BATAILLEOn refait le débat sur les droits d'auteur (pour que vous compreniez bien)

Droits d’auteur: On vous explique cette directive qui va forcer les Gafam à passer à la caisse

BATAILLELes eurodéputés ont voté ce mercredi en faveur de la très sensible réforme du droit d'auteur...
Illustration des Gafa
Illustration des Gafa - Lionel BONAVENTURE / AFP
Laure Beaudonnet avec AFP

Laure Beaudonnet avec AFP

L'essentiel

  • La réforme du droit d'auteur va mettre à contribution financièrement les géants du Net pour les contenus artistiques et les articles qu'ils utilisent.
  • Ce projet de directive a fait l'objet d'une féroce bataille entre artistes et éditeurs de presse face aux géants du numérique et activistes de la liberté sur internet.
  • On vous explique tout.

Les artistes et les éditeurs de presse ont gagné la deuxième manche contre les géants du numérique. Les eurodéputés ont voté ce mercredi en faveur de la très sensible réforme du droit d'auteur. Réunis en assemblée plénière à Strasbourg, les eurodéputés ont avalisé une nouvelle version du texte rejeté le 5 juillet dernier, qui crée notamment un nouveau « droit voisin » pour les éditeurs de presse.

On vous dit tout de cette « directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique » qui oppose depuis plusieurs mois les partisans d’une modernisation des règles pour stopper le pillage dont ils s’estiment victimes et les Gafam (entendre, Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft).

C’est quoi cette directive sur les droits d’auteur concrètement ?

Deux articles sont au cœur des débats. Le premier -l’article 11- concerne les médias. Il crée un droit voisin pour les éditeurs de presse qui permet aux journaux, magazines et agences de presse comme l’AFP, de se faire rémunérer lors de la réutilisation en ligne de leur production par des agrégateurs d’information. En gros, Google News, Apple News ou Facebook ne pourront plus se servir gratuitement dans la production de la presse en ligne pour faire leur petite vitrine de l’actualité.

Le deuxième -l’article 13- protège les œuvres culturelles, la musique et la vidéo, exploitées par des plateformes comme YouTube. Il oblige les grands groupes numériques à contrôler les éventuelles violations de droits d’auteur ou de droits voisins dans les contenus diffusés par les utilisateurs de plateformes telles que YouTube. Les sites Internet concernés devront mettre en place des filtres automatiques.

Pourquoi les activistes de la liberté s’alarment-ils ?

Si l’industrie de la culture et des médias parle d’une condition de survie de la presse et du maintien de son indépendance, les opposants à cette réforme, notamment les activistes de la liberté sur Internet, ne partagent pas du tout cet avis.

« On dénonce le fait que l’industrie culturelle, qui a échoué à s’adapter à Internet depuis vingt ans, s’est dit : "On va demander à ceux qui réussissent, aux Gafam, de nous partager les miettes de leur business", explique Arthur Messaud, juriste à la Quadrature du Net. Ces miettes, ce sont les revenus de la publicité ciblée. Or, la publicité ciblée, c’est surveiller tout le monde -c’est ce qu’on va retrouver sur Facebook, sur YouTube, etc. -, et c’est illégal depuis l’entrée en vigueur du RGPD. L’industrie culturelle s’allie avec les Gafam pour se faire de l’argent sur l’exploitation de nos libertés », insiste-t-il avant de pointer le cas des médias qui, selon lui, perdrait leur liberté d’expression.

« Une fois que Le Monde ou Le Figaro auront un revenu qui dépendra, en partie, du revenu de Google et de Facebook, combien de temps pourra-t-on continuer à lire des articles critiques de Google ou Facebook ? », s’inquiète-t-il.

Qu’est-ce qu’elle va changer concrètement ?

« Pas grand-chose pour le public ni pour la liberté, relativise Arthur Messaud, juriste à la Quadrature du Net. Ça va surtout concerner des plateformes géantes qui censurent énormément car elles ont déjà des contrats avec l’industrie culturelle. Pour la presse, c’est pareil, Google payera une misère aux journaux, l’utilisateur n’y verra que du feu ». Pour lui, cette directive révèle à quel point le débat public n’arrive pas à penser Internet sans les Gafam.

De son côté, EDiMA, l’association des plateformes (Google, Facebook, Amazon…), considère que les sites bloqueront tout contenu douteux, comme des parodies ou des remix, pour ne prendre aucun risque. Le filtrage automatique risque de « paralyser l’innovation » et de « saper la liberté d’expression de millions de citoyens et d’entreprises européennes ».

C’est grotesque, s’indigne la Sacem. « Les auteurs, créateurs ou journalistes ont toujours été à l’avant-garde du combat pour les libertés. Leur faire le procès d’intention de vouloir s’ériger en censeur est donc (...) insultant surtout quand cela vient de groupes qui font des campagnes de hacking et des spams dont l’origine géographique, facile à déterminer, vient en partie de Californie », a rétorqué, Jean-Noël Tronc, directeur général-gérant de la SACEM dans les colonnes de L'Obs.

Qui sont les gagnants ?

A l’issue du vote, Emmanuel Macron, partisan de la réforme s’est félicité sur Twitter. « Le droit d’auteur protège, c’est notre liberté, notre information libre, notre création culturelle qui sont reconnues. Je suis fier que la France ait été à la pointe de ce combat. »

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Mais pour la Quadrature du Net, Google s’en sort gagnant. « Rendre la presse dépendante de lui, c’est à son avantage », insiste Arthur Messaud qui préconise de déconstruire ces structures et s’orienter vers l’Internet décentralisé. Deux définitions de la liberté s’affrontent clairement.