Comic Con Paris: Les dessinateurs français peinent à percer dans le comics US
CARRIERE•Le Comic Con Paris est l’occasion de croiser des aspirants dessinateurs de comics plein de rêve et d’espoir…Benjamin Chapon
L'essentiel
- Le marché du comics US en France progresse fortement mais reste largement inférieur à celui du manga.
- De nombreux jeunes dessinateurs français souhaitent faire carrière dans le comics auprès d'éditeurs américains. La réalité de la profession est difficile.
La quatrième édition du Comic Con Paris s’est tenue ce week-end. Désormais bien installé dans le paysage des événements comics, si l’on en croit la liste prestigieuse des invités, le festival symbolise la bonne santé du genre en France. Depuis plusieurs années, les ventes de comics progressent. En dix ans le chiffre d’affaires a triplé. Il reste cependant sans comparaison avec les chiffres du manga ou ceux des films Marvel et DC comics au cinéma… Selon le Syndicat national de l’édition, le chiffre d’affaires du comics a été de 45 millions d’euros en France en 2017, moitié moins que celui généré par le manga.
Et parmi les plus de 600 titres comics édités l’an dernier, une écrasante majorité sont des traductions de titres américains. Ainsi, les auteurs français rêvant de dessiner du comics doivent aller toquer à la porte des éditeurs anglo-saxons. C’est ce que fera bientôt Marina, croisée au Comic Con dans la longue file d’attente pour une dédicace d’Olivier Coipel, dessinateur français et star aux Etats-Unis.
Un univers impitoyable, et un peu pitoyable
Apprentie illustratrice aux Beaux-Arts de Paris, elle rêve de percer dans le dessin de comics de super-héros : « J’ai contacté des dizaines de dessinateurs free lance qui travaillent bien. Ils m’ont tous dit que je devrais bosser très dur pour avoir un top niveau. Il faut être techniquement très à l’aise pour pouvoir suivre les cadences et s’adapter aux demandes des éditeurs et aux univers de scénaristes. »
Autre motif d’inquiétude pour la jeune dessinatrice, tous les auteurs confirmés qu’elle a contactés ont eu leur premier boulot « sur un coup de pot. La plupart m’ont expliqué qu’ils dessinaient à droite à gauche, multipliaient les petits boulots et qu’un jour une commande leur est tombée dessus et que ça a tout changé. »
C’est le cas d’Elsa Charretier, dessinatrice aujourd’hui reconnue aux Etats-Unis : « Mon premier boulot payé m’est tombé dessus par hasard. George. R. Martin a vu mon blog et… il m’a demandé d’illustrer un de ces romans graphiques. Ça m’a beaucoup apporté, la sécurité financière notamment. Je n’ai pas eu à galérer aussi longtemps que d’autres dessinateurs très doués. » A Marina, Olivier Coipel donne un seul conseil : « Travailler son portfolio. » Pour se faire remarquer, il faut développer un style original, voire plusieurs si possible, parce que les éditeurs recherchent des talents littéralement « hors du commun ».
Fourmilière de talent
De ce côté-là, si l’on en croit la diversité graphique à l’œuvre parmi les finalistes du prix Jeunes talents comics du Comic Con, organisé en partenariat avec 20 Minutes, la relève est assurée. Parmi eux, le jury, présidé par Mahmud Asrar, a choisi Nicolas Brossault, ancien développeur web en cours de reconversion pour devenir graphiste illustrateur. Il s’est distingué parmi plus de 200 candidats, amateurs dans le sens où ils n’ont jamais été édités, dont l’immense majorité ne pense pas vraiment pouvoir, un jour, vivre de leurs crayons avec des dessins de comics.
Le monde des super-héros leur semble inaccessible. En France, très peu de dessinateurs ont percé dans le dessin comics. Alors que les auteurs de bande dessinée se sont récemment réunis en association pour dénoncer l’extrême précarité de leur profession, les dessinateurs spécialisés dans le dessin comics sont les précaires parmi les précaires. Par ailleurs, ils ne font pas vraiment école. Les éditeurs présents au Comic Con Paris ont constaté « la naïveté » des questions des apprentis dessinateurs venus présenter leur travail.
Elsa Charretier travaille avec des éditeurs américains mais réside en France, comme la plupart des auteurs européens édités aux Etats-Unis aujourd’hui. Sa vie de dessinatrice n’est « pas très glamour, confesse-t-elle. Je ne fais que ça, tous les jours : dessiner. Le comics US est synonyme de publications hyper rapide, parfois infernal. Faire 22 pages par mois, c’est difficile. L’endurance, c’est la clé, pour savoir durer dans le métier. »