Pourquoi certains films deviennent les souffre-douleurs d’Internet
navet•Des films comme « Madame Web » se font régulièrement étriller sur X. Pourquoi tant de haine ?Caroline Vié
L'essentiel
- Les internautes se sont déchaînés sur « Madame Web ».
- De temps en temps, des films se font démolir par des internautes qui ne les ont parfois même pas vus.
- La qualité des longs métrages n’est pas toujours un critère pour leur traitement sur Internet.
S.J. Carkson doit avoir les yeux brouillés en lisant les critiques de Madame Web sur les réseaux sociaux ! Ce film inspiré des héroïnes Marvel mettant en scène Dakota Johnson, Sydney Sweeney et Tahir Rahim en prend pour son matricule alors que ses résultats au box-office ne sont pas fameux. Les réactions épidermiques se multiplient. S’agirait-il de la superhéros fatigue, lassitude frappant des amateurs surchargés de produits insipides ? Mais pourquoi les Internautes sont-ils si méchants ?
« Parce que le film est nul tout simplement, tacle Frank, 44 ans, fan de superhéros. » Il a dépensé 12 € pour en avoir le cœur net parce que « j’étais curieux et je ne peux pas parler avant d’avoir vu par moi-même. » Si Franck, pas content, préfère remâcher sa rancœur plutôt que de la répandre sur la Toile, d’autres déçus se lâchent carrément sur Madame Web dont la médiocrité prévisible ne méritait pas un tel déferlement de hargne.
Un effet de mode
« Il y a tellement de films qui se font exploser sur Internet, en particulier sur X. Parfois j’ai l’impression que c’est même un effet de mode pour rentrer dans un moule », explique Linou, créatrice de contenus cinémas et du podcast Le Nostromo. Madame Web n’est pas le premier film à subir un cas de harcèlement en ligne. Astérix et Obélix, l’empire du milieu de Guillaume Canet fait aussi partie des œuvres récentes qui ont pris des baffes à répétition.
« Les déclarations de Canet disant que le cinéma français allait mourir si on n’allait pas voir Astérix ont mis plein d’internautes hors d’eux, admet Lucie, 24 ans. J’ai en envie d’en dire du mal sans même avoir vu le film pour lui rabattre son caquet. » Elle a supprimé ses posts depuis, honteuse de s’être défoulée sur un pauvre long-métrage qui ne lui avait rien fait. « Ça m’a soulagée sur le coup mais je n’en suis pas fière même si j’ai obtenu plus d’interactions que d’habitudes sur Internet », reconnaît-elle.
Dire du mal rend populaire
Pour une Lucie repentie, combien d’internautes continuent-ils à taper gratuitement sur des œuvres qu’ils n’ont même pris la peine d’aller voir ? La haine est plus payante que l’amour en matière de vues et elle évite des désagréments auxquels on ne pense pas forcément. « Je suis sûre que certains aiment des films mais font semblant de le détester pour attirer les vues ou se donner une espèce de style, ce qui est vraiment dommage ! », soupire Linou.
C’est le cas de Jean, 65 ans, qui avoue en rigolant : « J’ai été scotché par Anatomie d’une chute mais je n’ai pas envie de me faire traiter de woke par mes potes. C’est plus simple d’en dire du mal avec eux ! D’autant plus que c’est facile de lâcher des vannes sur les films de bonnes femmes. On rigole bien. » Il assume sans plus ayant retiré ses posts après notre conversation.
Défoncer pour défoncer
En fait, la qualité d’un film, toute subjective qu’elle soit, ne semble pas vraiment un critère de commentaires négatifs sur Internet. Qu’elle ait trop de succès public ou pas suffisamment, une œuvre peut devenir tête de turc sans explication. « Bien sûr qu’on a le droit de ne pas aimer, mais c’est souvent défoncer un film pour le défoncer », regrette Linou. Une pratique qui ne semble pas appelée à disparaître prochainement sur nos écrans.