Pourquoi « Creation of the Gods I, Kingdom of Storms » ne sort en salle que deux jours
évènement•Cette fresque pharaonique sera distribuée le week-end des 10 et 11 février à l’occasion du Nouvel An chinoisCaroline Vié
L'essentiel
- «Creation of the Gods I, Kingdom of Storms » de Wuershan a été un carton dans le monde entier.
- Cette fresque historique et fantastique surprend par son côté spectaculaire.
- D’abord prévue pour la communauté chinoise, la sortie a été élargie à de nombreuses salles françaises.
Quelle est cette nouvelle mode de ne sortir les films que quelques jours ? Après Godzilla Minus One de Takashi Yamazaki, sorti brièvement en décembre 2023 puis de retour en salle deux semaines en janvier pour cause de succès, c’est au tour de Creation of the Gods I, Kingdom of Storms de Wuershan. Cette fresque pharaonique chinoise sera distribuée en salle les 10 et 11 février à l’occasion du Nouvel An chinois.
« Godzilla avait déjà une notoriété de plus de soixante ans, explique, à 20 Minutes, Boris Pugnet qui accompagne la distribution du film. Les choses sont différentes pour Création of the Gods qui est inconnu du public français et qui aurait donc eu besoin d’une promotion trop coûteuse avant d’être aussi connu. » C’est donc la communauté chinoise – avec ses propres médias et réseaux sociaux – qui était visée, de prime abord, par cette sortie qui a fini par prendre une ampleur inattendue.
Un carton mondial
Creation of the Gods, c’est un peu le Seigneur des anneaux chinois : une trilogie au budget vertigineux de 440 millions de dollars dont les trois films ont été tournés dos à dos. L’ensemble s’inspire d’un roman historique du XVIe siècle baptisé L’Investiture des dieux en français. Les hauts faits d’un jeune prince, de sa maîtresse, de prêtres, de sorciers et de démons sont les ingrédients d’un grand spectacle ahurissant à faire pâlir d’envie Hollywood. « Il y a un petit côté Marvel, explique Frédéric Ambroisine, documentariste et spécialiste du cinéma asiatique. Wuershan, le réalisateur, n’a pas prévu que trois épisodes : il a aussi envisagé des spin-off pour tous les personnages. De quoi alimenter des productions sur plus de trente ans si le succès est au rendez-vous. »
Il est là, le succès, et pas qu’un peu : Kingdom of Storms, le premier volet, a déjà engrangé près de 372 millions de dollars au box-office international. « La Chine est en train de devenir plus rentable que les Etats-Unis pour le cinéma, insiste Frédéric Ambroisine. Même Hollywood commence à y investir par le biais de coproductions. » L'univers cinématographique Creation of the Gods a donc de beaux jours devant lui en offrant à la fois exotisme, action et effet spéciaux autour de personnages changeant agréablement des superhéros américains.
Un test en France
On aura saisi que Creation of the Gods n’a donc pas réellement besoin du box-office français pour asseoir son succès. La société Heylight qui le distribue en France, était d’abord spécialisée dans l’exportation de longs métrages européens en Chine comme le film d’animation Mon ami robot de Pablo Berger. Cette firme récemment installée en France, expérimente avec Creation of the Gods. « On tâtonne, on essaie, explique Boris Pugnet, et on a été très surpris par la réactivité des salles de cinéma. » Le film fera l'objet de 360 séances sur 140 cinémas dans la France entière pendant ses deux jours de sortie nationale. « Le public français a toujours été curieux d’œuvres nouvelles, précise Frédéric Ambroisine. Et ce grand spectacle est éblouissant. Il faut cependant espérer que les spectateurs seront au courant d’une sortie qui laisse peu de temps pour le bouche à oreille. »
Même si le film connaît un triomphe pendant son week-end de distribution en salle, il est peu probable que sa carrière soit prolongée au cinéma. « Il bénéficie d’un visa exceptionnel, précise Boris Pugnet, qui lui permet de ne pas être touché par la chronologie des médias. » Ce qui veut dire qu’il pourra être rapidement exploité sur support physique, en VOD et sur les plateformes de streaming sans avoir à attendre un délai légal qui intimide souvent les distributeurs.
Sur grand écran
« Le voir sur grand écran avec un public est une expérience irremplaçable, souligne Frédéric Ambroisine. Cette fresque luxueuse est magique. Même si on ne comprend pas toujours les détails des aventures de héros qui ne nous sont pas familiers, l’ampleur de la réalisation est à couper le souffle. » On retrouve le souffle épique des œuvres du Tsui Hark et Chin Siu-tung qui ont fait le bonheur des cinéphiles dans les années 1980. « Le film est réalisé de façon plus moderne, souligne Frédéric Ambroisine. On en prend vraiment plein la vue. »
De l’accueil de ce premier volet dépendra la distribution française du deuxième qui est en postproduction. « Peut-être envisagerons-nous alors une sortie classique », déclare Boris Pugnet. Les Français ont vraiment une chance inouïe d’avoir l’opportunité de découvrir le film au cinéma. Reste à savoir si ce nouveau modèle économique peut être viable sur le long terme et permettre de s’initier à de nouvelles cinématographies dans les meilleures conditions.