Où (en) sont les femmes dans le polar ?
féminisme•Les héroïnes tiennent de plus en plus le haut du pavé dans les films récentsCaroline Vié
L'essentiel
- Les héroïnes des films policiers ont bien changé.
- Le temps des femmes fatales ou trophées est dépassé.
- C’est ce que constatent des invités du Festival Reims Polar.
On ne va pas se mentir : le polar n’a, pendant longtemps, pas été un genre cinématographique où les femmes avaient le beau rôle. Les choses changent progressivement comme en témoignent des invités de Reims Polar que 20 Minutes a interrogés.
« J’ai été élevé avec des films ultra-machos qui sont difficilement regardables aujourd’hui, explique le romancier Caryl Férey. Les Tontons flingueurs et les comédies policières de cette époque étaient d’une misogynie crasse. Ce que j’ai catégoriquement gommé dans mes livres et que je supporte mal à l’écran. » Comme dans Okavango, son plus récent roman, où une ranger courageuse lutte contre le trafic d’animaux en Namibie.
Un changement bénéfique
Danièle Thompson, présidente du jury de Reims Polar, lui donne raison. « Tout est en train de changer et c’est bien, déclare la réalisatrice de La Bûche qui fut aussi la coscénariste de La Grande vadrouille. Il y a une attention nouvelle pour essayer d’égaliser un peu les choses. Anatomie d’une chute en est un bel exemple. Le genre se féminise très vite, un renouveau qui touche à la fois les films, les séries et les livres. » Borgo de Stéphane Demoustier, présenté en compétition, enfonce le clou en mettant en avant une surveillante de prison jouée par Hafsia Herzi. « Le polar, c’est la vaseline qui permet de parler de sujets sociétaux et de les rendre attrayants, confirme l’actrice Camille Chamoux. Les femmes y ont longtemps été montrées comme des victimes mais, dans ce rôle, la représentation change aussi : les victimes ne sont plus des femmes larmoyantes qui attendent d’être sauvées par les hommes. »
Une policière enceinte
De grands cinéastes avaient ouvert la route comme les frères Coen avec la policière enceinte de Fargo (géniale Frances McDormand). « Martin Scorsese aussi est moins macho qu’on pourrait l’imaginer : il a créé de très beaux personnages de femmes comme celui de Sharon Stone pour Casino. » La jeune Amérindienne de Killers Of The Flower Moon que joue Lily Gladstone le confirme de façon éclatante. « L’héroïne de Fargo m’a emballée parce qu’elle se démarquait des femmes fatales qu’on associait jusqu’alors au polar, explique la comédienne Lætitia Dosch, sélectionnée à Cannes cette année pour sa première réalisation Le Procès d’un chien. La policière toute cabossée ne ressentait pas le besoin d’exprimer sa féminité par la séduction. Avec elle, on passait de femme dangereuse à enquêtrice concernée comme celle que joue Jodie Foster dans la série True Crime. »
Vive les femmes !
La journaliste des Algues vertes de Pierre Jolivet, qui a reçu le prix Claude Chabrol à Reims, est l’une de ces nouvelles héroïnes et d’autant plus forte que le film s’inspire d’une histoire vraie pour dénoncer le désastre environnemental en Bretagne. « On en avait marre des héros sévèrement burnés, insiste Caryl Férey. Le temps des gros tocards à la Michel Audiard est dépassé même s’il reste encore du travail pour que ce changement soit pérenne. » Il est bien amorcé et c’est ce qu’est en train de prouver le festival de Reims Polar où les femmes sont largement représentées.