La triste histoire de Maria Schneider que raconte Jessica Palud dans Maria, présenté cette année à Cannes Première et en salles ce mercredi, justifie à elle seule la présence de coordinateurs d’intimité sur les tournages. Cette jeune actrice n’avait que 19 ans quand sa carrière et sa vie ont été torpillées en vol par le tournage du Dernier Tango à Paris de Bernardo Bertolucci.

Nous sommes en 1972. Maria Schneider croit avoir décroché le rôle de sa vie quand on lui propose de tourner face à la superstar américaine Marlon Brando. Cette histoire de la violente passion qui unit une jeune femme à un quadragénaire américain va effectivement connaître un succès sulfureux.

Un tournage cauchemardesque

Le public se déplace en masse pour une scène précise où l’héroïne se fait sodomiser par son amant qui utilise du beurre comme lubrifiant. Dans les années 1970, cette séquence de viol fait scandale tout en émoustillant certains spectateurs. Le Dernier Tango à Paris est interdit en Espagne et en Italie. Des voyages sont organisés pour passer la frontière et aller voir le film en France. Voilà la pauvre Maria Schneider devenue célèbre et considérée comme un symbole libertin alors qu’elle n’avait rien demandé. Elle avait déjà été sérieusement traumatisée par le tournage comme le raconte sa cousine Vanessa Schneider dans Tu t’appelais Maria Schneider, paru aux éditions Grasset en 2018. Un ouvrage sur lequel Jessica Palud s’est basée pour écrire son film.

Cette scène de sodomie n’était pas dans le scénario original que Jessica Palud a pu consulter. Elle a été improvisée le jour même par Bernardo Bertolucci et Marlon Brando. Si l’acte est simulé, la violence de l’acteur ne l’est pas. La sidération et l’humiliation de la jeune femme non plus.

Une scène traumatisante

« Lorsque Marlon Brando baisse le pantalon de Maria et prend le beurre, ce n’est pas écrit, précise Jessica Palud. La jeune femme est prise par surprise et plaquée au sol. Bernardo Bertolucci lui-même, dans ses propos a posteriori, l’a reconnu clairement. Il a dit qu’il voulait les vraies larmes de Maria, une réelle humiliation. » Ce qui paraît ahurissant en 2024 était admis dans les années 1970.

« Les spectateurs n’ont pas besoin de savoir que la petite Maria, après le tournage de la fameuse « scène du beurre », a été se cacher au fond de sa loge, et a pleuré toute la nuit comme une enfant », confie Maria Schneider à Paris Match en 1978. Sa carrière ne sera plus marquée que par quelques films, La Dérobade de Daniel Duval en 1979, qui lui vaudra un César en 1980, et Profession Reporter de Michelangelo Antonioni sont les plus connus.

Le regard de Maria

Anamaria Vartolomei qui incarne Maria Schneider et Matt Dillon qui joue Marlon Brando ont été conseillés par une coordinatrice d’intimité tandis qu’un cascadeur venait aussi les guider. « Ce que le film interroge, ce sont les limites de l’art, de l’utilisation d’une jeune comédienne et de la trahison qu’elle ressent. Et ces questions sont posées à travers le regard de Maria, » explique la réalisatrice.

La vraie Maria Schneider ne s’est jamais remise de cette expérience traumatisante. Elle a sombré dans les paradis artificiels et est décédée en 2011 à l’âge de 58 ans. Elle ne saura jamais que des comédiennes comme Jessica Chastain ont pris fait et cause pour elle longtemps après sa mort. Et elle ne verra pas Maria, très beau film qui lui rend hommage en lui redonnant la vie pour faire enfin entendre sa voix.