ARTJohnny, Ronaldo... Pourquoi les sculpteurs ratent-ils souvent les visages?

VIDEO. Statue de Johnny Hallyday ratée: Est-ce si difficile de sculpter un visage?

ARTJohhny Hallyday, Cristiano Ronaldo, Messi, Beyoncé… Tous ont eu le droit à leurs statues peu ressemblantes (et parfois ridicules). C’est donc si compliqué que ça d’immortaliser les traits d’une personnalité ?...
Clio Weickert

Propos recueillis par Clio Weickert

On pourrait appeler ça, l’art du « presque ». Beyoncé, Cristiano Ronaldo, ou encore Johnny, les exemples de statues ratées rendant « hommage » à des personnalités ne manquent pas.

Récemment, à Viviers en Ardèche, un artiste a voulu immortaliser les traits du rockeur décédé fin 2017, grâce à un monument haut de trois mètres. Le hic ? Si l’on comprend l’idée, ou du moins l’intention, rien dans le visage de la statue ne rappelle les traits de Johnny Hallyday

A Viviers, en Ardèche, une statue commémorative de Johnny Hallyday est loin d'avoir fait l'unanimité.
A Viviers, en Ardèche, une statue commémorative de Johnny Hallyday est loin d'avoir fait l'unanimité.  - JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

Et ne parlons pas de ce gateau à l'effigie de Lionel Messi, offert au footballeur par la Russie ce week-end…

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Des statues ratées, peu ressemblantes, voir carrément ridicules… Immortaliser quelqu’un dans le marbre est-il donc si compliqué que ça ? Chloé Ariot, conservatrice du patrimoine au musée Rodin, a répondu à 20 Minutes.

Pourquoi est-ce si difficile de sculpter un visage ?

C’est très difficile parce qu’il faut fixer dans un matériau inerte, un visage, c’est-à-dire quelque chose de vivant, qui a plein d’expressions et qui bouge tout le temps… Ce sont les mêmes difficultés rencontrées pour le dessin également. Pour la sculpture, pour avoir une meilleure approche, il faut représenter à la surface d’un volume, quelque chose qui est en volume et qui a de l’épaisseur. Les artistes qui sont bons sont ceux qui vont réussir à transcrire l’impression de vie réelle du personnage.

Quelques traits peuvent suffire pour que ça ne ressemble plus du tout ?

Ce n’est pas une question de quelques traits, enfin surtout pas en sculpture, mais de réussir à capter l’expression de la personne. Une des techniques qui a été pratiquée pendant très longtemps, c’est le masque mortuaire. On prend l’empreinte du visage de la personne tout juste décédée, avec du plâtre, de la cire, on en tire un positif, et on fixe les traits de la personne, dans l’idée d’avoir ensuite un portrait ressemblant. L’une des difficultés pour l’artiste c’est de réinsuffler de la vie au masque, parce qu’un masque pris sur un corps décédé représente des chairs qui sont affaissées, des yeux creusés…

Travailler à partir de photos est donc un exercice extrêmement difficile ?

Ça renforce la difficulté. Pour un portrait, il y a toujours un moment où le modèle pose. Le travail peut éventuellement s’achever en l’absence du modèle mais le portrait est fait avec des séances de pose qui peuvent être nombreuses et longues, et parfois fastidieuses pour les modèles.

Finalement, qu’est-ce qu’un bon portrait ?

Dans un portrait, même en photo, il y a un balancement entre fixer la réalité des traits, insuffler une vie au visage et idéaliser la personne qu’on représente. On sait tous très bien qu’il y a des photos où on se trouve affreux et qu’on ne veut surtout pas garder, et celles où on se trouve beaux et qu’on va vouloir mettre en avant. A certaines époques de l’histoire de l’art, on va plus insister sur certaines choses, parfois idéaliser par la beauté en épurant les traits, ou au contraire à d’autres moments on va chercher à renforcer l’expression et les traits des visages. Au début du XXe siècle, et pendant quelque temps, on a cherché, en réaction à la photographie, à avoir des portraits plus allégoriques pour montrer que l’art plastique avait autre chose à donner qu’une simple reproduction. Après, certaines personnes vont peut-être trouver que le portrait est ressemblant, d’autres non. Finalement nous connaissons Johnny Hallyday par photo, ou complètement maquillé, ce n’est même pas dit que ce qu’on connaît de lui soit si ressemblant à ce qu’il était vraiment au quotidien.