« Petite nature », les premiers émois d’un jeune héros « sans complaisance et sans tabou »
EMANCIPATION•Le réalisateur Samuel Theis revient sur ses propres émois d’enfant dans « Petite nature » en salle ce mercredi
Caroline Vié
L'essentiel
- Un enfant de 10 ans s’éprend de son instituteur, qui ne répond pas au désir du gamin mais l’aide à s’épanouir intellectuellement.
- « Petite nature » aborde des sujets délicats sans laisser place à la polémique, ni à l’ambiguïté.
- Découvert à la Semaine de la critique, ce film sensible a été récompensé à Angoulême.
C’est une œuvre semi-autobiographique sensible et passionnante que propose Samuel Theis avec Petite nature, découvert en 2021 à la Semaine de la Critique cannoise du Festival de Cannes, et récompensé par le Valois des Etudiants francophones à Angoulême. Un gamin de 10 ans tombe amoureux de son instituteur joué par Antoine Reinartz. Ce dernier ne répond évidemment pas à la passion de l’enfant, lui impose au contraire des distances tout en lui faisant découvrir la culture.
« C’est mon histoire jusqu’à un certain point, explique Samuel Theis à 20 Minutes. J’y parle de mon enfance et de la façon dont je me suis émancipé de mon milieu d’origine avant de me lancer dans le cinéma. » Coréalisateur de Party Girl, film qui obtint la Caméra d’or en 2014, le quadragénaire signe ici un premier film en solo. Et c’est très réussi.
Pas de polémique !
« J’ai essayé de montrer cet âge tendre sans complaisance et sans tabou, précise-t-il. Les premiers émois que ressent le héros me semblent aussi importants que le fait qu’il peine à trouver sa place parmi les siens. » Samuel Theis n’occulte aucun sujet et n’hésite pas à souligner la sexualité naissante d’un gamin attiré par un adulte. « La force de mon personnage vient du fait qu’il n’y a aucune ambiguïté de sa part, confie Antoine Reinartz qui joue l’enseignant. Il est gêné par l’attirance que son élève ressent à son égard et elle n’est absolument pas réciproque. » L’enfant se prend pourtant d’amour pour cet enseignant qui lui donne confiance en son intellect.
Ce n’est pas du côté du scandale ni de la polémique réside l’intérêt de Petite nature. Ce que montre Samuel Theis est la naissance d’un éveil cruel mais indispensable. « J’ai tenté de retrouver ce que je ressentais à cet âge, insiste le réalisateur, sans apporter le jugement de l’adulte que je suis devenu. » Le film sonne profondément juste tant dans les réactions du gamin que dans celles de son entourage. Tous les interprètes, connus ou non, sont fabuleux avec une mention spéciale pour Izia Higelin dans le rôle de l’épouse de l’instit et pour la débutante Mélissa Olexa, dans celui de la mère du héros.
« Replonger dans mon passé a été douloureux, reconnaît le cinéaste. J’ai revécu mon désarroi et mon désir d’autrefois avec une certitude : la différence entre un adulte et un enfant, c’est que l’adulte est responsable de ses actes alors que l’enfant ne l’est pas. » Petite nature ne laisse aucun doute là-dessus mais trouve le ton parfait pour faire partager le parcours d’un enfant sensible qui va grandir du fait de cet amour non partagé.