«Les femmes journalistes représentent 53 % des pigistes et seulement 19 % des directrices de rédaction», explique le collectif Prenons la une
INTERVIEW•Les Etats généraux des femmes journalistes, organisé par le collectif Prenons la une, aura lieu le samedi 13 à la Cité des sciencesMarie Leroux
L'essentiel
- Le collectif de femmes journalistes Prenons la une organise ses premiers Etats généraux samedi à Paris.
- L’objectif de l’événement est, au travers d’ateliers d’écoute, de proposer des mesures concrètes pour lutter contre les discriminations faites aux femmes dans les rédactions.
- Léa Lejeune, présidente du collectif, explique à 20 Minutes les attentes autour de ces Etats généraux.
Le collectif féministe de journalistes Prenons la une organise ce samedi, à Paris, ses premiers Etats généraux. Au cours d’ateliers, l’écoute des différents témoignages de femmes journalistes permettra de proposer des mesures concrètes pour lutter contre toutes les discriminations qu’elles subissent dans les rédactions.
Au programme, deux sessions d’ateliers permettant de mettre en lumière la diversité des oppressions auxquelles sont confrontées les femmes tout au long de leur carrière. Pour l’occasion, nous avons interrogé Léa Lejeune, présidente du collectif et organisatrice de l’évènement.
L’évènement est complet, toutes les places ont été vendues. C’est une satisfaction ?
Nous sommes très satisfaites ! Il y a environ 350 personnes dont la présence est confirmée. Ça montre un véritable engouement pour le sujet et ça fait très plaisir puisque nous le préparons depuis octobre dernier ! Ça montre aussi que les femmes ont besoin de parler de ce qu’elles vivent dans les rédactions surtout depuis la Ligue du LOL.
Les affaires de la Ligue du LOL, et plus récemment à France Info, qui ont montré comment étaient traitées les femmes dans certaines rédactions, pourraient-elles entraîner une meilleure considération des femmes journalistes ?
Il y a surtout eu un réveil chez les femmes journalistes, qui ont compris qu’elles pouvaient parler de ce qu’elles subissaient. Ces affaires ont secoué les rédactions et les directions de rédaction. Certains hommes n’ont pas eu de prise de conscience mais ils ont beaucoup plus peur de la répression maintenant qu’ils ont vu que des mesures concrètes ont été appliquées. Et nous, ces mesures concrètes, elles nous semblent très importantes mais ce qui l’est encore plus c’est de vérifier qu’elles sont bien appliquées. On veut que les femmes dans les rédactions aient un référent sur le harcèlement sexuel pour pouvoir se confier à lui et être écoutées. En règle générale, il y a un réveil d’opinion sur le sexisme et ça permet d’avoir un environnement plus agréable pour tout le monde dans les rédactions.
Y aura-t-il des hommes aux Etats généraux des femmes journalistes ?
Il y a quelques hommes inscrits pour la séance plénière mais puisque les ateliers concernent les femmes journalistes et leur vécu, il n’y a pas d’hommes dans les ateliers.
Sentez-vous une solidarité entre femmes journalistes ? Cette solidarité est-elle en évolution ces dernières années ?
Je pense que ça dépend des rédactions, il y en a certaines chez qui c’est toujours un peu difficile. Mais par exemple chez Prenons la une il y a une vraie sororité et une bienveillance, et c’est important. La sororité dans les rédactions ça permet de se sentir épaulée et d’avoir le courage de parler à des femmes qui comprennent ce qu’on peut vivre. Chez Libération aussi il y a une grande sororité, d’ailleurs les femmes journalistes organisent des réunions non-mixtes pour s’écouter entre elles et pouvoir témoigner librement et chercher des mesures efficaces pour réagir.
Le harcèlement dans les rédactions est-il au cœur des débats aujourd’hui ?
On en parlera, bien sûr, mais les Etats généraux ne sont pas centrés là-dessus. On organise plusieurs ateliers dans lesquels on va aborder des thèmes comme l’évolution de la carrière, les salaires trop bas, la difficulté à être journaliste dans un milieu masculin, le racisme, la maternité quand on est une femme journaliste. Tout ça est lié. On veut toucher au quotidien et à la vie professionnelle aussi. Quand on sait que les femmes représentent 53 % des pigistes et seulement 19 % des directrices de rédaction… Ça montre bien à quel point les femmes occupent les postes les plus précaires, et la précarité engendre du harcèlement puisque c’est une question de hiérarchie aussi.
Que pensez-vous de l’expression que l’on entend de plus en plus de « libération de la parole des femmes » ?
C’est vrai que la parole se libère mais c’est surtout parce que l’écoute se libère ! Après MeToo les femmes ont commencé à raconter ce qui leur était arrivé. Elles ne le faisaient pas avant car elles n’étaient pas écoutées, pas soutenues, elles étaient complètement isolées et je pense que de voir que d’autres sont entendues maintenant ça leur donne plus de courage pour oser parler.
Quel type de revendications va émerger de ces Etats généraux ?
Il y a quatre grandes revendications qui ressortent. On souhaite obtenir un bonus d’aide à la presse pour les journaux qui respectent la parité dans les rédactions. On veut instaurer un cours obligatoire dans les rédactions sur le sexisme dans le journalisme. On veut que tous les journaux soient obligés de faire le décompte des femmes présentes chez eux et qu’ils remettent ces chiffres, en prenant modèle sur le baromètre du CSA de la représentation des femmes à la télévision et la radio. Et puis la dernière mesure peut ne pas sembler très importante mais en réalité elle l’est beaucoup : on veut qu’il y ait un fond spécial pour le congé maternité pour les pigistes, comme pour les femmes qui sont intermittentes du spectacle.
Outre le cahier de doléances remis au ministère de la Culture, comment avez-vous prévu de médiatiser l’évènement, pour que même celles qui n’ont pas pu s’y rendre puissent être tenues au courant ?
Nous allons faire un live sur Facebook et poster les vidéos faites pendant les Etats généraux pour qu’elles restent consultables en permanence, ce sera sûrement à 17 heures ou 18 heures. Et puis le cahier de doléances est aussi pour les directions de rédaction, pas que pour le ministère. Le but des Etats généraux est de faire remonter le vécu des femmes journalistes puis de prendre des mesures concrètes. Le témoignage des femmes est le point de départ et est très important mais ce que nous cherchons c’est vraiment que des mesures soient prises et appliquées très concrètement. Toute l’année il y a des réunions, des conférences, des séminaires, mais il n’y a pas de mesures assez fortes qui en ressortent.