D'où vient la déferlante de nouveaux films cette semaine, malgré le couvre-feu ?
EN SALLE•De nombreux distributeurs de films ont préféré ne pas reporter leurs sorties en salle, malgré les nouvelles mesures sanitairesCaroline Vié
Apothéose cinématographique ce mercredi : pas moins de neuf nouveaux films sortent dans les salles malgré le couvre-feu qui faisait craindre des déprogrammations massives. « J’espère que les gens pourront aller voir mon film », confiait Albert Dupontel la semaine dernière à 20 Minutes. Il est exaucé : un temps menacée, sa comédie grinçante Adieu les cons n’est finalement pas reportée.
Et pourtant, « les résultats du week-end dernier ne sont pas exceptionnels, note Nicolas Colle, journaliste en charge de l’analyse de l’exploitation et de la distribution pour Ecran Total. L’an passé, on avait 3,2 millions de spectateurs et 1,2 million pour la même semaine cette année. On est donc loin du compte. »
Comme seul le samedi de couvre-feu a réellement joué sur les chiffres ce week-end, il faudra encore attendre un peu pour avoir une vision d’ensemble de la fréquentation. Dans quel sens les nouvelles restrictions sanitaires qui, de facto, suppriment les séances de 20 heures et de 22 heures, viendront-elles bouleverser une profession déjà mise à mal par la pandémie ? En contrepartie, des séances fleurissent déjà çà et là à 8 heures et 10 heures du matin…
Avancer par solidarité
En tout cas, pour l’instant, et contrairement à ce qu’on aurait pu croire, beaucoup de films prennent le risque de se lancer : Miss de Ruben Alves, l’histoire d’un jeune homme très féminin qui tente de devenir Miss France, a même avancé sa sortie d’une semaine. C’est une nouvelle façon pour la firme Warner d’assurer son soutien aux exploitants de salles après avoir pris le risque de diffuser Tenet de Christopher Nolan à la fin des vacances d’été. « La sortie de Miss suit cette logique de soutien, explique Olivier Snanoudj, senior-vice-president de Warner France. Nous avons aussi voulu offrir une semaine supplémentaire au film pour profiter des vacances scolaires. »
D’autres distributeurs se sont tâtés comme ARP distribution. Ils ont d’abord pensé à déprogrammer Peninsula de Sang-Ho Yeon de peur de perdre trop de spectateurs avec la suppression des séances du soir. Et puis ils ont changé d’avis, ne serait-ce que pour exprimer leur « solidarité avec les exploitants ». Même message de la part d’Eurozoom, qui sortira bien son Little Zombies le 11 novembre.
Sorties en famille
Quant au Petit Vampire de Joann Sfar, également en salle mercredi, il affirme bien haut, dans un dessin, ce qu’il pense du refus du gouvernement d’accorder une dérogation aux spectateurs de cinémas et de théâtre : « Jean Castex est un con », clame-t-il sur le compte Instagram de son auteur.
Depuis quelques semaines SND a choisi de garder Poly de Nicolas Vanier dans ses sorties des vacances scolaires mais a déprogrammé le très attendu Kaamelott, remis à une date ultérieure non fixée. « Ils n’avaient encore vraiment commencé la promotion de ce film coûteux, ce qui explique qu’ils puissent ajourner la sortie », précise Nicolas Colle. Kaamelott sortira cependant bien en salle comme l’assure le distributeur dans un tweet.
Un geste artistique et citoyen
« Sortir un film aujourd’hui est un geste artistique mais aussi citoyen tout comme le fait d’acheter un ticket de cinéma, nous confirme l’acteur et réalisateur Nicolas Maury dont le Garçon Chiffon sort le 28 octobre. Il faut une présence physique des films pour continuer à exister. » Ces initiatives seront-elles couronnées de succès quand on sait que les deux séances du soir constituent jusqu’à 40 % du chiffre d’affaires des films ? « Les gens ont besoin de la culture. On peut constater cet appétit de spectacle aux avant-premières comme au théâtre », affirme Laurent Lafitte à 20 Minutes. C’était avant que la sortie de L’Origine du monde, le premier long-métrage de l’acteur en tant que réalisateur, ne soit repoussé au 10 février 2021 au lieu du 4 novembre 2020.