Salon de Montreuil: A quoi sert la Pépite d'or qui récompense le meilleur livre jeunesse de l'année?
JEUNESSE•« Nos Vacances », album récompensé par la Pépite d'or en 2017, s’est vendu à 10.000 exemplaires, soit un joli succès pour un livre aussi beau qu’exigeant…Caroline Delabroy
L'essentiel
- La Pépite d’or est décernée lors de la soirée d’inauguration du salon du livre jeunesse de Montreuil.
- Ce prix assure au livre une certaine renommée, au salon mais aussi dans les librairies et à l’étranger, selon les éditeurs que nous avons interrogés.
Elle lance traditionnellement le salon du livre jeunesse de Montreuil. Remise ce mercredi soir vers 18h, lors de l’inauguration par un jury de professionnels, la Pépite d’or récompense LE livre de l’année à ne pas manquer, toutes sélections confondues : livres illustrés, romans, bandes dessinées. Dans chacune de ces catégories, de jeunes lecteurs attribuent aussi une pépite. L’an passé, la récompense suprême est allée à l’illustrateur Blexbolex pour Nos Vacances, superbe album sans parole, à la structure narrative originale et au graphisme rétro. Un choix audacieux, celui « d’un auteur qui prend le temps de faire ses livres et qui a quelque chose à dire », souligne Sylvie Vassallo, la directrice du salon.
« Colorama », déjà dans sept langues
« Sur les 7.000 nouveautés de l’année, nos comités de lecture en lisent 4.500, pour ne retenir que 18 titres au total, explique-t-elle. On sait que ces ouvrages ne vont pas crever les ventes au démarrage, parce que ce ne sont pas des livres bonbons, des livres faciles d’accès. » Comme la Palme d’or à Cannes, la Pépite d’or assure un coup de projecteur sur un livre de grande qualité, même s’il est exigeant. « Le prix reçu l’an dernier a eu beaucoup d’effets vertueux, car il est tombé dans un contexte de construction d’une œuvre singulière, que l’on accompagne depuis dix ans », avance Marion Jablonski, l’éditrice de Blexbolex chez Albin Michel Jeunesse.
Si en 2013, l’auteur avait déjà reçu à Montreuil un prix pour Romance (dans la catégorie Ovni), la Pépite d’or l’a consacrée auprès du grand public. Côté ventes, l’impact s’est aussitôt fait ressentir : il s’est écoulé 10.000 exemplaires de Nos Vacances, quand la moyenne pour ce type d’ouvrage se situe généralement autour de 2.000 ventes. « Ce n’est pas un feu de paille, assure Marion Jablonski. Les pépites ont une crédibilité suffisante pour permettre au livre de s’inscrire dans la durée dans un catalogue. » Pour Maître Chat, la dernière parution de Blexbolex, l’éditrice a pu mesurer la confiance des libraires : « On sent qu’ils vont soutenir le livre. »
Pépite d’or 2016, la première BD jeunesse de Winshluss, Dans la forêt sombre et mystérieuse, s’est aussi très bien vendue (17.000 exemplaires). Colorama, paru également chez Gallimard et Pépite de l’album jeunesse 2017, prend le même chemin (12.000 titres vendus). « C’est une bonne vente, mais le plus impressionnant est d’avoir déjà sept langues en si peu de temps, y compris le coréen », relève Hedwige Pasquet, directrice générale de Gallimard Jeunesse. C’est certainement une retombée de Montreuil. De plus en plus, les étrangers s’intéressent aux pépites et en prennent connaissance plus rapidement. C’est une vraie distinction pour les éditeur de recevoir ces prix, qui récompensent en priorité la création. »
L’effet « dernière sélection »
« Ce qui est vraiment quelque chose de spécifique à la démarche du salon de Montreuil, c’est le travail mené toute l’année en amont sur les sélections, qui sont très suivies par les prescripteurs, en particulier les bibliothèques et libraires », relève aussi Marion Jablonski. La présence en dernière sélection retient déjà l’attention. « Cela peut faire découvrir le livre et créer de la curiosité, de l’envie, poursuit l’éditrice. C’est amusant de voir cette année que Nous étions dix de Nine Antico, et le roman de Nicolas de Crécy, tous deux en lice pour la pépite d’or, sont deux auteurs maison qui viennent de la BD. »
Sélectionné dans la catégorie roman, Ueno Park d’Antoine Dole (Actes Sud Junior), a déjà eu un bel accueil critique. Reste que cette sélection à Montreuil « est importante pour les auteurs, c’est une reconnaissance », affirme son éditeur François Martin. En 2015, Paloma et le vaste monde de Véronique Ovaldé et Jeanne Destallante avait reçu la Pépite de l’album. Le livre, aussi, avait été repéré en amont, notamment par la signature de l’auteure, connue du public adulte. « Il n’y a pas d’effet démultiplicateur comme au Goncourt, estime François Martin, mais dans un secteur très concurrentiel comme celui de la jeunesse, l’attribution d’une pépite permet de faire émerger un livre, de lui donner encore plus de visibilité. » Cette année-là, Paloma avait été la meilleure vente d’Actes Sud Junior sur le salon.