LIVRE«Les Affamés», chroniques d’une jeunesse en droit de s’indigner

«Les Affamés», chroniques d’une jeunesse en droit de s’indigner

LIVRELea Frédeval est l'auteure d'un témoignage drôle et poignant sur la jeunesse d'aujourd'hui..
Anne Demoulin

Anne Demoulin

Edit : Les Affamés sort mercredi au cinéma. Avant de réaliser ce film avec Louane Emera dans le premier rôle, Léa Frédeval avait fait le récit de sa génération dans un essai paru en 2014. retrouvez notre chronique de l'époque. Toujours d'actualité...

Léa Frédeval a 23 ans, «l’esprit de résistance» de Stéphane Hessel et la gouaille de Nora Hamzawi. «Parce qu’on est jeune, on a davantage les capacités de travailler 75 heures par semaine cumulant vie étudiante, boulot et stage?», s’indigne-t-elle dans son livre-témoignage Les Affamés, chroniques d’une jeunesse qui ne lâche rien (Bayard, 18 euros).

Le stage, «né le jour de l'abolition de l'esclavage»

Lors de ses études en Info-Comm, un stage au magazine Elle lui donne envie d’écrire un blog «pour raconter ce qui me troublait, m’énervait ou me plaisait.» Elle lui propose d’en faire un papier. Bayard la repère et lui commande un «livre sur les jeunes, basée sur ma vie qui n’est, ni plus, ni moins extraordinaire que celles des autres.»

Léa Frédeval y déballe tout et ne s’épargne rien. Sans misérabilisme. Le stage en entreprise «né le jour de l’abolition de l’esclavage», les petits jobs souvent mal payés, la famille presque toujours décomposée, l’amour à l’ère du porno et des réseaux sociaux, l’alcool trop vite absorbé et la drogue pour tout oublier.

Elle décrit, non pas les désillusions, mais le manque d’illusions des jeunes d’aujourd’hui. «Etre jeune devrait être synonyme d’insouciance et de légèreté, il n’en est rien. Nous savons trop bien ce qui va nous arriver», déplore l’auteure de 23 ans. Le malaise de celle qui ne se revendique pas comme «le porte-parole d’une génération» coïncide pourtant avec celui des 215.000 participants à l’enquête «Génération quoi?».

«Les jeunes sont justes fatigués»

L’auteure décrit une jeunesse précaire qui a faim de réussite et veut sortir de sa condition. «Ce qui est considéré comme normal n’est pas acceptable», fustige-t-elle. «Ma génération est très consciente du monde parce qu’elle a grandi avec Internet. Nous sommes multitâches. Mais nous sommes rarement écoutés», soulève-t-elle encore. Et l’auteure de rêver d’un jour «où tous les jeunes de France feraient grève afin que le monde des adultes se rendent compte que nous sommes utiles.»

La loi sur l'encadrement des stages, votée par l'Assemblée nationale la nuit du 24 février, n’y fera rien. «On se donne partout tout le temps. Tout ça, sans merci, ni espoir de trouver du boulot. Les jeunes ne sont pas en colère, ils sont justes fatigués», vitupère-t-elle. La loi qui impose une durée minimale des contrats à temps partiel de 24 heures hebdomadaires? «Incompatible avec la vie d’un étudiant qui ne peut parfois travailler que 18 heures par semaine.»

«Les adultes doivent nous faire confiance», conclut la jeune femme, qui offre aux «vieux cons», un «sésame» pour mieux comprendre les aspirations de la jeunesse d’aujourd’hui. A dévorer de toute urgence.