dix mois à peine s’est vu certifier disque de diamant. Elle a multiplié les dates de concerts, les couvertures de magazines et les articles dans la presse, et a été récompensée de deux Victoires de la musique en février dernier, dont celui de « l’album révélation de l’année ».
Mais Angèle n’en a pas fini avec 2019. Ce vendredi, elle présente Brol, la suite, la réédition de son album, avec six nouveaux titres et une nouvelle version de Ta Reine. Samedi elle recevra peut-être un NRJ Music Award, puisqu’elle est nommée dans quatre catégories, dont « artiste féminine francophone de l’année ». Enfin, elle reprendra sa tournée dès la mi novembre où elle enflammera notamment de nombreux Zéniths à travers la France. A l’occasion de la sortie de sa réédition, la chanteuse s’est confiée auprès de 20 Minutes sur cette folle année.
La réédition de « Brol », c’est un passage obligé ? Pourquoi ne pas avoir plutôt sorti un nouvel album ?
Je ne me voyais pas du tout sortir un nouvel album aussi vite. Un album c’est vraiment une histoire, une entité, il y a une cohérence et je ne me voyais pas changer d’histoire. Quand j’étais sur scène, ça me manquait parfois de ne pas avoir de nouveaux titres. J’en ai écrit à partir de janvier, sans trop me poser de questions. Je suis repartie en studio assez vite et je me disais que je les verrais bien sortir maintenant. Une réédition était une manière de pouvoir continuer à parler de Brol. Il ne s’était pas écoulé assez de temps pour déjà passer à autre chose. Je n’ai pas du tout réfléchi au deuxième album, ce sera peut-être un tout autre style, je vais peut-être commencer à faire du métal, je ne sais pas.
En septembre, tu as présenté le clip de « Flou », dans lequel tu revenais sur tous ces bouleversements dans ta vie. Tu ressentais le besoin de faire le point ?
Ce qui est marrant, c’est qu’il s’agit d’une chanson écrite il y a plus d’un an, à une période de ma vie où je n’étais pas du tout au même stade. Mais finalement, j’avais déjà un succès anormal par rapport au peu de temps de carrière que j’avais eu. Un an et demi plus tard, c’est tout autant d’actualité. Si j’avais imaginé ce qui m’attendait ! La difficulté quand j’ai écrit Flou, c’était que rien n’était certain, je me mettais une grosse pression parce qu’il y avait une attente assez importante. La pression a toujours été très intense mais j’ai l’impression que je le vis plus facilement aujourd’hui parce que ce n’est plus nouveau, je commence à m’habituer à tout ça, et je kiffe en fait ! J’ai eu l’occasion de faire des salles plus grandes, dans des meilleures conditions, je peux mettre davantage de budget dans des concerts et tout ça est beaucoup plus agréable et excitant, et à la hauteur de l’attente. J’ai plus d’expérience aussi.
Tu as l’impression d’avoir plus de légitimité ?
Complètement. Ça fait deux ans que La loi de Murphy est sortie. C’était alors une période compliquée parce que je me souviens justement que je ne trouvais pas ma légitimité, j’avais toujours besoin de comprendre quelle était ma place. D’autant plus que j’avais débarqué de manière super-étrange, via les réseaux sociaux. Aujourd’hui, tout le monde commence par ça mais il y a deux ans c’était différent. En plus de ça, j’assurais les premières parties du rappeur Damso, c’était assez difficile de trouver ma place parce que je faisais de la musique pop avec des chansons qui parlaient d’amour et de choses assez légères. Au fond de moi je m’y retrouvais parce que je savais très bien pourquoi je le faisais mais c’est vrai que j’avais toujours l’impression de m’excuser d’être là quand j’étais sur scène. Il y avait aussi le fait que mes parents étaient artistes, comme si ça m’enlevait du crédit, avec beaucoup de raccourcis sur le fait que j’étais là forcément grâce à eux, alors que pas du tout. Il y a eu pas mal d’étapes à franchir avant que je sois évaluée avec les bons éléments. Il y avait également tout le sexisme ambiant du milieu de la musique, être une jeune femme et commencer à devenir connue, c’était un truc qui me tombait dessus. Un an plus tard, lors de la sortie de l’album, je me sentais déjà plus légitime et aujourd’hui j’ai vu que j’en valais la peine, que tout se passait bien. J’ai été récompensée par les gens et j’ai vraiment compris que j’avais ma place.
En parlant de récompenses, tu es nommée dans quatre catégories aux NRJ Music Awards. Ce serait un bon complément à tes Victoires de la musique ?
Je ne sais pas s’il faut parler de complément parce que je ne vois pas ça comme une collection, pour moi c’est vraiment du bonus ces récompenses-là. C’est étrange de récompenser une personne parmi d’autres, c’est un peu bizarre de mettre des gens dans la même catégorie alors qu’en fait chaque personne a une histoire différente. Quand on reçoit une récompense, il ne faut pas penser que c’est pour autant acquis. Le côté positif là-dedans, c’est que quand on reçoit un prix on a l’occasion de remercier les gens dont on ne parle jamais, ou très peu, et c’est ça le plus important pour moi. C’est hyper gratifiant mais tout le monde mériterait de le gagner.
Le premier titre de la réédition de « Brol » que tu as dévoilé est « Perdus », dans lequel certains ont vu un lien direct avec ta vie perso… Pourquoi avoir choisi ce titre en particulier pour revenir ?
Ça aurait pu être n’importe lequel. Tous les morceaux parlent de choses super-personnelles, chaque chanson de Brol est très intime. Maintenant que je suis devenue connue et que j’ai beaucoup dévoilé ma vie privée, les gens peuvent faire des liens, mais ce n’est pas tellement ça. Dans mon cas, c’est très rare que les choses soient préméditées. Nous avions gardé contact avec Colors [une chaîne YouTube de sessions live] depuis Ta Reine, et quand ils ont su qu’on allait faire une réédition on en a discuté et il s’est avéré que le titre qu’ils aimaient beaucoup était Perdus.
Tu as également choisi de réorchestrer « Ta reine », autour d’un amour entre deux femmes. Pourquoi cette chanson-là en particulier ? Pour une thématique qui te tient particulièrement à cœur, ou pour des choix artistiques ?
Bien sûr le texte me tient à cœur, mais comme tous. C’est une ballade et il n’y en a pas beaucoup dans Brol. J’avais été invitée dans une émission de télé où il fallait que je reprenne une chanson en version symphonique. Il s’avère que Ta Reine était celle qui marchait le mieux parce que mélodiquement elle avait le plus de variantes et de nuances. On avait beaucoup travaillé sur cet arrangement et je trouvais que ça valait la peine de creuser. On l’a fait rejouer par un orchestre. Je suis très contente du résultat parce que ça m’a fait du bien de revenir vers quelque chose de plus proche de mon enfance. Quand j’étais petite j’étudiais la musique classique et ça m’a vraiment émue parce que ça m’a rappelé beaucoup de choses.
Tu présentes un feat. avec Kiddy Smile, un artiste queer très engagé. Une manière pour toi de rencontrer un univers différent du tien ?
C’est une figure très importante du milieu queer et j’avais très envie de le faire chanter sur mon album parce que j’aime beaucoup ce qu’il fait. C’est un artiste que je suis et que j’aime beaucoup. J’ai eu l’occasion de le rencontrer et il y a eu un vrai feeling entre nous deux, on est devenu super copains. Je l’avais invité à mon Olympia et lui à sa Cigale. On s’est tellement amusé qu’on s’est dit qu’il fallait qu’on fasse un truc ensemble. Un soir en prenant un verre, il m’a raconté une histoire d’amour qu’il vivait, qui était très compliquée, et le soir même ou le lendemain j’ai commencé à écrire sur cette histoire. C’est comme s’il était venu dans mon monde. Moi, j’adorerais aller dans le sien.
En termes d’engagement, « Balance ton quoi » a reçu un accueil incroyable cette année. Comment as-tu vécu le fait de devenir une icône ou une porte-parole féministe pour toute une génération ?
Il faut remettre ça dans son contexte. Quand j’ai écrit la chanson il y a deux ans, j’étais une jeune fille avec moins d’expérience et de connaissances. Je l’ai écrit de manière très naïve et finalement assez légère. J’étais évidemment intéressée par ces questions-là mais je n’avais jamais vraiment été plus loin, je ne m’étais pas encore instruite, c’était le sexisme vu par une jeune fille de 21 ans. Entre-temps j’ai grandi. Dans la société, cette question-là – du harcèlement, du sexisme au travail – a évolué. Ces sujets ont été mis en avant grâce aux mouvements #Metoo et #BalanceTonPorc et je me suis rendu compte que, finalement, je n’y connaissais pas grand-chose. J’ai éprouvé le besoin de m’y intéresser davantage. C’est là que les réseaux sociaux ont eu un vrai rôle, il y a plein de comptes Instagram qui parlent de ça. Les médias aussi m’ont aidéE à me faire ma propre bibliothèque à ce sujet. J’ai compris plein de choses, et notamment que dans ma chanson j’avais manqué de précision. C’est marrant parce que Charlotte Abramow [la réalisatrice du clip] me demandait si je me verrais réécrire une chanson qui parle de féminisme. Oui clairement mais pas aujourd’hui parce que je suis seulement en train de comprendre certaines choses. Je vois beaucoup plus loin dans le féminisme désormais et je pense qu’il faut que je comprenne beaucoup mieux ce sujet pour en reparler.
On t’a reproché des inexactitudes dans cette chanson ?
Ce qui est presque inquiétant c’est qu’absolument personne dans les médias ne m’a reproché de manquer de précision, c’est moi qui me suis rendu compte qu’il y avait certaines choses dont je ne parlais pas. Ou peut-être que j’en parlais, mais de manière assez imprécise. En me renseignant sur tel et tel sujet, je me suis dit que je ne parlais pas de ça dans ma chanson alors que c’est censé être un état des lieux du sexisme. En fait c’en est un, mais à travers les yeux d’une fille de 21 ans qui est plutôt issue d’un milieu privilégié. Je suis hyper chanceuse parce que je trouve qu’il y a une bienveillance générale de la part des médias et du public. Je reçois assez peu de remarques négatives même s’il y en a parce qu’on est dans un monde où on est confronté à tout ce que pensent les gens de nous, mais c’est assez léger et je me rends compte que je suis vachement épargnée.
Des paroles de ta chanson ont été reprises sur des banderoles homophobes par des supporters de foot cet été lors d’un match Metz-PSG. Comment as-tu réagi ?
Je l’ai vu passer mais je ne me suis pas vraiment attardée. Je trouve ça hyper nul mais je pense que ça ne vaut pas la peine de commenter. C’est tellement énorme que ce serait faire un cadeau aux homophobes que de leur dire « ah non c’est ma chanson » ! Je pense que ma chanson est beaucoup plus entendue dans sa version initiale que sur une banderole où ça va faire parler pendant quelques jours d’une polémique. Et je pense que tout le monde sait ce que je pense de l’homophobie. Mais j’avoue que je n’étais pas trop au courant, je n’ai pas vraiment suivi. J’essaye de me protéger aussi de ce genre de choses, si je commence à faire attention à tout ce qui va se dire et tous les sujets dans lesquels mon nom va être écrit, je pense que je perdrais la tête, donc je ne vais pas trop m’attarder sur ces choses-là.
Comment vois-tu l’avenir ? Tu veux rempiler ou te poser un peu ?
Il y a un jour où je vais devoir dormir ! Je n’ai aucune idée de ce qui va suivre après, je ne sais même pas exactement quand finira la tournée, toutes ces questions sont assez floues pour le moment. Ce que je sais ? c’est que petit à petit je vais quand même me retirer, pour moi mais aussi pour les gens, pour tout. Après j’ai l’intention de faire un deuxième album mais je ne sais absolument pas quand, là je suis très impliquée et occupée par la reprise de la tournée, par la réédition, et par tout ce qui va avec. Ça demande énormément d’énergie, je verrais plus tard ce que je voudrais.