VIDEO. Toulouse: Pourquoi la vente d'un mystérieux tableau attribué au Caravage (et retrouvé dans un grenier) est un événement
ART•Le 27 juin, un tableau attribué au Caravage et retrouvé dans un grenier toulousain pourrait exploser les compteurs. Estimation, querelles d'experts, anecdotes... 20 Minutes vous dit tout sur ce «Judith» qui crée l'événementHélène Ménal
L'essentiel
- Un tableau attribué par des experts au Caravage sera vendu aux enchères à Toulouse le 27 juin.
- Il a été retrouvé par hasard en juin 2014 dans un grenier de la Ville rose.
- Mis à prix à 30 millions d’euros, il pourrait monter bien plus haut.
- En attendant de savoir, les curieux peuvent l’admirer gratuitement.
Il y a quelques années, des cambrioleurs sont passés à côté, façon pieds nickelés. Alors qu’ils « visitaient » le grenier d’une demeure toulousaine du XIXe siècle, ils ont dédaigné une toile poussiéreuse, négligemment posée au sol, dont le bas était presque décoloré par une infiltration de pluie. Ce tableau est aujourd’hui attribué par plusieurs experts mondiaux au grand Caravage et sera vendu aux enchères le 27 juin à la Halle aux grains de Toulouse.
On vous dit tout sur ce «Judith et Holopherne» qui pourrait atteindre les 150 millions d’euros et que beaucoup hésiteraient à accrocher dans leur salon vu que c’est une scène de décapitation.
L’incroyable découverte
« C’est comme vivre un rêve ». Marc Labarbe, le commissaire-priseur toulousain qui vendra le tableau et l’a découvert ne se remet toujours pas du jour où, dans un restaurant et avec ménagement, Eric Turquin, expert en tableaux anciens, lui a annoncé que le tableau qu’il lui avait soumis était un Caravage.
« Je l’ai trouvé le 23 juin 2014, se souvient Marc Labarde. C’était chez un ami dont cela faisait un certain temps que nous vidions le grenier. Je l’ai d’ailleurs fait attendre plus d’un mois ». « C’est un beau tableau que tu as là » a dit alors le commissaire-priseur à son client, pensant au moins que le cadre pourrait faire des heureux.
Le professionnel n’en dira pas plus sur cette famille, « ni riche, ni pauvre », qui « prend la situation de manière très sereine même s’ils aimeraient être délivrés de ce poids-là ». La famille descend d’un soldat de l’armée de Napoléon et le voyage de cet ancêtre à travers l’Europe est une des pistes pour expliquer l’arrivée dans la Ville rose du tableau.
Au fait, qui sont Judith et Holopherne ?
La toile, d’1,44 m sur 1,73, que les expertises scientifiques permettent de dater de 1607, représente une scène biblique. Judith, une veuve de la ville de la ville Bethulie, y décapite dans sa tente Holopherne, le général assyrien envoyé pour prendre la ville par le roi Nabuchodonosor. Elle commet son forfait libérateur sous le regard complice de sa servante Abra.
Ce qu’en disent les experts
Le Caravage, considéré comme le maître absolu du clair-obscur et boudé par l’histoire de l’art jusqu’en 1950, avait ce défaut qu’il ne signait pas ses œuvres. Il existe à ce jour 68 toiles authentifiées de sa main à travers le monde et beaucoup ont suscité des querelles d’experts. Il existe déjà à Naples un « double » de cette toile attribuée à Louis Finson, un peintre et marchand d’art flamand. Certains experts voient aussi la main de ce dernier dans le tableau de Toulouse. Pas Eric Turquin qui le considère comme l’original de la main du Caravage.
« L’exécution, les coups de pinceau qui font 80 cm, tout le monde ne sait pas faire ça. Dans ce tableau, il y a une virtuosité de la brosse », s’enthousiasme le sémillant Eric Turquin.
Qui peut l’acheter ?
« Les enchères partiront bas, à 30 millions d’euros, en espérant que ça monte », annonce Marc Labarbe, sans prendre de risque. Ceratins experts estiment que la toile peut atteindre entre 120 et 150 millions d’euros. Le commissaire-priseur reste discret sur les grandes fortunes qui se montrent intéressées. « Il y en a sur tous les continents », glisse-t-il sans se mouiller. Le Toulousain rêve tout haut que le « Judith de Toulouse » finisse un jour, grâce à un généreux collectionneur, accroché dans un musée. Ce ne sera pas dans l’immédiat un musée français puisque l’Etat a renoncé. « Il faut dire que les 30 millions de la mise à prix représentent une décennie d’acquisitions du Louvre », souligne, compréhensif, Marc Labarbe.