« Zion » montre une Guadeloupe brutale loin d’une vision de carte postale
thriller•Pour son premier film, Nelson Foix livre un suspense nerveux montrant la réalité de la vie des Antillais
Caroline Vié
L'essentiel
- Zion suit le périple d’un dealer qui s’est vu confier un bébé abandonné.
- Ce film tourné en créole et en Guadeloupe plonge dans une réalité violente.
- « Authenticité » a été un maître mot pour le réalisateur qui révèle un bien beau talent.
Ce n’est pas une Guadeloupe de carte postale que révèle Nelson Foix dans Zion. Ce premier long métrage produit par Jamel Debbouze fait découvrir la réalité d’un pays souvent considéré par le seul prisme d’un lieu de villégiature paradisiaque. On y suit le périple de Chris, un jeune dealer chargé de livrer une précieuse marchandise : un bébé abandonné qu’il a trouvé devant sa porte.
« J’ai tourné le film près de chez moi à Pointe-à-Pitre, confie Nelson Foix à 20 Minutes, Ce que je montre correspond à la vie de mon quartier. On n’y trouve pas des bébés dans des sacs devant sa porte mais la violence et la délinquance y sont présentes au quotidien. » L’un des figurants du film a d’ailleurs été victime dune agression meurtrière après une journée de tournage. Sa photo apparaît au générique de fin. « La réalité a rattrapé notre fiction. La violence est partout chez nous », soupire Nelson Foix.
En créole à tout prix
Le réalisateur a eu du mal à financer son film et a commencé par un court métrage, Timoun Aw (ce qui veut dire « Ton gamin » en créole guadeloupéen), une version courte de Zion qui a été très bien reçue localement et dans les festivals. « Même si la thématique est très antillaise, la paternité, la rédemption, l’arc du héros qui va s’attacher au bébé et devenir plus adulte à son contact étaient universelles. Ce court métrage a constitué ma carte de visite qui démontrait que je savais où j’allais. »
Nelson Foix tenait à tourner son film en créole et est parvenu à convaincre les financiers que c’était indispensable. « C’est l’authenticité du court métrage qui les avait séduits, se souvient-il. Je leur ai expliqué que cela passait par le fait que mon héros s’exprime en créole. » Le jeune Sloan Decombes, qui incarne Chris, trouve ici son premier rôle à l’écran avec un naturel confondant. Il contribue à faire entrer le spectateur dans ce thriller comme dans les méandres d’un pays déchiré par la misère. « Je n’ai pas choisi de faire un thriller, ni à rentrer dans aucune case. Tour est venu naturellement, insiste Nelson Foix. Mon but était de raconter une histoire en montrant la vie des Antillais, celle qu’ils vivent vraiment, loin de l’idée que s’en font souvent les habitants de la métropole. C’était une responsabilité que je m’étais fixée. »
Un gros succès dans les Antilles
L’équipe a été très bien reçue sur place dans le quartier de Bergevin où le réalisateur a vécu. « On tournait dans des endroits où personne n’était jamais venu avec une caméra de cinéma, raconte Nelson Foix, mais on n’a eu aucun problème être acceptés. » Seule la logistique était compliquée pour le tournage de scènes d’action ambitieuses rendues difficiles par un budget minuscule et un temps de tournage réduit. « Je voulais mettre en avant les problèmes que rencontre la population : la vie chère la relation avec l’État français le besoin de souveraineté du peuple, et la recherche d’identité dont nous souffrons beaucoup, dit le cinéaste. Nous sommes un peuple qu’on a déporté, massacré, torturé et qui essaye de se reconstruire. »
Le travail a été payant car Zion a connu un triomphe aux Antilles avant de partir à la conquête de la métropole. « En Guadeloupe, Martinique, Guyane et à La Réunion, on a fait de scores incroyables, s’enthousiasme le réalisateur. On a eu des réactions très puissantes et un public varié qui allait des grands-mères aux gamins. Tous nous parlaient de leur fierté à être représentés ainsi avec bienveillance et amour sans pour autant occulter la réalité dans sa brutalité ».
Un titre fort
Le titre du film résume bien cette idée. « Pour ceux qui connaissent un peu la culture caribéenne, on l’entend parfois dans des morceaux de Bob Marley ou d’autres artistes, détaille Nelson Foix. "Zion", pour les rastas, ça représente la Terre promise, l’Afrique, la terre à laquelle on les a arrachés, et plus précisément l’Éthiopie. C’est l’utopie d’un retour au pays et d’un paradis sur terre… C’est cette notion qui m’intéressait et j’espère être parvenu à rendre claire ».
Notre rubrique CinémaAujourd’hui, Nelson Foix vit entre la Seine-Saint-Denis où il a fait ses études et la Guadeloupe où habite toujours une partie de sa famille. « Les deux ont forgé ce que je suis et j’ai besoin des deux pour m’épanouir mais c’est en Guadeloupe que je tournerai le prochain film que je suis en train d’écrire. Je me sens la responsabilité de mettre en avant mon peuple qu’on a trop longtemps invisibilisé. »
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