NANTESL'Amazonie brûle, une expo met en lumière ceux qui y (sur)vivent

Incendie en Amazonie: Pendant que la forêt brûle, une expo met en lumière ceux qui y (sur)vivent

NANTESVisible depuis mi-juin au château de Nantes, l'exposition « Amazonie, le chamane et la pensée de la forêt » prend encore plus de sens depuis quelques jours
Julie Urbach

Julie Urbach

L'essentiel

  • Quelque 350 objets et une cinquantaine de documents audio-visuels relatifs à la culture des Amérindiens sont proposés depuis mi-juin au château de Nantes, dans le cadre de l'exposition « Amazonie, le chamane et la pensée de la forêt »
  • « La déforestation est un problème écologique mais a aussi de lourdes conséquences sur les populations », explique une médiatrice de l'exposition.

Elle a ouvert ses portes il y a deux mois mais prend encore plus de sens depuis quelques jours. Alors que la forêt amazonienne est en proie à de violents incendies, une exposition au Château des ducs de Bretagne, à Nantes, s’intéresse à ceux qui la peuplent. Intitulée « Amazonie, le chamane et la pensée de la forêt », cette expo « politique » vise à mettre en lumière « l’ethnocide » qui se déroule en Amérique du sud. « La déforestation est un problème écologique mais a aussi de lourdes conséquences sur les populations », assure Catherine Nicolas, médiatrice au château.

Si 2.000 communautés amérindiennes ont habité cette forêt qui s’étale sur neuf pays, elles ne seraient plus que 350 aujourd’hui. La faute à des épidémies importées mais aussi à la déforestation du « poumon vert de la planète », qui remonte au 16e siècle, dès la conquête européenne. Les convoitises attisées par le bois – d’abord utilisé pour en faire de la teinture, puis pour en extraire le caoutchouc – ont obligé les populations à se déplacer régulièrement pour leur survie, notamment pour trouver les singes, toucans ou tatous dont ils se nourrissent. Pour autant, les mythes et autres rites de ces peuples ne se sont pas totalement éteints. C’est la richesse de cette culture que l’exposition, venue du musée d’ethnographie de Genève (Suisse), raconte.

Le chamane, médiateur entre les esprits

Grâce à 350 objets et une cinquantaine de photos et de films, on devient, comme les Amérindiens, des « animistes ». « De la forêt, au petit cloporte, en passant par l’Homme ou même les objets, les animistes estiment que tout a une âme, explique Catherine Nicolas. Ils ne considèrent pas l’Homme comme supérieur aux autres, mais pensent qu’il faut que tout le monde se parle pour pouvoir cohabiter. »

Pour discuter avec les esprits (ou les repousser), on utilise toutes sortes d’instruments de musique, et notamment des flûtes. « C’est au chamane, sorte de chef de village, que revient cette tâche, continue la médiatrice. Une fois transformé, à l’aide de peinture corporelle ou de coiffes, il doit entrer en transe pour sortir de son corps, à l’aide de psychotropes. Le tabac utilisé est 50 fois plus fort que celui que l’on trouve dans les cigarettes. »

Si peu de rivalités s’expriment entre ces différents clans, chacun d’entre eux cultive ses différences. D’un peuple à un autre, la signification des couleurs n’est pas la même. Chacun a ses rites, qui évoluent constamment notamment avec l’arrivée des nouvelles technologies. L’un d’entre eux, le rituel du Maraké, attend notamment son inscription au patrimoine mondial de l’Unesco. « Chez les Wayanas, qui vivent en Guyane, on pose des fourmis urticantes sur le corps des jeunes pour symboliser le passage de l’enfance à l’adulte », explique Catherine Nicolas. Les étapes de la vie donnent fréquemment lieu à des cérémonies. « On attend que l’enfant ait un an pour lui donner un nom et lui percer le nez, illustre la médiatrice. Vers six ans, on donne le deuxième nom et on perce les oreilles. A la puberté, on peut passer au labret. »

Le combat du chef Raoni

Pourquoi ces pratiques ? « Les Amérindiens disent qu’elles permettent d’étendre leurs sens et notamment l’ouïe, qui est celui que l’on développe le plus dans cette forêt dangereuse et très dense. Le plateau labial, comme l’explique le chef Raoni, vise à faire porter le plus loin possible sa voix et son message ».

Grande figure de la lutte pour la préservation de l’Amazonie, évidemment présente dans l’exposition, le chef indigène kayapo a parcouru l’Europe au mois de mai, après l’arrivée en janvier à la présidence du Brésil de Jair Bolsonaro. En un an, la déforestation a augmenté de 88 % au Brésil. « D’autres problèmes environnementaux se posent, comme la pollution de l’eau au mercure, utilisé pour l’extraction de l’or, indique Catherine Nicolas. On sait que cela cause des malformations chez les enfants. »

Au Château des Ducs de Bretagne, à Nantes. Jusqu’au 19 janvier. Plein tarif : 8 euros.