Festival de Cannes: Quelles sont les chances françaises de décrocher la Palme d'or 2019?
COMPETITION•La France est représentée dans cinq, six ou sept des 21 films de la compétition du 72e Festival de Cannes, suivant la façon de compterStéphane Leblanc
L'essentiel
- Cinq films représentent officiellement la France cette année à Cannes : ceux d'Arnaud Desplechin, d'Abdellatif Kéchiche, de Ladj Ly, de Céline Sciamma et de Justine Triet.
- Mais si l'on considère qu'Abdellatif Kéchiche, réalisateur franco-tunisien de Maktoub my love: Intermezzo, signe un film français, le film Atlantique de la Franco-Sénégalaise Mati Diop pourrait être ajouté à cette liste.
- Par ailleurs, Frankie de l'Américain Ira Sachs, tourné au Portugal, comporte un beau casting d'acteurs français, parmi lesquels Isabelle Huppert dans le rôle principal.
Au nombre de sélections en compétition, la France a déjà remporté une sacrée victoire. Aux cinq films officiellement recensés comme français (ceux d’Arnaud Desplechin, d’Abdellatif Kéchiche, de Ladj Ly, de Céline Sciamma et de Justine Triet), on peut en ajouter un sixième, celui de la Franco-Sénégalaise Mati Diop, Atlantique. L’ancienne actrice de Claire Denis (dans 35 Rhums) et plasticienne diplômée du Fresnoy (dans les Hauts-de-France), qui a tourné son film au Sénégal, se retrouve un peu dans la même situation que la réalisatrice de Mustang, Deniz Gamze Erguven qui, bien qu’ayant étudié et passé l’essentiel de sa vie en France, avait tourné son film dans son pays d’origine, la Turquie.
On ne compte évidemment pas – car ce serait tricher –, les francophones belges Jean-Pierre et Luc Dardenne ou québecois Xavier Dolan dans la liste des postulants français. Mais en revanche, Frankie de l’Américain Ira Sachs, tourné au Portugal, comporte un beau casting d'acteurs français avec notre star nationale Isabelle Huppert dans le rôle principal et peut donc faire office de septième chance pour nos couleurs, pour un prix d’interprétation…
Tous ces films sont plus des outsiders que des favoris, mais les chances existent malgré tout qu’un d'eux, par son sujet ou l’originalité de son traitement, plaise au jury d’Alejandro González Iñárritu. Revue des forces en présence.
« Roubaix une lumière », le thriller d’Arnaud Depleschin
Le réalisateur de 58 ans est un habitué du festival de Cannes : son premier long-métrage La Sentinelle était déjà en compétition en 1992. Ont suivi à Cannes, Comment je me suis disputé Ma vie sexuelle, Esther Kahn, Un conte de Noël, Jimmy P., puis Trois souvenirs de ma jeunesse (à la Quinzaine) et Les Fantômes d’Ismaël (en ouverture hors compétition).
Son nouveau film, tourné dans sa ville natale, est un thriller inspiré d’un fait divers survenu au début des années 2000 à Roubaix lorsqu’une septuagénaire avait été tuée par ses voisines toxicomanes et alcooliques. Sara Forestier et Léa Seydoux, mais aussi Roschdy Zem, se partagent les rôles principaux.
« Mektoub my love : Intermezzo », la saga d’Abdellatif Kéchiche
C’est l’oeuvre de sa vie, adaptée d'un roman de François Bégaudeau certes, mais surtout inspirée de sa propre jeunesse dans le sud de la France que raconte le réalisateur franco-tunisien, dans ce deuxième volume d’un ensemble qui en comportera trois.
A son actif, Abdellatif Kéchiche possède un indéniable sens de la mise en scène qui fait de lui l’un des meilleurs en France dans ce domaine. Contre lui, le fait d’avoir déjà remporté la Palme d’or avec La Vie d’Adèle, film dont le sujet, un amour entre deux filles, était à la fois brûlant de passion et d’actualité.
« Portrait de la jeune fille en feu », le film d’époque de Céline Sciamma
Céline Sciamma intriguait déjà la sélection Un Certain regard avec son premier film, Naissance des pieuvres (révélant par la même occasion Adèle Haenel qu’on retrouve cette année dans trois films à Cannes, dont celui-ci).
aEngagée au sein du collectif 50/50 militant pour la parité et l’égalité femmes-hommes au cinéma, la réalisatrice de Tomboy (qu’elle avait présenté à Berlin) se retrouve pour la première fois en compétition avec Portrait de la jeune fille en feu, un drame historique mettant en scène une peintre mandatée pour faire le portrait de mariage d’une jeune femme tout juste sortie du couvent, sur une île isolée en Bretagne, à la fin du XVIIIe siècle.
« Les Misérables », le brûlot d’actualité de Ladj Ly
Moins connu du grand public, car issu d’un cinéma moins conventionnel, Ladj Ly débarque pour la première fois en compétition avec Les Misérables.
Membre fondateur du collectif Koutrajmé aux côtés de Kim Chapiron (Sheitan) ou Romain Gavras (Le Monde est à toi) dans les années 1990, ce quadragénaire engagé signe ici la version longue d’un court-métrage déjà nommé aux Césars 2018 sur l’intégration d’une nouvelle recrue de la brigade anti-criminalité de Montfermeil, dans le 93, incarné par Damien Bonnard (En Liberté !).
« Sibyl », le thriller paranoïaque de Justine Triet
C’est à Justine Triet qu’on doit La Bataille de Solferino, drôle de comédie tournée le jour-même du second tour de l’élection présidentielle de 2012, remportée par François Hollande, mais aussi Victoria, avec Virginie Efira dans le rôle-titre, présenté en ouverture de la Semaine de la critique à Cannes en 2016.
La réalisatrice retrouve son actrice star Virigine Efira dans le rôle principal. Gravitent autour d’elle Adèle Exarchopoulos, Gaspard Ulliel, Niels Schneider et Sandra Hüller (l’héroïne de Toni Erdmann) pour raconter les tribulations d’une psychanalyste reconvertie en romancière qui s’inspire un peu trop de la vie d’une de ses patientes pour écrire son livre.
« Atlantique », la fable futuriste sur les migrations de Mati Diop
La première fois qu’on a vu Mati Diop, fille de musicien et nièce de cinéaste sénégalais, c’était comme actrice sous la direction de Claire Denis dans 35 Rhums, vibrante histoire d’un père, Lionel, joué par Alex Descas, qui travaille sur la ligne B du RER, et de sa fille, Joséphine, étudiante à Paris VIII et vendeuse chez dans un magasin Virgin de banlieue parisienne. Depuis, la jeune femme est devenue réalisatrice, documentariste, plasticienne.
Son film Atlantique, pour lequel elle revendique l’influence de John Cassavetes et d’ Apichatpong Weerasethakul, raconte l’histoire de la fabrication d’une embarcation futuriste sur une rive africaine. Une fable sur les migrations entre contemplation et science-fiction qui pourrait, si le film est réussi, avoir un rayonnement inattendu.
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On se souvient de l’émotion dans la voix de l’actrice Rossy De Palma en parlant du choix de son jury de décerner la palme à Deephan de Jacques Audiard, parce que, disait-elle, « pour une fois, un film s’attarde à montrer des gens qu’on croise tous les jours dans la rue sans jamais savoir d’où ils viennent ni quelle est leur histoire ».