«Red Bull Dernier Mot»: Les battles de hip-hop improvisées, est-ce de l'éloquence ou un pugilat?
FREESTYLE•La finale du Red Bull Dernier Mot, compétition d’improvisation, accueille dans son jury un expert des concours d’éloquence…Benjamin Chapon
L'essentiel
- Le concours de battles d’impro Red Bull Dernier Mot tient sa finale samedi soir à Paris.
- Stéphane de Freitas, initiateur du projet Eloquentia, est membre du jury qui doit départager les candidats.
- Selon lui, le bagout des rappeurs et l’éloquence sont les deux faces d’une même pièce qui valorise la prise de parole des jeunes.
L’objectif est clair : détruire son adversaire. La finale de la compétition d’improvisation Red Bull Dernier Mot, pour sa deuxième édition, se tiendra samedi au Trianon, à Paris. Les candidats devront briller par leurs bons mots improvisés, leur sens du rythme, leur capacité à s’adapter aux thèmes imposés… Mais surtout, ils devront battre leur adversaire. La compétition se tient par tours successifs avec des duels aux figures imposées. Les compétiteurs auront beau vous cancaner que ce qui compte c’est la victoire sur soi-même, la vraie victoire, c’est sur l’adversaire.
Preuve en est, la plupart des battles tournent au pugilat verbal avec force formules humiliantes et insultes plus ou moins stylisées. Le public, chauffé à blanc, ponctuant ses sentences de « pôôôôô » ne doit, en revanche, pas influencer le jury chargé de juger les performances globales, et pas seulement la capacité à trouver un bon mot qui déstabilise son adversaire.
« On donne un micro à des jeunes »
Pour la deuxième fois, Stéphane de Freitas est un des membres du jury de la compétition. Le concepteur des programmes de prise de parole Eloquentia, lors desquels de nombreux jeunes utilisent le hip-hop ou le slam, estime que le concours Red Bull Dernier Mot est une excellente manière de mettre en valeur l’expression orale : « Je milite pour les prises de parole sous toutes leurs formes. A Eloquentia, on n’est pas restreint sur la forme comme ici. On peut faire de la poésie, du plaidoyer, du monologue… Peu importe. Mais le gros point commun entre Eloquencia et Dernier Mot c’est qu’on donne un micro à des jeunes. C’est de l’expression, l’envie d’être entendu. »
La violence verbale, qui cache une solidarité sans faille et une fraternité touchante entre candidats une fois descendus de scène, ne choque pas Stéphane de Freitas : « C’est un sport, un combat, comme un free fight. Mais c’est codifié. Derrière tout ça il y a de la bienveillance. » Surtout, le juré estime que cet exercice met en valeur l’éloquence, la vraie, et pas celle des concours de grandes écoles ou d’avocats : « L’éloquence ce n’est pas l’art de convaincre à tous les coups mais l’art de se faire comprendre. L’éloquence, c’est quand quelqu’un sonne juste. L’éloquence, c’est aussi écouter et respecter l’autre. C’est une éducation, un savoir être. » Et Stéphane de Freitas de vanter la mécanique des battles d’impro durant lesquelles le temps de parole de chacun est chronométré et respecté.
Alors qu’en France, et dans les pays francophones, ces battles d’impro ne sont pas encore très développées, Red Bull compte installer son rendez-vous et, pourquoi pas, l’exporter en Afrique ou au Canada. Dernier Mot est une déclinaison francophone de Batalla de los Gallos, gigantesque compétition internationale hispanophone dont la finale a lieu, chaque année, dans d’immenses salles. Stéphane de Freitas estime que le Dernier Mot français est déjà un motif d’espoir : « Il y a toute une génération de jeunes, et pas seulement dans les banlieues, qui a décidé d’avoir voix au chapitre. Au-delà des réseaux sociaux, ils savent l’importance de se dire les choses les yeux dans les yeux. La culture hip-hop sert et accompagne ce mouvement. Et maintenant, il va y avoir une épreuve orale au bac… Ils vont marquer des points, c’est sûr. »