INTERVIEW« Il y a un fond de masochisme dans l’humour », estime Judd Apatow

« Il y a un fond de masochisme dans l’humour », estime Judd Apatow

INTERVIEWLe réalisateur revient sur sa conception de l’humour à l’occasion de la sortie de sa nouvelle comédie « The King of Staten Island », en salle ce mercredi 22 juillet
Caroline Vié

Propos recueillis par Caroline Vié

L'essentiel

  • Judd Apatow s’est imposé comme un maître de l’humour américain depuis le début des années 2000.
  • « The King of Staten Island » semble plus mûr que ses œuvres précédentes.
  • II fait découvrir l’excellent Pete Davidson, star comique outre-Atlantique, au public français.

L’humour est un métier pour Judd Apatow. Depuis 2005 et 40 ans,toujours puceau, le réalisateur s’est imposé comme un spécialiste du rire à l’écran avec En cloque (mode d'emploi) (2007), Funny People (2009), Crazy Amy (2015).

The King of Staten Island, qui sort dans les salles françaises cette semaine, est très librement inspiré de la vie de l’acteur Pete Davidson, star comique aux Etats-Unis. Il y incarne un adulescent rendant la vie impossible à son entourage parce qu’il ne se remet pas de la mort de son père pompier. Judd Apatow a profité de la sortie de cette comédie drôle et grave pour revenir sur la notion de rire au cinéma et nous confier ses idées sur ce sujet.

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Comment savez-vous qu’un acteur va être drôle ?

On acquiert un instinct pour ce genre de choses au fil des années. C’est une sorte de radar, un peu comme lorsque vous entendez un groupe de musique pour la première fois et que vous vous sentez excité sans savoir vraiment pourquoi. J’ai éprouvé cela en voyant Pete Davidson pour la première fois, d’abord en vidéo puis sur scène.

Pourquoi son histoire fait-elle rire ?

Elle comporte des éléments de tragédie très puissants mais l’empathie que l’on ressent pour son personnage fait qu’on rit avec lui. Pour Pete, l’humour est un mécanisme de défense. Dans la vraie vie, il a perdu son père quand il avait sept ans dans les attentats du World Trade Center. Il a eu d’autant plus de mal à faire son deuil qu’il s’agit d’un évènement historique dont on lui parle constamment. Il a appris à faire une arme de son chagrin.

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C’est de la douleur que naît l’humour ?

Il n’est pas indispensable de souffrir pour être drôle mais il est certain que les comiques sont souvent des gens torturés. Ils prennent une situation tragique et la tordent pour en tirer du rire à leurs dépens comme à celui de ceux qui les entourent. Il y a un fond de masochisme dans l’humour, mais aussi une catharsis, peut-être parce qu’il s’agit d’une douleur que l’humoriste peut contrôler ce qui lui apporte une forme de soulagement.

L’humour peut-il être le même pour tous ?

L’humour est universel quand il touche à nos points communs. Quelqu’un qui balance une énormité à un premier rendez-vous et se ridiculise devant la personne convoitée nous amuse, parce que cela renvoie à un type de malaise que tout le monde a plus ou moins ressenti. Quand on rit d’un tel personnage, c’est aussi de soi-même que l’on se moque, ce qui fait un bien fou.

L’humour mûrit-il quand on avance en âge ?

Je n’en suis pas si sûr quand je vois que mon ami Mel Brooks est resté un adolescent dans sa tête à plus de 90 ans. Les bouddhistes disent qu’il faut plusieurs vies pour s’accomplir. J’estime que je devrais atteindre l’âge adulte vers ma 72e vie ! Je crois cependant être plus tendre dans ma façon de rire. C’est peut-être une forme de maturité. Cela dit, à 52 ans, je rigole toujours autant devant des séries potaches comme Jackass.

Pensez-vous que l’humour a évolué depuis vos débuts ?

L’humour a longtemps été porté sur la provocation. Aujourd’hui, il faut faire attention à ne heurter la sensibilité de personne. Si je crois qu’on doit avoir des limites, je regrette que ce soit les financiers qui soient souvent décisionnaires. Je préférerais que les gens puissent s’exprimer librement puis qu’on débatte avec eux si leurs blagues nous heurtent ou ne nous plaisent pas.