« La Nuée »: Les sauterelles de Just Philippot prennent la mouche et l'élevage vire au cauchemar
INSECTES•Le réalisateur français Just Philippot mêle le cinéma d’horreur à la chronique paysanne dans l’excellent « La Nuée » en salle ce mercrediCaroline Vié
L'essentiel
- Avec « La Nuée », Just Philippot signe un premier film brillant sur une ferme de sauterelles comestibles.
- La chronique rurale tourne au film d’horreur dans ce film très original.
- Suliane Brahim est une révélation en mère de famille endettée tentant de survivre.
Vous prendrez bien un ver ? En fait, ce sont des sauterelles comestibles qu’élève l’héroïne de La Nuée de Just Philippot. Ce premier film français, repéré à la Semaine de la Critique 2020 et sélectionné ensuite à Gérardmer, suit la lente descente aux enfers de cette fermière d’un genre particulier.
« Je suis parti de la réalité d’un authentique élevage d’insectes sur lequel je me suis vraiment renseigné, explique le réalisateur de 39 ans à 20 Minutes. Puis, j’ai poussé le bouchon plus loin vers le cinéma de genre. » Si loin que l’horreur pointe souvent ses mandibules pour notre plus grand plaisir.
Entre « Alien » et « Petit paysan »
Son héroïne incarnée par Suliane Brahim, pensionnaire de la Comédie-Française remarquée dans la série Zone Blanche, est éblouissante dans la peau de cette femme criblée de dettes qui tente de s’en sortir par tous les moyens, quitte à trouver des solutions peu orthodoxes pour nourrir ses pensionnaires. « Je vois mon film comme une synthèse entre Alien et Petit Paysan », s’amuse Just Philippot. Au film de Ridley Scott, il a emprunté le sens du suspense viscéral et à celui d’ Hubert Charuel, le côté chronique sociale du monde rural. Ce cocktail corsé est aussi original que convaincant tant le spectateur prend fait et cause pour cette jeune femme et ses enfants.
La Nuée ne serait pas aussi visuellement impressionnant sans ses stars ailées. « J’ai tenu à ce que nous utilisions le moins d’effets spéciaux possibles afin de conserver un aspect organique aux insectes » explique Just Philippot. Ces derniers étaient, en fait, des criquets migrateurs dont un élevage a été créé pour le tournage. La fameuse nuée qui donne son titre au film est l’œuvre d’ Antoine Moulineau qui s’est efforcé à rendre ses effets numériques le plus discrets possibles.
Entre réalité et fiction
« Mon souhait était que le public ne puisse pas faire la différence entre ce qui est vrai et ce ne l’est pas, insiste le réalisateur. Ce flou correspond au film tout entier qui mêle réalisme et fantastique. » C’est cela qui rend La Nuée exceptionnel : on croit tout autant aux personnages qu’à l’action dans ce film étonnant qui ne donne pourtant pas envie de manger des sauterelles. « Il faut commencer par enlever les ailes » renseigne Just Philippot. Ce dernier se montre plus convaincant comme cinéaste que comme gastronome. Son film est un pur régal !