BDCinq anecdotes sur Philippe Tome, le scénariste du Petit Spirou

Petit Spirou : Le scénariste de BD Philippe Tome raconté par cinq anciens collègues

BDPour la sortie ce vendredi de « La vérité sur tout ! », le 18e tome du Petit Spirou, « 20 Minutes » a recueilli les souvenirs marquants des collaborateurs et proches de son scénariste, Philippe Tome, disparu début octobre
Alexis Orsini

Alexis Orsini

L'essentiel

  • Avant sa disparition soudaine, début octobre, Philippe Tome avait achevé le dernier album du « Petit Spirou » avec son complice de toujours, Janry.
  • Pour la sortie de « La vérité sur tout ! », le 18e album de la série, « 20 Minutes » revient les souvenirs de travail marquants de ses plus proches collaborateurs.
  • Plongée dans les coulisses de création du « Petit Spirou », de « Soda » ou encore de « Berceuse assassine ».

Spirou & Fantasio, Le Petit Spirou, Soda, Berceuse assassine, Sur la route de Selma… En plus de trente ans de carrière, Philippe Tome a marqué de son empreinte le monde de la bande dessinée franco-belge grâce à ses scénarios mémorables, servis par une narration particulièrement maîtrisée.

Le scénariste belge, décédé soudainement le 5 octobre, était toutefois le premier à attribuer son succès aux dessinateurs de talent ayant donné vie à ses différents albums. Qu’ils aient fait rire les lecteurs à travers des gags ou les aient plongés dans l’ambiance d’un polar captivant, les différents collaborateurs de Tome racontent à 20 Minutes leurs souvenirs mémorables de travail à ses côtés.

Un extrait de gag du Petit Spirou.
Un extrait de gag du Petit Spirou. - Tome & Janry/Dupuis

Alain de Kuyssche, le rédacteur en chef du Journal de Spirou qui a recruté Tome (et Janry) au début des années 1980

« Tome débordait d’idées, il était tellement "inattendu" dans un monde de la bande dessinée qui, à l’époque, s’engourdissait un peu. C’est ça qui me l’a rendu fort sympathique, en plus du personnage en lui-même, il avait une forme d’engagement qui rappelait les grands noms de la BD : Franquin, Roba, Peyo, Morris, etc. », se souvient Alain de Kuyssche.

Ravi du travail réalisé par Tome & Janry sur la page de jeux « Jeureka », le rédacteur en chef n’hésite pas à leur donner leur chance quand vient le moment de désigner un repreneur à Spirou & Fantasio : « Je leur avais dit : "Vous pouvez reprendre Spirou mais à condition qu’on en ait chaque semaine dans le journal". La main sur le cœur, ils m’ont juré tous les deux que ce serait le cas. Et environ trois semaines après, c’était déjà fichu ! Mais c’était très fréquent dans un journal de BD, et leurs retards étaient dus à leur souci de perfection. »

Un extrait de l'album Vito la Déveine.
Un extrait de l'album Vito la Déveine. - Tome & Janry/Dupuis

Janry, dessinateur de Spirou & Fantasio (de 1982 à 1998) et du Petit Spirou :

Y avait-il un peu de Tome & Janry chez Spirou et Fantasio dans Vito la déveine, un album dans lequel le héros tente tant bien que mal de remonter le moral de son meilleur ami, victime d’un gros coup de blues ?

« Dès que Tome m’a proposé ce sujet, j’ai compris qu’il voulait utiliser la dépression de Fantasio pour s’adresser à moi, vu que je vivais un divorce pénible à l’époque. Je ne sais pas si l’intention de Philippe était thérapeutique mais ça a été une façon de dédramatiser un peu cet évènement-là, confie Janry. Et c’est arrivé très régulièrement : il s’est inspiré du fait que ma mère souffrait de la maladie d’Alzheimer pour créer la grand-mère du Petit Spirou et en tirer un ensemble d’anecdotes qui permettaient, grâce à l’humour, de donner une certaine légèreté à une situation pénible. »

Un extrait du treizième tome de la BD Soda.
Un extrait du treizième tome de la BD Soda.  - Philippe Tome, Dan Verlinden/Dupuis

Dan Verlinden, assistant de Tome & Janry sur Le Petit Spirou et dessinateur de Soda

S’il travaillait aux côtés de Tome depuis de longues années, Dan Verlinden a mis du temps à s’habituer à l’une de ses particularités : « Quand je travaillais sur une page, il me disait toujours : "Tu ne veux pas que je te raconte ce qu’il y a dans la suivante ?" Au début, ça me dérangeait un peu, parce que j’étais encore à fond sur la page précédente. Et puis j’ai fini par comprendre pourquoi il faisait ça : pour me sonder, pour glaner quelques idées de dernière minute avant d’entamer la mise en page définitive de la planche d’après. »

La technique a toutefois rapidement fait ses preuves : « C’était un échange permanent, comme une sorte de match de ping-pong. Il était obsédé par l’idée de coller à l’esprit de son dessinateur, il posait dix mille questions et parlait beaucoup pour s’assurer que le résultat final corresponde vraiment à ce qui me colle le plus à la peau. »

Un extrait du premier tome de Berceuse assassine.
Un extrait du premier tome de Berceuse assassine. - Philippe Tome, Ralph Meyer/Dargaud

Ralph Meyer, dessinateur de la trilogie Berceuse assassine

Recruté par Tome au dessin de sa trilogie la plus sombre alors qu’il venait lui présenter ses planches de débutant, Ralph Meyer a vite dû s’imprégner de l’ambiance de New York : « On a beaucoup discuté de la façon de représenter la ville, en partant du principe qu’un film de Scorsese sur New York ne montre pas du tout la même ville qu’un film de Woody Allen sur New York. Notre référence cinématographique, c’était vraiment Quentin Tarantino et Reservoir Dogs, mais aussi Taxi Driver dans la manière de représenter les rues. »

La narration singulière de la trilogie, couplée à la méthode de travail atypique de Tome, l’a logiquement confronté à quelques obstacles : « Ce qui a été particulier, c’était de raconter le même récit d’un point de vue différent sur trois volumes. Vu que le scénario était fait au compte-gouttes, je me suis retrouvé à dessiner une scène, dans le deuxième tome, où il faisait rentrer un personnage par une porte qui n’existait pas dans le premier volume… »

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Gérard Goffaux, dessinateur d’un thriller encore inédit coréalisé avec Tome

Gérard Goffaux avait beau connaître Tome depuis des décennies, il a longuement hésité avant de se lancer, en 2011, dans un album à ses côtés : « Avec Philippe, c’était impossible de travailler comme avec n’importe qui d’autre. Quand on collaborait avec lui, on ne pouvait que dessiner pour lui parce que ça prenait tout notre temps : s’il n’avait pas l’inspiration, il ne travaillait pas. »

« Quand je l’ai appelé, il y a huit ans, il avait pris une espèce de pré-retraite. Il vivotait sur des gags du Petit Spirou de temps en temps mais il n’avait plus trop envie de se lancer dans des longs scénarii. Le fait d’avoir été l’embêter, de le repousser dans ses derniers retranchements pour qu’il se mette sur une histoire réaliste lui a fait reprendre goût à tout ça. C’est notamment pendant qu’on travaillait sur cette BD qu’il a décidé de refaire un épisode de Soda, il me disait souvent : ‘C’est grâce à toi, tu m’as réveillé !’ »