DZ-FRMédine, Lacrim... Les rappeurs (Franco-)Algériens font leur révolution

Soolking, Médine, Lacrim... Les rappeurs (Franco-)Algériens font leur révolution

DZ-FRSi le peuple algérien fait entendre sa voix ces dernières semaines, en France, l’Algérie résonne aussi de plus en plus à travers le rap
Clio Weickert

Clio Weickert

L'essentiel

  • Le rap de Soolking est encensé de part et d’autre de la Méditerranée.
  • Le rappeur fait-il désormais le trait d’union entre les scènes rap françaises et algériennes ?

«  «J’écris ça un soir pour un nouveau matin/Oui, j’écris pour y croire, l’avenir est incertain/Oui, j’écris car nous sommes, nous sommes main dans la main/Moi j’écris car nous sommes, la génération dorée ». »

Alors que des milliers d’Algériens ont battu le pavé ces dernières semaines au nom de la liberté, une voix en particulier s’est faite entendre. Celle de Soolking, 28 ans, qui a signé cette chanson (dont le clip cumule à plus de 33 millions de vues), reprise depuis comme un hymne en chœur par la jeunesse algérienne.

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Le rappeur fait aussi écho de l’autre côté de la Méditerranée, en France, où le rap domine l’industrie musicale, et où les artistes revendiquent de plus en plus leur attachement à leurs racines algériennes. « Quand Soolking sort un son, il a toute l’Afrique et toute la France derrière lui », résume le rookie RK à 20 Minutes, à l’occasion de la promo de son nouvel album Rêves de gosse (le 5 avril).

Soolking met tout le monde d’accord. Mais si lui explique « viser le monde », fait-il désormais le pont entre la France et l’Algérie, entre les deux scènes rap des deux pays ? Et peut-être plus largement, entre deux jeunesses ?

De « Tonton du Bled » à « KYLL »

Les rappeurs français n’ont bien entendu, pas attendu Soolking pour s’intéresser à l’Algérie, bon nombre d’artistes du rap game hexagonal étant d’origine algérienne. C’est le cas de Rim’K, membre du groupe 113, qui signe en 1999 la cultissime Tonton du Bled (on en profite pour lui souhaiter un joyeux anniversaire). Dans cette chanson, le rappeur relate son périple jusqu’à « Béjaïa City », et ses vacances au bled.

« « Sur la plage à Boulémat avec mon zinc et son darbouka/Dans la main un verre de Selecto imitation coca ». »

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« C’était le représentant des Algériens de France ou en tout cas, celui qui se positionnait en tant que tel, explique Merkus, directeur général du Bureau des artistes, et manager de plusieurs rappeurs dont Sofiane, Vald ou Sniper. Rim’K avait fait la jonction en samplant de la musique traditionnelle algérienne sur ce titre. D’autres se sont inspirés de ça, notamment Dj Medhi, qui avait utilisé beaucoup de samples traditionnels maghrébins. »

Fianso, Lacrim, Sinik… Depuis, de nombreux artistes n’ont pas hésité à revendiquer leurs origines. De façon affirmée comme L’Algerino, dont le blaze ne laisse aucun doute, ou de manière engagée comme Médine, qui au fil de ses albums a toujours mis un point d’honneur à parler de sa double culture. « C’est important pour présenter l’entièreté de ce que je suis, expliquait-il à 20 Minutes en janvier, lors de la promo de son Zénith parisien. Je ne suis pas qu’un rappeur musulman, de quartier. J’ai des sensibilités culturelles qui me viennent à la fois de ma grand-mère normande mais aussi de mes grands-parents qui viennent d’Algérie ».

Récemment, Médine a d’ailleurs tourné le clip de KYLL (en feat avec Booba), à Alger. La jeune génération suit également le pas, comme le rappeur des Hauts-de-France Krilino, qui a fait le buzz avec le morceau En direct d’Alger, et qui vient de présenter le clip de DZ power.

Des intérêts commerciaux et esthétiques

« Il y a un énorme marché par rapport à la musique, et juste avec la diaspora algérienne tu peux exister, précise Merkus. C’est donc devenu un fonds de commerce ». Une communauté qui n’hésite pas à porter haut ses talents. Le phénomène Soolking en est un bon exemple. « C’est un peuple qui donne tout quand il t’aime et qui te retire tout quand il ne t’aime pas. Et ça peut aller très vite, que ce soit dans un sens ou dans l’autre. Il y a une vraie ferveur, ce public est un peu excessif dans tout, dans le sport comme dans la musique. »

Au-delà de la dimension commerciale, il ne faut pas omettre l’intérêt esthétique. La culture algérienne infuse ainsi aussi bien les paroles des artistes que les sonorités de leurs titres. « Souvent, les artistes d’origines algériennes vont faire un clin d’œil sur un titre ou deux, en samplant et en faisant appel à des musiciens ou en utilisant des claviers avec des modulations particulières, qui font penser à ce qu’on entend dans le raï », explique le manager. Dans son dernier album sorti en février, Lacrim a notamment signé le titre Kounti avec Cheb Mami.

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L’incarnation du changement

Pas étonnant, dans ce contexte, que Soolking et son style si particulier fassent des ravages. Mélange de rap, raï, r’n’b, pop, « à la fois moderne et nostalgique », tel que la qualifie Médine, sa musique enthousiasme les foules, de part et d’autre de la Méditerranée. De quoi en faire le héraut d’une nouvelle génération ? « Soolking, c’est assez exceptionnel. C’est un mec de la banlieue d’Alger qui vient en France pour vivre non pas le rêve américain, mais le rêve français et qui arrive à devenir célèbre. Il insuffle de l’espoir à toute une génération », analyse Merkus. Et est-il le signe visible d’un pont entre deux cultures ? « Il y a peut-être de plus en plus d’échanges entre les deux pays, notamment grâce à Internet, répond le manager, ajoutant que des passerelles ont toujours existé. Des groupes algériens comme MBS ou Intik ont eu une caisse de résonance jusqu’en France, mais ils n’ont jamais eu ce succès populaire parce qu’il y avait la barrière de la langue. Maintenant que les mecs chantent en français, c’est plus facile de les comprendre. Et surtout ils ont leur propre style. Au même titre qu’il y a des styles bien marqués entre le rap français et le rap américain, la scène algérienne a son propre son. »

Des scènes bien distinctes donc, mais qui ont pour point commun la jeunesse, et des artistes qui défendent plus que jamais les échanges culturels. « Notre façon de mélanger les genres et les styles a tout à apprendre à cette société qui parfois est un peu recluse sur elle-même, qui a peur du dialogue, de la contradiction…, estime Médine. Dans le rap on montre l’inverse, on mixe des sonorités nord africaines avec des sonorités outre atlantique. On incarne ce changement et cette non crainte de mélanger les choses, et c’est beau ce que ça donne au final. »

Révélation de l’année 2018 avec son titre Dalida, et son premier album Fruit du démon sorti en novembre dernier, Soolking a surpris son public mi-mars, en dégainant par surprise Liberté. « Excuse-moi d’exister, excuse mes sentiments/Rends-moi ma liberté, je te l’demande gentiment », y scande notamment le rappeur. Dans ce titre en feat avec Ouled El Bahdja, et vu plus de 34 millions de fois une semaine après la mise en ligne de son clip sur YouTube le 14 mars, le rappeur signe une chanson engagée, reprise en hymne par certains lors de manifestations en Algérie.