ARCHEOLOGIELa technologie va-t-elle enfin percer le mystère des pyramides?

Mini-drones, muons, IA... La technologie va-t-elle permettre de percer le mystère des pyramides?

ARCHEOLOGIEL’exposition « Toutankhamon, le Trésor du Pharaon » donne à « 20 Minutes » une bonne occasion de faire le point sur le mystère des pyramides
Laure Beaudonnet

L.Be.

L'essentiel

  • L’Egypte ancienne regorge de mystères et les pyramides ne cessent d’alimenter les théories les plus extravagantes.
  • Mehdi Tayoubi, codirecteur de la mission ScanPyramids, revient avec 20 Minutes sur les dernières découvertes de la technologie.
  • Drones, IA, robots, muographie… La technologie nous permettra-t-elle un jour de comprendre comment ces monuments ont été construits ?

L’exposition Toutankhamon, le Trésor du Pharaon a ouvert ses portes samedi à la Grande Halle de la Villette, à Paris. Cette immersion dans l’Egypte ancienne, ses divinités et sa mythologie, nous donne une bonne occasion de nous pencher sur les mystères des pyramides, preuve du génie architectural égyptien, qui alimente les théories les plus farfelues.

Comment la pyramide de Khéops, merveille du monde qui trône sur le plateau de Gizeh dans la banlieue du Caire, a-t-elle été construite ? Les nouvelles technologies nous permettront-elles de comprendre comment les bâtisseurs d’il y a 4.500 ans ont réussi à ériger cet édifice de 146 mètres de haut, composé de plus de deux millions de blocs de pierre de deux tonnes et demie pour certains, en l’espace d’une vingtaine d’années ?

Mehdi Tayoubi, codirecteur de la mission ScanPyramids, dont l’objectif est d’utiliser des nouvelles technologies non invasives pour essayer de découvrir des structures inconnues dans les grandes pyramides d’Egypte, nous aide à répondre à trois questions.

Comment voir à travers la pierre ?

« La muographie, c’est voir à travers la matière comme avec les rayons X », explique Mehdi Tayoubi, co-directeur de la mission et vice-président stratégie et innovation chez Dassault Systèmes. Une pyramide, c’est une montagne de pierres, et on ne peut pas utiliser des rayons X. Les muons sont générés naturellement au niveau de l’atmosphère terrestre par les rayons cosmiques. Quand les muons traversent la matière, ils perdent leur énergie en fonction de la densité de matière qu’ils traversent. En résumé, plus il y a de matière, moins il y a de muons. « On va placer les détecteurs de muons à différents endroits de la pyramide, et on va pouvoir scanner tout ce qui se trouve au-dessus », décrit-il. La technique a déjà été utilisée il y a une cinquantaine d’années par Luis Alvarez, pour explorer la pyramide de Khéphren, mais il n’a rien trouvé.

« Avec notre mission, nous avons bénéficié d’une évolution des détecteurs de muons et des technologies liées à la muographie, reprend-il. Nous avons utilisé trois types de détecteurs de muons ». Le premier développé par l’Université de Nagoya, le deuxième par le laboratoire de recherche sur les particules japonais KEK et le troisième par le CEA français. « Ces trois détecteurs nous ont permis de faire trois découvertes de structures de la pyramide de Khéops jusque-là inconnues », pointe Mehdi Tayoubi. En 2016, un début de couloir derrière la face Nord, la zone des chevrons de Khéops, et une cavité sur l’arête nord-est, à environ 110 mètres de hauteur au-dessus du sol, ont été découverts. Et, en 2017, « le ScanPyramids big void », un vide gigantesque dans la Grande Pyramide, a été révélé.

L'intérieur de la pyramide de Khéops par la mission ScanPyramids
L'intérieur de la pyramide de Khéops par la mission ScanPyramids - ScanPyramids

Robots, mini-drones, intelligence artificielle… Nos meilleurs alliés ?

Les techniques non invasives ont cependant des limites. « Il faut dès à présent imaginer des moyens d’exploration minimalement invasive », précise Mehdi Tayoubi. L’Inria et le CNRS ont rejoint ScanPyramids pour imaginer des moyens robotiques d’explorations qui permettront de découvrir ce qui se cache derrière des murs, et des fresques, quatre fois millénaires sans avoir à les détruire.

Plusieurs concepts ont été imaginés : un robot gonflable capable d’entrer dans un petit trou et de se déployer pour explorer les cavités découvertes et des mini-drones capables de voler en essaim. « Plusieurs prototypes ont été réalisés, notamment un robot quasi opérationnel qui peut entrer dans un trou d’à peu près 3,5 cm, éclairer la zone qui va se trouver derrière, avec des têtes amovibles qu’on peut remplacer soit par des caméras, par des appareils photo, décrit-il. On peut l’imaginer transporter des mini-drones ». Le défi technique, c’est la partie logicielle d’intelligence artificielle pour le vol en essaim des mini-drones.

Un mystère bientôt résolu ?

Si la technologie ne fait pas de promesse, tout nouvel élément pourrait faire avancer la réflexion et alimenter de nouvelles théories. « Le vrai mystère de la pyramide de Khéops, du point de vue de sa construction, reprend le coprésident de la mission ScanPyramids, c’est : comment les Egyptiens ont-ils fait pour bâtir cette chambre du roi aussi haute avec des poutres qui pèsent entre 40 et 60 tonnes ? Ils ont bien dû trouver un moyen pour hisser ces poutres à cette hauteur. Certains imaginent que la grande galerie servait de contrepoids, mais s’il s’avère, par exemple, que le big void est incliné, il pourrait être une grande galerie, pourquoi y aurait-il eu deux grandes galeries ? »

Autant de questions auxquelles la technologie seule ne pourra pas répondre, il faudra pour cela compter sur les cerveaux des égyptologues.