Mort de Jean-Luc Godard, le cinéaste qui renversait les tables (de montage, entre autres)
DISPARITION•Le cinéaste franco-suisse décédé à l’âge de 91 ans laisse derrière lui une œuvre importante, de ses films-manifestes de la Nouvelle vague à ses interventions plus confidentiellesStéphane Leblanc
L'essentiel
- Jean-Luc Godard était le dernier des cinéastes à l'origine de la Nouvelle vague.
- Il s'est éteint à 91 ans après avoir révolutionné l'art du cinéma.
- Son oeuvre compte autant de films très connus que d'interventions plus expérimentales.
C’était le dernier monstre sacré de la Nouvelle vague. Jean-Luc Godard, qui avait débuté comme critique aux Cahiers du cinéma avant de révolutionner l’art du cinéma est mort ce mardi à l’âge de 91 ans, laissant derrière lui une œuvre majeure, notamment ses films de jeunesse tournés avec Jean-Paul Belmondo (A bout de souffle, Pierrot le fou), Anna Karina (Une femme est une femme, Vivre sa vie) ou Brigitte Bardot (Le Mépris).
Suicide assisté
Jean-Luc Godard a eu recours au suicide assisté, une pratique autorisée et encadrée en Suisse, selon une information de Libération : « Il n’était pas malade, il était simplement épuisé, a précisé un proche de la famille au journal. Il avait donc pris la décision d’en finir. C’était sa décision et c’était important pour lui que ça se sache. »
Né en 1930 à Paris d’une famille française installée en Suisse, Jean-Luc Godard était un cinéaste troublant et passionnant, admiré ou détesté par les mêmes qui voyaient en lui un auteur complet, paradoxal, à la fois moderne, créatif, prétentieux ou ennuyeux. La Nouvelle vague, c’était ses films qui la symbolisaient le mieux, même s’il ne l’a pas inventée puisqu’A bout de souffle, son premier film et le plus célèbre n’a été réalisé qu’en 1960, soit plusieurs années après les premiers films d’Agnès Varda (La Pointe courtem> 1955) ou de Claude Chabrol (Le Beau Serge 1958), ses comparses de l’époque.
Un cinéaste influent devenu très engagé
En 1968, les événements de mai l’incitent à se radicaliser politiquement, et à se marginaliser. Il rompt avec ses anciens amis, comme François Truffaut dont il qualifie le cinéma de « bourgeois ». Il tente de se lancer dans un cinéma politique où l’auteur s’effacerait devant la notion de collectif, mais ces films sont peu diffusés. Il expérimente alors la vidéo avec sa compagne Anne-Marie Miéville et intervient à la télévision pour parler de l’influence de l’image. Puis il revient à un cinéma plus conventionnel à l’aube des années 1980 avec Sauve qui peut (la vie), mais sans retrouver la place centrale qu’il occupait dans les années 1960.
En 1981, il s’offre le luxe de refuser l’Ordre national du mérite : « Je n’aime pas recevoir d’ordre, et je n’ai aucun mérite », avait-il alors déclaré. Sinon le mérite de plaire à une nouvelle génération de jeunes cinéastes internationaux, de Wong Kar-wai à Quentin Tarantino, qui n’hésitent pas, alors, à glisser des références à Godard dans leurs films. L’illusion ne durera qu’une dizaine d’années. Quand dans son film Nouvelle vague (1990), à la question « Que faites vous ? » Alain Delon répond « Je fais pitié », on ne peut qu’attribuer cette réplique au cinéaste lui-même qui, peu à peu, disparaît des radars et ne s’affiche quasiment plus en public. Il sèche le festival de Cannes avec Film socialiste (2010), prétextant un « mal grec » comparable à la crise économique que traverse ce pays.
Il continue d’expérimenter en tournant chez lui un film en 3D (Adieu au langage, 2014) ou en donnant une ultime conférence de presse à Cannes via Facebook pour Le Livre d’image, film de citations et de collages qui lui vaudra une Palme d’or d’honneur en 2018. Depuis, on n’avait plus que de vagues nouvelles d’un cinéaste qui brillait surtout par ses absences, en témoigne le vilain lapin posé à Agnès Varda et à JR venus le rencontrer chez lui, en Suisse, pour leur documentaire, Visages Villages. Un faux bond qui fit amèrement pleurer la cinéaste.