CINEMAComment bien polémiquer sur «Qu'est-ce qu'on a encore fait au Bon Dieu?»

«Qu'est-ce qu'on a encore fait au Bon Dieu?»: Notre guide pour bien polémiquer sur le film

CINEMALa suite de « Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? » sort en salles ce mercredi et risque, comme le précédent volet, de ne pas faire l’unanimité…
Fabien Randanne

Fabien Randanne

L'essentiel

  • «Qu’est-ce qu’on a encore fait au Bon Dieu ? », réalisé par Pascal Chauveron, est la suite de sa comédie à succès (plus de 12 millions d’entrées) de 2014. Le film sort ce mercredi.
  • Dans ce nouvel opus, Claude et Marie Verneuil (Christian Clavier et Chantal Lauby) vont apprendre que leurs filles et gendres vont partir vivre à l’étranger. Une annonce qui va les bouleverser.
  • Plusieurs polémiques pourraient voir le jour au sujet de cette suite. « 20 Minutes » fait la liste des points potentiellement problématiques.

Ils reviennent. Et tout le monde n’en est pas content. Si les héros de Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? avaient attiré plus de 12.3 millions de spectateurs dans les salles françaises en 2014, le film n’avait pas fait rire tout le monde. Une partie du public l’avait trouvé caricatural, voire complaisant avec le racisme. Ce mercredi, la suite, Qu’est-ce qu’on a encore fait au Bon Dieu ? arrive à l’affiche en France. « Le film traite de sujets sensibles, comme l’identité, la religion, le vivre-ensemble, les préjugés. Tout ça fait un mélange très polémique. Et du coup je crois qu’on va en entendre parler ! », déclarait l’acteur Frédéric Chau l’an passé. 20 Minutes a vu le film et a anticipé les différents points susceptibles de susciter des débats animés.

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  • Un film 100 % patriarcal

Dans Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?, les filles de la famille Verneuil (Emilie Caen, Frédérique Bel, Julia Piaton et Elodie Fontan) mettaient en PLS leurs parents, Claude et Marie, incarnés par Christian Clavier et Chantal Lauby, en leur présentant leurs futurs maris non catholiques et/ou d’origine étrangère. Dans cette suite, les gendres continuent de faire angoisser leurs beaux-parents en révélant qu’ils comptent partir vivre à l’étranger avec leurs femmes et enfants. Ici, ce sont les bonshommes qui commandent. Ils l’ont décidé, ils veulent quitter la France, et leurs épouses n’ont d’autres choix que de suivre le mouvement. Les filles Verneuil sont reléguées au second plan, dans des rôles purement utilitaires, sans qu’elles aient leur mot à dire. Spoiler : elles ne renverseront pas le patriarcat dans l’épilogue.

Le contre-argument : Dans Qu’est-ce qu’on a encore fait au Bon Dieu ?, les personnages féminins apportent la concorde et leurs répliques sont exemptes de relents xénophobes, même « au second degré ». Les femmes se distinguent par leur tempérance, leur tolérance et leur ouverture d’esprit, tandis que les hommes sont dépeints au choix comme égoïstes, grandes gueules, bornés…

  • Un film complaisant avec le racisme

Si Chao (Frédéric Chau) veut partir s’installer loin de France, c’est parce qu’il s’inquiète pour sa sécurité et celle de ses filles en entendant parler des agressions visant la communauté asiatique. Une réalité qui avait eu un écho médiatique en 2016 lorsqu’un quadragénaire chinois vivant à Aubervilliers avait succombé à ses blessures après avoir été agressé. Qu’est-ce qu’on a encore fait au Bon Dieu ? traite le sentiment d’insécurité éprouvé par Chao comme un prétexte aux gags. Il est racketté au distributeur automatique de billets ? Mais non, ce ne sont que ses beaux-frères qui lui font une (mauvaise) blague. Il commande un apéritif anisé et le serveur lui parle de « petit jaune » ? C’est juste que Chao est un peu trop parano pour se sentir visé par une expression familière des garçons de café. L’armurier lui demande s’il s’intéresse aux nunchakus ? Il l’interprète à tort comme un préjugé raciste : c’est simplement qu’il est penché sur la vitrine renfermant les nunchakus. Dans le film, la xénophobie existe avant tout dans la tête de celui qui pense en être victime.

Le contre-argument : Dans Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?, David Benichou, le personnage d’Ary Abittan disait : « Tout le monde est un petit peu raciste, au fond. » Pas de quoi s’étonner donc que les personnages soient « un peu racistes, au fond » dans la suite. Ici, lorsqu’un protagoniste profère une réplique borderline, il s’oppose au visage consterné d’un de ses interlocuteurs dans le plan suivant. Une manière de signaler que le « bon mot » peut légitimement faire tiquer.

  • Un migrant caricatural

Comme si la réunion de famille ne suffisait pas à convoquer un nombre suffisant de personnages, le scénario voit un migrant, Harrach (Hedi Bouchenafa), qui a fui l’Afghanistan, rejoindre le quotidien des Verneuil. Claude Verneuil pense qu’il est un terroriste tentant de passer inaperçu et cela devient un running gag. Ce personnage n’échappe évidemment pas à la caricature, air patibulaire à la clé parce qu’il faut qu’on puisse le prendre pour un poseur de bombe.

Le contre-argument : Là, on sèche. Ce personnage était complètement dispensable.

  • L’homophobie soignée par un bon petit plat

Il y avait quatre mariages dans Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu. Dans la suite, il y en a encore un, celui d’un couple lesbien. En l’occurrence celui de la cadette des Koffi, Madeleine (Salimata Kamate) avec Nicole (Claudia Tagbo). Pas d’homophobie à signaler, sauf dans la tête du père de Madeleine (Pascal N’Zonzi). Claude Verneuil lui, jubile à l’idée que son meilleur ennemi, venu du Sénégal, découvre que sa fille aime les femmes. Mais, comme dans le premier volet, c’est la bonne bouffe qui va finir par dénouer les tensions. Ce serait bien, si, dans la réalité, il suffisait de quelques bouchées d’un tournedos Rossini pour éradiquer l’homophobie.

Le contre-argument : Depuis 2013, les couples homosexuels ont le droit de se marier en France et l’on peut se réjouir que les films intègrent cette réalité à leurs scénarios. Si Epouse-moi mon pote slalomait sur le sujet en se prenant toutes les portes de la gêne​, dans Qu’est-ce qu’on a encore fait au Bon Dieu ?, l’homosexualité de Madeleine et Nicole n’est pas moquée et leur amour n’est pas méprisé. C’est plutôt l’homophobie du père qui est pointé du doigt : André Koffi fait un malaise en découvrant que sa fille va épouser une femme et il en fait des caisses ensuite pour montrer à quel point il est dévasté. Sa simulation – qui le rend plus ridicule qu’autre chose – prend fin à l’évocation d’un tournedos Rossini.

  • La caricature d’une certaine (idée de la) France

Qu’est-ce qu’on a encore fait au Bon Dieu ?, tout comme le volet précédent, repose aussi sur la caricature d’une certaine France bourgeoise, catholique, réactionnaire incarnée par les parents Verneuil, Claude en tête. Ce dernier est présenté comme bloqué dans le passé, qu’il idéalise, chamboulé par l’évolution de la société française et des mœurs. Si on prend du recul, Claude Verneuil n’est pas un personnage « aimable ». Il suscite les rires, mais aurait-on vraiment envie de l’avoir dans son entourage ? Et si finalement, c’était lui qui en prenait le plus pour son grade dans les films ?

Le contre-argument : Il y a dans toute caricature une part de vérité, paraît-il. Quand il évoque les voyages des Verneuil hors de France et leur attitude, le scénario vise juste. Quiconque a croisé ses compatriotes en vacances dans d’autres contrées a constaté que le touriste franchouillard (vous savez, celui qui s’indigne qu’aucun serveur d’un restaurant de Tokyo ne maîtrise la langue de Molière ou qui passe son temps à dire que « C’est vraiment mieux chez nous ») est un spécimen gratiné. On peut regretter cependant que Claude Verneuil n’évolue pas vraiment entre le début et la fin du film (contrairement par exemple au Victor Pivert – Louis de Funès – de Rabbi Jacob, qui guérit sensiblement de son racisme au fil de l’histoire). Il se réconcilie avec ses gendres après qu’ils lui ont offert un képi du général de Gaulle, un moyen de lui signifier qu’ils respectent ses opinions, même s’ils ne les partagent pas toutes. Qu’est-ce qu’on a encore fait au Bon Dieu ? se conclut en célébrant la diversité et le vivre-ensemble. Notamment lorsque Marie, l’épouse de Claude Verneuil, regarde d’un œil attendri ses petits-enfants, métissés, en déclarant qu’ils sont « le miel de la France ».