BDTrois planches du nouveau Spirou commentées par Emile Bravo

VIDEO. Spirou face aux nazis: Trois planches de «L’Espoir malgré tout» commentées par Emile Bravo

BDEmile Bravo signe un nouveau chapitre de la jeunesse de Spirou et commente, pour « 20 Minutes », trois séquences révélatrices du premier tome de «L’Espoir malgré tout», qui se passe au moment de l'invasion de la Belgique par les troupes allemandes en 1940…
Couverture de Un mauvais départ et portrait d'Émile Bravo
Couverture de Un mauvais départ et portrait d'Émile Bravo - © E. BRAVO & DUPUIS 2018 / PHOTO © C. VOLLMER 2018
Olivier Mimran

Olivier Mimran

L'essentiel

  • «20 Minutes » vous propose un nouveau format pour traiter de bande dessinée : l’Etude de cases, c’est-à-dire le commentaire de quelques cases de BD par leur auteur.
  • Emile Bravo, l'auteur des « Epatantes aventures de Jules », participe pour la deuxième fois à la collection « Spirou par… »
  • En 2008, dans « Le journal d'un ingénu », son Spirou évoluait dans l'immédiat avant-guerre. Ce nouvel album «L’Espoir malgré tout», qui raconte l'invasion de la Belgique par les troupes allemandes, en est donc la suite …

Dix ans après sa première incursion dans l’univers de Spirou avec le Journal d'un ingénu - qui a depuis accumulé honneurs et récompenses -, Émile Bravo, qui avait a posteriori le sentiment de « n’avoir pas tout dit », s’approprie de nouveau le destin du célèbre groom. Au one-shot en 2008 livré en 2008 va donc s’ajouter la tétralogie L’Espoir malgré tout, dont le premier volume, Un mauvais départ, sort ce vendredi alors que le quatrième et dernier sera publié fin 2020.

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Pour mémoire, le Journal d’un ingénu voyait, à l’été 1939, un (très) jeune Spirou accidentellement mêlé aux négociations germano-polonaises. Outre le cadre historique de l’aventure, Bravo y expliquait pourquoi le Spirou moderne porte un costume de groom, comment il s’était lié d’amitié avec Fantasio, etc ; Un mauvais départ débute en janvier 1940, quelques jours avant que les troupes allemandes n’attaquent la Belgique.

20 Minutes a demandé à Emile Bravo de nous dévoiler les grandes idées de ce nouveau projet à travers trois séquences particulièrement révélatrices de son premier tome :


« Ces quelques cases rappellent que le peuple belge ne s’attendait pas à être attaqué aussi brutalement par l’armée allemande, raconte Emile Bravo. Aujourd’hui, lorsque les nouvelles générations évoquent ces "guerres" que l’occident ne vit heureusement plus depuis longtemps, elles s’imaginent que les choses se produisent progressivement, avec déclaration de guerre officielle, etc. Moi, je tenais à rappeler que lorsqu’elles surviennent, les guerres nous tombent littéralement dessus, on doit les subir. Ici, on perçoit de la sidération : "Ça y est, c’est parti. On est dedans. La prochaine étape, c’est la mort", semblent penser les gens. En plus c’était - historiquement - au réveil, comme un cauchemar qui se poursuivrait éveillé. Ça devait être terrifiant ! »

Spirou dans un état de sidération

On y voit que Spirou, comme tout le monde - et peut-être même davantage vu son jeune âge dans l’album (« il a 14 ou 15 ans », précise Emile Bravo) - ne comprend d’abord pas la gravité des évènements. La population belge « était alors dans un état de sidération bien compréhensible ». Quant aux ravages des bombardements, on ne fait que les deviner, l’auteur s’employant à « ne pas montrer de faits de guerre, même si certains sont vaguement évoqués par des personnages. Je suis davantage intéressé par le quotidien des gens pris dans un conflit qui les dépasse. »


Quelques jours après l’invasion allemande, certains Bruxellois semblent s’accommoder de l’occupant. « Je ne cherche pas à dénoncer, juste à rappeler que les réactions des gens étaient conditionnées par ce qu’ils avaient vécu : après avoir eu très peur lors de l’invasion, une sorte de "calme" plutôt rassurant s’était installé. Il fallait bien continuer à vivre. Et puis l’ordre militaire des Allemands contrastait avec l’idée de barbarie qui leur collait à la peau depuis la première guerre mondiale, encore très présente dans les esprits. De plus, la plupart des Belges n’avaient pas ou peu de conscience politique à l’époque, et encore moins de connaissance de ce qu’était le nazisme ; au contraire de Dewilde, le directeur du Moustic Hôtel (où Spirou est groom), qui, lui, est apparemment politisé et ne peut accepter la cohabitation. »

Une petite copine juive et communiste

« Spirou, lui, est encore un enfant. Donc face aux adultes, il écoute, il observe silencieusement parce qu’au fond, il ne sait pas ce qui se passe, il n’est au courant de rien de ce qui se joue sur la scène mondiale ; enfin si, il commence à deviner les choses parce qu’il a une petite copine juive et communiste, et que même s’il ne sait pas trop ce que cela signifie, il sait que, de ce fait, elle court un danger particulier… Mais bon, il est encore très candide. »


Après une première partie durant laquelle Spirou et son copain Fantasio, dépassés par les événements, sont plus observateurs qu’acteurs, un événement (Fantasio est interpellé par des agents de la Gestapo) fait basculer leurs destins. « Spirou prend la défense de Fantasio, qui a lui-même frappé une autorité. Ils se mettent hors-la-loi. C’est une façon d’illustrer ce qu’est l’héroïsme au sens de l’acte de guerre. C’est quelque chose de pas du tout calculé parce que c’est une question de vie ou de mort. Ce genre d’héroïsme, tout le monde en est capable sans forcément le savoir ; et c’est quelque chose qui bouleverse durablement son auteur. Dans les cases suivantes, d’ailleurs, je montre Spirou en train de vomir parce qu’il est tout retourné. »

Un incident fondateur

Cette séquence est capitale parce qu’en prenant parti, Spirou va « se réveiller » : « On assiste à la ''construction'' de Spirou ; on comprend comment, d’une personne assez quelconque, il va devenir l’aventurier qu’il sera par la suite. C’est l’avant Spirou et Fantasio tels que le grand public les connaît à travers les albums de la série mère, souligne Emile Bravo. Ils sont une sorte de réveil humaniste qui va s’amplifier, se préciser au fil des trois albums suivants ».

Justement, de quoi parleront-ils ? « Je ne vais pas tout révéler, sourit Émile Bravo. Mais tout est écrit, découpé, il ne me reste plus qu’à mettre "au propre". Je peux juste dire que tout sera évoqué, des camps aux différents événements qui ont émaillé la guerre… Le tout à travers l’histoire des personnages qu’on découvre dans ce premier volume. Et conformément à la grande histoire, leur "petite" histoire sera de plus en plus dure et cruelle. »

« L’espoir malgré tout » volume 1/4 : Un mauvais départ, par Émile Bravo - éditions Dupuis, 16,50 euros