En salles mercrediComment Niki de Saint Phalle a transcendé son trauma par l’art

Comment Niki de Saint Phalle a transcendé son trauma par l’art

En salles mercrediDevant la caméra de Céline Sallette, Charlotte Le Bon devient cette femme courageuse qui triomphe d’un passé douloureux
Caroline Vié

Caroline Vié

L'essentiel

  • «Niki » évoque dix années de la vie de Niki de Saint Phalle.
  • Le film montre comment cette jeune femme violée par son père est parvenue à extérioriser son passé douloureux grâce à l’art.
  • Actrice et réalisatrice ont travaillé en étroite collaboration pour donner vie au film, découvert à Cannes en mai dernier.

Niki de Saint Phalle (1930-2002) était une grande artiste. Pour Niki, son premier film en tant que réalisatrice, Céline Sallette choisit de mettre en avant la façon dont cette femme, victime d’inceste, a transformé son trauma en force par le biais d’œuvres connues dans le monde entier.

« Nous n’avons pas eu l’autorisation de filmer ses œuvres mais nous nous sommes appuyées sur cette restriction pour adopter un point de vue différent. Cela m’a forcé à essayer de me montrer plus créative », précise Céline Sallette. Quand elle dit « nous », elle inclut Charlotte Le Bon, comédienne brillante qui incarne Niki.

La survie par la création

Ce biopic remarqué à Cannes met l’accent sur le processus de création d’une femme apparemment rangée que rien ne prédisposait à devenir une figure emblématique de l’art contemporain. « Il n’est évidemment pas indispensable d’avoir subi une chose aussi grave qu’un inceste pour avoir de l’inspiration, déclare Charlotte Le Bon. Mais j’ai été épatée par la force de caractère de Niki qui a su en faire une force. » Voir cette dernière s’affranchir des conventions sociales de l’époque pour s’imposer et renaître est impressionnant.

Céline Sallette a choisi de centrer son film sur dix années de la vie de l’artiste, de 1952 à 1961, celles où elle va s’émanciper et affronter un passé douloureux qui ne cesse de la hanter. « Cette période est capitale pour sa personne comme pour son œuvre. Elle aurait sans doute sombré dans la folie si elle ne s’était pas lancée dans la création, martèle la réalisatrice. L’art a sauvé la vie de Niki.  »

Un rôle idéal pour Charlotte Le Bon

Charlotte Le Bon trouve un équilibre délicat entre force et douleur dans la façon dont elle redonne vie à Niki. La comédienne, elle-même artiste et plasticienne, est entrée tout naturellement dans son personnage. « Reproduire ses gestes créatifs n’a pas été compliqué pour moi, précise-t-elle. Je les ai beaucoup étudiés sur divers documents d’archive avant de me lancer et je comprenais ce qu’elle faisait. »

Sans l’accord de la famille

La famille de l’artiste refusait catégoriquement l’idée d’un biopic envoyant promener de grands noms comme Susan Sarandon désireuse de porter sa vie à l’écran. « Je peux comprendre leur point de vue, reconnaît Céline Sallette. Ils avaient peur d’un traitement trash mais j’ai abordé le sujet avec respect et bienveillance. » Un parti pris qu’embrasse la performance intense et sensible de Charlotte Le Bon dont la complicité avec la cinéaste déteint sur le film. Sans qu’on voie le résultat, elle donne l’impression d’assister à la magie d’une création salvatrice.

« Ne pas montrer son art permet de mettre l’accent sur elle, insiste Céline Sallette. J’aimerais bien sûr que les spectateurs qui ne la connaissent pas aillent regarder ses œuvres sur Internet. Elles ne leur plairont peut-être pas mais cela n’est pas important : ils auront gardé en mémoire la femme forte qu’était Niki de Saint Phalle. » On encourage les héritiers de Niki de Saint Phalle à aller voir Niki : ils y retrouveront leur aïeule au moment de l’explosion de son immense talent.