Bretagne : Pas de tapis rouge pour le tournage du film sur les algues vertes
POLEMIQUE•Plusieurs élus ont affiché leur opposition au tournage de l’adaptation de la bande dessinée d’Inès LéraudJérôme Gicquel
L'essentiel
- Le tournage du film Algues vertes, l’histoire interdite a démarré lundi en Bretagne.
- Ce long métrage est l’adaptation de la BD d’Inès Léraud qui a enquêté pendant trois ans sur ce fléau.
- Le sujet des algues vertes est sensible en Bretagne et plusieurs élus ont déjà annoncé qu’ils ne faciliteraient en rien le tournage.
Ses magnifiques paysages ont servi de décors à de très nombreuses productions. Pour le nouveau film de Pierre Jolivet, le cadre sera à coup sûr moins cinégénique. Moins flatteur aussi pour la Bretagne. Avec les équipes de 2.4.7 Films, le réalisateur a démarré lundi en toute discrétion le tournage d’Algues vertes, l’histoire interdite qui se déroulera jusqu’au 19 octobre dans les Côtes-d’Armor et en région parisienne. Adaptation de la BD d’Inès Léraud et du dessinateur Pierre Van Hove, ce long métrage retrace l’enquête menée par la journaliste sur ce fléau qui empoisonne la Bretagne depuis plusieurs dizaines d’années.
Un travail fouillé qui a trouvé un large succès auprès du public avec plus de 100.000 exemplaires vendus. Sur le terrain, Inès Léraud n’a pourtant pas eu la partie facile, voyant les portes se refermer les unes après les autres. En pointant du doigt les ravages de l’agriculture intensive, elle ne s’est pas fait non plus que des amis. Car le sujet des algues vertes est hautement sensible en Bretagne. « Personne ne veut le voir et les autorités cherchent même à l’occulter », confiait-elle à 20 Minutes au moment de la sortie de la BD en 2019.
« Une BD complètement à charge »
Trois ans plus tard, les algues vertes n’ont pas disparu. La polémique non plus. Dans le courant de l’été, plusieurs élus ont en effet annoncé qu’ils n’aideront en rien à la réalisation du film. « On ne participera en rien à ce film tiré d’une BD complètement à charge contre les élus et les agriculteurs », s’est agacé courant août dans les colonnes de Ouest-France Joël Le Jeune, président de Lannion Trégor Communauté. Maire de Saint-Michel-en-Grève, où un cheval était mort asphyxié par les algues vertes en 2009, François Ponchon n’a pas prévu non plus de déballer le tapis rouge aux équipes de tournage. « Il y a huit baies algues vertes en Bretagne mais c’est toujours la nôtre qui est mise en avant », déplore l’élu, interrogé par Le Télégramme.
A l’usine de traitement des algues vertes de Lantic, le sujet est également explosif. Alors que le président du syndicat Kerval, qui gère l’équipement, avait dans un premier temps refusé le tournage, ce dernier a finalement fait volte-face en indiquant que l’autorisation de tournage sera finalement soumise à un vote le 21 septembre.
« Le film ne tombera pas dans le manichéisme »
Face au refus de certains élus, plusieurs associations, parmi lesquelles Halte aux marées vertes ou Attac, ont pris la plume pour interpeller les préfets du Finistère et des Côtes-d’Armor, dénonçant « une censure qui ne dit pas son nom ». Elles réclament dans un communiqué que « ces élus mettent à la disposition des réalisateurs de ce film tous les éléments qu’ils ont à leur disposition, dans le cadre du droit d’accès aux données publiques ».
Contactée, l’équipe du film préfère jouer la discrétion pour ne pas alimenter la polémique. Les producteurs Marc-Antoine Robert et Xavier Rigault préviennent tout de même que « le film ne tombera pas dans le manichéisme qu’un tel sujet pourrait susciter ». La sortie en salles est prévue courant juin.