INTERVIEWFabrice Eboué se moque « de tout le monde de la même façon »

« Barbaque »: « Je me lâche sur l’humour noir mais je ne suis pas méchant » prévient Fabrice Eboué

INTERVIEWFabrice Eboué signe une comédie appétissante à tendance cannibale : « Barbaque », en salle ce mercredi
Caroline Vié

Caroline Vié

L'essentiel

  • Dans « Barbaque », un couple de bouchers joue du couteau pour satisfaire sa clientèle amatrice de chair humaine.
  • Fabrice Eboué, qui joue et réalise le film, partage l’étal de cette comédie noire avec Marina Foïs.
  • Le « politiquement correct » est aux abonnés absents de ce délire réjouissant.

Et si on mangeait notre prochain? Surtout des végans qui, après tout, sont des herbivores ? Barbaque, comédie appétissante dans laquelle Fabrice Eboué se dirige face à Marina Foïs, évoque cette question avec un humour féroce et une façon originale d’envisager le goût des autres.

Ainsi, un couple de bouchers endetté jusqu’au cou se rend compte du profit qu'il peut tirer du corps d’un activiste végan tué accidentellement. De là à se transformer en tueurs afin de répondre à la demande d'une clientèle friande de chair humaine, il n’y a qu’un pas… que ce duo franchit à grand renfort de hachoir et autres armes tranchantes. Dire que Fabrice Eboué est ennemi du politiquement correct est en-dessous de la réalité. Il s’est même offert Christophe Hondelatte pour une parodie hilarante de Faites entrer l’accusé ! Pour 20 Minutes, Fabrice Eboué est revenu sur sa conception du rire.

Comment avez-vous créé votre personnage de boucher cannibale ?

C’est un homme ordinaire malmené par sa femme qui le méprise. Il fait partie de ces bouchers aux méthodes artisanales qui n’ont jamais tué un animal de leur vie et ne comprend pas pourquoi les vegans les traitent d’assassins. Il aime son métier. Son seul souhait est de satisfaire sa clientèle avec ce qu’il a surnommé du « porc d’Iran », parce que le porc est une viande rare dans ce pays.

Le rôle de l’épouse, vous l'avez écrit exprès pour Marina Foïs ?

Disons que j’ai fortement pensé à elle. Marina Foïs est une Rolls. On est devenus d’autant plus vite complices qu’on est tous deux fans d’émissions de faits divers. Elle a tout de suite compris l’esprit du film. L’idée que son personnage trouve de nouveau son mari séduisant lorsqu’il devient un prédateur nous amusait tous les deux. C’est une façon de jouer avec les codes masculins qu’on nous assène dès l’enfance. Nous aimions aussi le fait que cette femme frustrée soit accro à la chair humaine, qu’elle regarde les gens avec appétit.

Pourquoi avez-vous rendu la viande aussi appétissante ?

Les clients ignorent que ce boucher sert de la chair humaine et pas du cochon, si bien qu'ils se régalent sans arrière-pensée. Je voulais que les spectateurs comprennent à quel point cette viande est exceptionnelle. J’ai donc soigné le moment où je m’en fais un steak. On l’a fait cuire dans du beurre et filmé avec un éclairage alléchant. Il fallait que le public ait l’eau à la bouche, qu’il ait envie d’en manger aussi. J’ai d’ailleurs lu dans des livres anciens que la chair humaine a la consistance du porc et un goût qui s’en rapproche.

Vous n’y allez pas de main morte, vous n’avez pas peur des polémiques ?

Je n’ai jamais eu peur et il faut reconnaître que je n’ai jamais trop souffert des réactions à mon humour. Les vegans qui ont vu mon film ont, pour la plupart, compris que je n’avais aucune malveillance à leur égard. Certains ont travaillé sur le film et ne se sont plaints que d’avoir dû tourner dans une boucherie. Je me lâche sur l’humour noir mais je ne suis pas méchant. Je me moque de tout le monde de la même façon. Barbaque s’en prend aux extrémistes pas aux gens qui ont des convictions. Ce sont eux que je vise dans tous les domaines et pas seulement le véganisme.

Vous ne vous interdisez rien ?

Je refuse de m’autocensurer. Je ne coupe que ce qui ne me semble pas drôle, ou ce qui ralentit l’action. Ce sont mes seules limites. Comme Barbaque est à la fois une histoire d’amour au romantisme un peu différent et un film de genre, je devais être rigoureux. J’ai voulu garder l’équilibre entre les deux mais je ne me suis jamais censuré et personne ne m’a jamais demandé de le faire.

Vous n’êtes donc pas d’accord avec les comiques qui prétendent qu’on ne peut plus rire de rien ?

Ce type de déclaration est souvent une façon de dissimuler sa propre paresse ou de trouver une excuse pour ne plus prendre de risques. Il est pourtant plus que temps de se secouer. Les spectateurs, surtout jeunes, ont pris l’habitude de regarder les plates-formes. Il faut réagir si on ne veut pas qu’elles bouffent le ciné. Il faut offrir des contenus différents pour les attirer dans les salles. Pour faire revenir les gens au cinéma, il faut les étonner ou les choquer.

C’est pour cela que « Tout simplement noir », film auquel vous avez participé, a cartonné au box-office ?

Absolument. Cette réflexion originale offrait quelque chose de nouveau puisque chacun de nous jouait avec son image en abordant le sujet du racisme. Le public n’avait pas d’équivalent sur les plateformes et a donc eu envie de revenir en salle pour rire ensemble. J’espère qu’il en sera de même pour Barbaque.